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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 07:23

NevermoreMoriarty 

 

Note de concordance : 6.5/10

 

Rideau !

Bienvenue au cabaret ! Derrière les volutes, les spectacles étrennent le plancher. Les artistes jouent sur du velours. Les chansonniers étourdissent, les tours font chanceler les regards. Il y a de la magie dans l'ère : XXème siècle, première partie.

 

"Nevermore" se situe dans les années 20. La musique de Moriarty, pas loin. Ce premier album des franco-américains date pourtant de 2007, mais les percussions foutraques, l'harmonica fanfaron et la guitare qui transpire le blues à grosses gouttes semblent sortis d'un vieux vinyle retrouvé dans un grenier avec vue calfeutrée sur le Mississippi. L'enregistrement capte la voix perçante de Rosemary comme si le micro se trouvait dans un cabanon ou dans l'arrière-salle d'une fête foraine. Tous les instruments additifs (et par instruments, il faut entendre "de musique", ou "de cuisine", ou "de mesure", ou "de médecine", ou "de navigation", ou que sais-je encore - personne n'a jamais rangé tout le bataclan de ce disque !) bourlinguent dans ce même esprit bringuebalant. Le bastringue bazarde les barricades du formatage et atteint l'essence des ambiances de guinguette. L'auditeur en goguette se retrouve devant une scène de music-hall qui ne joue que pour lui. Une scène sans ménage, qui assume ses glorieuses poussières.

 

On imagine Le Grand Houdini en personne opérer sur ces mêmes estrades, déliant les maillons constrictor, venant à bout de tous les coffres, déverrouillant les limites de l'illusion. Il est le personnage-clef (facile, je sais ; j'aurais peut-être dû la laisser sous scellé, celle-là) de "Nevermore". Houdini !Il a cependant un compagnon de choc pour élucider son affaire : Sir Arthur Conan Doyle. A eux deux, aidés de quelques revenants spectraux, ils vont tenter d'élucider une série de meurtres qui font trembler les gratte-ciels de New York. Ces crimes mettent macabrement en scène des nouvelles d'Edgar Poe. Les cadavres se ruent à la morgue ! Elémentaire : le duo enquête.

 

Le père de Sherlock Holmes a réellement lié amitié avec Houdini. William Hjortsberg, qui est aussi scénariste hollywoodien ("Angel heart" par exemple), emprunte un canevas historique parfaitement avéré et tisse habilement ses mailles fictionnelles autour de lui. 

C'est sa passion débordante pour le spiritisme qui a poussé Conan Doyle à fréquenter le prestidigitateur. Leur respect mutuel finit par s'envenimer, Harry Houdini n'adhérant absolument pas à l'existence des esprits ; pragmatique, seule l'illusion trouve grâce à ses yeux. Seuls les charlatans entrouvrent l'au-delà, par le truchement de trucs. Ce roman se penche davantage sur les relations électrisées des deux héros, sur leur duel argumenté, que sur l'enquête policière, presque reléguée à l'arrière-plan.

 

Quelques voiles de mystère se superposent pour maintenir l'atmosphère de feuilleton populaire et la pleine attention du lecteur. Comme cette apparition d'Edgar Poe, les pièges grandiloquents ou le personnage d'Isis, séductrice fatale + intrigante qu'une boule de cristal. 

 

On se figure volontiers Isis avec la voix classieuse de Rosemary. Toutes deux sont énigmatiques, indépendantes, libérées et entourées d'hommes. moriarty scèneLa diva est accompagnée de quatre "frères" - mais la "famille" Moriarty est à taille variable. Chacun trimballe sa petite valise d'idées qui alimentent l'opérette folk "Gee whiz, but this is a lonesome town". Comme un magicien en sortirait une colombe ou le chien de Columbo, les Moriarty en extraient kazoos, clarinettes, cloches, machine à écrire (on croirait entendre Conan Doyle en plein travail à l'écoute de "Jaywalker").

Avec trois bouts de ficelles et cinq cordes de banjo, cette improbable formation funambule joue à superposer des cailloux. Par miracle, leurs mélodies tiennent la route, sans note molle, sans consensus, sans qu'on s'en moque. Libre équilibre.

 

Quelques titres se parent d'une humeur inquiète qui fait la part belle aux scènes d'angoisse ou de claustrophobie du roman. Dans cette catégorie, "Animals can't laugh" et ses accents orientaux glisse furtivement sur les parures d'Isis. Et même sur la longueur, ce disque baroque de bric et de broc intemporel se suspend bien aux aventures placides des deux peoples d'un autre temps.

 

Hasard, coïncidence, subconscience ? Moriarty est aussi le nom de l'ennemi juré de Sherlock Holmes, inventé par Conan Doyle. D'ici que l'esprit de Sir Arthur m'ait dicté le choix de cette B.O.L....

 

En attendant le nouvel album fin avril, "The Missing room", voici le titre qui a révélé le groupe, "Jimmy":

http://www.youtube.com/watch?v=lnbl94GZ6TM

 

 

 

 

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30 mars 2011 3 30 /03 /mars /2011 19:09

Villa Tristemagic numbers runaway

 

Note de concordance : 5,5/10

 

Il est des Bandes Originales de Livres qui s'imposent un peu par hasard, un peu par flemme. "The Runaway" est une de celles-là,

la galette collée à la platine,

mes fesses collées à la chaise de la terrasse qui s'éteint doucement,

mes lèvres collées à un apéritif solitaire

(collez ici l'image de votre alcool préféré),

mes yeux collés sur "Villa Triste".

Ainsi The Magic Numbers se sont invités et leur venue fut des + plaisantes. Je retardai leur départ.

 

A bien y réfléchir, ce disque avait sa place au coeur d'un livre dont les personnages sont également touchés, comme moi ce soir-là, par l'inaction. Où l'effervescence a comme seul réceptacle des flûtes dorées.

Pour son quatrième roman, Modiano médite sur le temps passé, le temps qui passe. Dans une ville fantôme, Evian (moi aussi, j'y reviens...), le narrateur se souvient de l'été 62.  Des images fanées s'animent. Reprennent vigueur. Les couleurs de cette saison particulière l'éblouissent à nouveau, s'empourprent là où se dressait l'Hôtel Hermitage.

Jeune et innocent, terrorisé d'être appelé en Algérie, Victor se réfugie à quelques brasses de la Suisse. Sa naïveté séduit un homme fantasque et une jeune femme oisive. René Meinthe et Yvonne Jacquet, deux bulles de champagne dans une coupe raffinée. Puis trois : Victor dépose ses encombrantes valises, symbole de ses racines, dans leur monde de luxe. Bons mots, mondanités, monde à nuités... La grande vie en grand hôtel. Le grand train...

Modiano gomme les repères concrets comme les noms de villes : ses personnages pétillants éventent leur passé, l'argent coule de nulle part... seul compte le Présent. Et l'élégance !

 

C'est sans aucun doute le lien le + fort avec le troisième album des londoniens. Car si l'apparence de ces deux paires de frères et soeurs fait davantage penser à un Charles Ingalls qui aurait porté la peau de l'ours ma léché après l'avoir tué, leurs chansons pop redéfinissent la finesse.

 

the magic numbers

 

Les voix et les choeurs, au masculin et au féminin, se passent le relais pour emmener la chanson au loin. Et les morceaux s'immiscent dans la tête, trouvent des angles originaux, des courbes harmonieuses pour aller se loger dans les cellules les + moelleuses de votre cerveau. Travail d'orfèvre que ces pièces, dont les pincées de cordes illuminent la candeur (saluons le travail de feu Robert Kirby, arrangeur de Nick Drake, sur cette partition). Un orchestre au lustre précieux donne un port de tête noble à ces douze morceaux ; en particulier le treizième ! Trésor caché. Musique de chambre ambrée, relecture parfumée du single "The Pulse".

 

Tiens, les paroles de ce titre sont les questionnements d'un homme que la peur a enfermé dans une bulle, où les sentiments ne l'atteignent plus. On est presque chez Victor. Sauf que les sentiments de Victor s'épaississent. Et dans un monde de légèreté et de rencontres chics, l'épaisseur n'a pas sa place. Les projets sont une démonstration de lourdeur. Participer à un concours d'élégance, c'est  l'entreprise la + concrète qu'Yvonne puisse amorcer ! Alors partir à deux aux USA, terre promise à l'activité... La parenthèse enchantée s'ouvre. La bulle éclate.

Seul compte le Présent...

 

De son écriture souple, Modiano nous parle d'innocence qui se flétrit, de la patine et de l'éphémère. Comme ses personnages insondables, son style charme de façon mystérieuse. Il rend impalpable l'ennui et gracile l'immobilisme. L'adaptation cinématographique de Patrice Leconte (sous un nom différent : "Le parfum d'Yvonne") est agréable mais n'a pas la force magnétique du roman.

Inutile de préciser que Leconte ne s'est pas servi des ballades classieuses ("Restless river")  et des ritournelles R&B (incontournable "Why did you call ?") des Magic Numbers dans sa BOF. Leurs chansons de dentelles resteront un secret un peu trop bien gardé. On ressort + difficilement qu'on croit du cocon tissé par le quatuor, des mirages mélodiques, des lits-camaïeux qui nous bercent. Leur bulle s'élève.

Seul compte l'Intemporel...

 

Partageons le secret, ouvrons le coffre au trésor...

http://www.youtube.com/watch?v=1nqrtG90Baw

 

... et laissons les violons faire de l'oeil aux guitares :

http://www.youtube.com/watch?v=4MVJiE4E2Q0&playnext=1&list=PL378A98B4BD3EB413

 

 

 

 

 

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22 mars 2011 2 22 /03 /mars /2011 07:30

cleet borishubert mounier

 

Note de concordance : 10/10

 

Je ne pouvais décemment pas passer à côté.

Premièrement parce que ce blog a pour vertu de s'occuper de la sono des livres, et que cette association nous arrive clef en main : le nouveau disque et la BD qui raconte sa conception. Ou le nouveau bouquin accompagné de sa Bande Originale de Livre, choisissez le sens.

Mais aussi, et surtout, parce qu'en tant qu'ancien lyonnais fan de l'Affaire Louis Trio et de Hubert Mounier (et accessoirement inconditionnel du travail de Biolay), je me régale de cette grande oeuvre à double entrée.

 

Certes ce n'est pas la première fois qu'un auteur aiguille son lecteur vers un disque précis : nous l'avions évoqué dans un article sur Gunnar Staalesen , et on pourrait également citer la BD "Loser" vendue avec un CD. Il est aussi arrivé qu'un dessinateur glisse ses propres compositions musicales dans un ouvrage. Berberian tourne autour du BOL depuis un bout de temps, avec "Françoise" ou "The Spell" de son groupe Nightbuzz (avec le formidable J-C Denis). Le petit + que propose Cleet Boris (pour les non-initiés, Dr Mounier et Mr Cleet sont un seul et même homme : l'ex-leader de L'Affaire Louis Trio, dessinateur et chanteur), c'est que sa BD parle de l'album, de la composition à la production.

Et l'inverse est presque vrai. Quand le disque parle d'apaisement, d'un havre épais, ou d'un lieu de recueil, le plaisir de dessiner n'est-il pas derrière ?

 

Cette superbe harmonie, j'ai failli passer à côté. Et j'en ai encore un peu honte. Il suffit d'écouter un album un peu cynique ou branchouille juste avant, de coincer "La maison de pain d'épice" dans un étau, mordu par un The Kills et un MGMT, et on peut se dire que ces chansons ne valent rien, trop désuètes. Que Mounier a perdu le truc. Sans la bande dessinée, j'en serais peut-être resté là. Et , c'est le drame ! 

 

Hubert Mounier a un univers. Un Monde à lui. Fait de fantaisie, de super-héros rigolos, d'aventuriers en yellow submarines, de lasers à rayons XTC, d'une jungle de tendresse - il fallait bien deux oeuvres simultanées pour faire rentrer tout ça ! Et puis il y a l'élégance. C'est cette qualité qui peut faire rater la marche menant aux hauteurs du disque : Mounier peaufine tant sa fluidité qu'au premier abord les chansons semblent simples, banales. Une ou deux écoutes supplémentaires calment vite le petit malin qui le prendrait de haut.

La BD aide donc à admettre qu'il faut rentrer dans ce fameux univers - c'est le carton d'invitation, bien que l'entrée soit libre. Quel plaisir alors de zapper de morceaux en morceaux afin de faire coïncider les cases et les notes, de jouer à reconnaître le titre en train de naître, de croiser Benjamin le génie et Biolay le capricieux tout en distinguant sa patte...

 

maison pain epice

 

La ligne claire de Cleet Boris est également tout en souplesse. "La maison de pain d'épice" s'écoule, suit son cours tranquille. L'humour déborde, crue de clins d'oeils dans les vignettes. Les dessins, vivants, ponctués d'hommages aux comics de son enfance, sont chargés de symboles ; pluie d'allégories hilarantes.

L'aspect le + intéressant de ce livre, au-delà de l'inventivité narrative, est la découverte de Hubert Mounier, l'homme. L'artiste au quotidien, la gloire déçue, le chanteur indigné de se faire virer par son label, le Capitaine retiré en Ardèche, le type amoureux, le père de famille qui a lutté contre l'alcool. Le leader d'un groupe dont l'un des membres est mort, brutalement. On va sûrement nous repasser l'intégrale des "Jeux de 20 heures" sur France 3 en hommage à Maître Capello, mais les batteurs de groupes qui nous ont fait planer il y a + de dix ans - dix éternités - qui s'en soucie ? Douloureuse info, dignement racontée, contenue dans ce livre... Bronco Jr est mort.

 

Difficile d'enchaîner après cette phrase qui m'attriste sincèrement. Mais il faut bien que je vous parle des ukulélés, des choeurs divins de garçons de plages, des ponts bossa-nova, des fleurs de xylophone, des accords limpides et intrépides, du soleil pop qui parcellent le disque. Le refrain-killer de "Fatalitas", les réminiscences mobiles des chants de sirènes sur "Triste saison", les paroles affûtées de la chanson-titre, la sollennité d'"Un monde à nous" aux so(m)bres claviers et point d'orgue de l'album, tant de sublimes moments... Fragiles. Discrets. Des moments qui se méritent.

 

Il y a 17 ans, je rêvais de croiser Cleet Boris dans les rues de Lyon pour lui dire que pour moi "Mobilis in mobile" était le meilleur album en français jamais écrit. Quelques mois + tard, l'occasion s'est présentée quand je lui ai tenu, à lui et à sa petite fille, la porte de la Fnac Bellecour. J'ai enfin pu lui dire ! Avec approximativement ces mots : "de ri... é... Bmm, h...". Il a sûrement compris, non ?

Bref, 17 ans + tard, nous avons les blogs pour nous exprimer. Alors Mr Mounier, je voudrais vous dire : "br... è. Bmm, oo..."

 

Le single idéal du Dr Mounier :

http://www.youtube.com/watch?v=iiU-gsSqjHY

 

Et malgré la piètre qualité de la captation, je ne résiste pas à joindre cette rencontre sur scène avec BB, par ailleurs croquée dans la BD :

http://www.youtube.com/watch?v=fvSKBxLD0ZM

 

 

 

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14 mars 2011 1 14 /03 /mars /2011 19:23

lac des singesgainsbourg jazz dans le ravin

 

Note de concordance : 7.5/10

 

Chez Gainsbourg, on claque des doigts.

Chez Malte, les mots claquent. 

Au lac d'Evian, les gens claquent de l'argent. Ou claquent tout court. 

 

Je vais souvent à Evian. J'aime ses couleurs. Bleu du lac et blanc des murs. Quand je m'y rends, "Rose Kennedy" de Biolay fait toujours un tour dans mes oreilles.

biolay rose kennedy

 

Pourtant, c'est au Grand Serge que j'ai confié la B.O.L. du "Lac des singes". Sachant que le héros du livre était un pianiste jazz, l'évidence a éclaté. D'un claquement de doigt.

 

Mister débarque donc au Casino en trombe, dans la voiture d'un chauffard de taxi. Et déjà, "Du jazz dans le ravin" épouse la route de ce petit polar fiévreux. Mister vient au pied levé intégrer un quatuor de jazz. Remplacement. Mais l'atmosphère est lourde, entre deux concerts. Les gagnants du Casino se prennent une balle dans la tête. Zéro à la roulette. Rien ne va plus !

Avec un phrasé cinglant, quasi-musical, Malte pose son intrigue, entortille ses énigmes, manque de se noyer dans les pensées en eaux troubles du tueur. Dans un lâcher de seconds rôles décalés, il nous décrit la ville, et surtout la faune du Casino Royal : ses vieux beaux, ses mamies frisées de la tête aux pieds du caniche, ses losers "un perd et passe". Il excelle dans la partition du club de jazz. L'intensité des concerts suinte. La sueur perle le long des mots qu'il fouette et aligne au diapason.

 

Si sont cités + facilement Sonny Rollins, Louis Armstrong ou Charlie Parker, la période jazz de Gainsbourg fait honneur au genre et colle aux basques du livre. "Coco and co" et ses échos de public conquis, sa présentation des musiciens, ses métamorphoses rythmiques, la décontraction amusée de Gainsbourg, est idéale pour béoèliser ce chapitre (qu'est-ce que c'est que ce mot inventé? Oh, ça va... Elaeudania téitéïa n'existe pas non plus !).

On retrouve dans cette compilation concentrée sur sa période jazz 1958-1964, les saveurs de Saint-Germain-des-Prés, des caves d'où résonnaient les contrebasses. Le type génial qui a eu la mauvaise idée de se barrer il y a vingt ans se montre tour à tour dramatique, rigolard, dandy, cruel. Déjà tout un panel de ce qu'il développera + tard. Dans d'autres genres.

Je passe aux aveux : la langue de Gainsbourg a parfois trop de relief, trop d'aspérités pour ne pas aspirer le lecteur hors du roman. Heureusement, quelques instrumentaux ciblés polar ponctuent "Du jazz dans le ravin" et permettent de se reconcentrer sur le lac Léman.

 

Marcus Malte semble improviser. Il jazzote ! C'est le rythme et la musicalité des mots qui l'intéressent. On s'en délecte. Sucrées saletés... Les phrases restent sur la langue. Elles tintent.

Ca ne l'empêche pas de constater au passage, les dégâts du Jeu. La mesquinerie des péquins qui paluchent le bandit manchot. L'influence du casino sur la ville. Sans rentrer dans la politique, le journalisme ou même le réalisme. Répétons : avant tout, c'est de la musique ! Agatha Christie en mode Ella Fitzgerald. Du style !

 

Style et précision. La devise de Gainsbourg. Il devait tenir ça de ses années jazz. Ces deux préceptes aiguillent "Black trombone". Epaulé par Alain Goraguer (arrangeur de l'ami Boris Vian), Gainsbourg pourrait avoir écrit ce morceau pour décrire les yeux mélancoliques de Mister, enquêteur malgré lui.

Tout comme "Quand mon 6.35 me fait les yeux doux" vient se plaquer contre votre tempe, lorsque le tueur joue avec son flingue. Pan ! Pan !

Quant à "Requiem pour un twister", ses sursauts d'orgue swinguent, paraphent chaque paragraphe. La menace énoncée, gonflée d'humour noir, fait un sacré thème principal. Va y avoir du mort...

Alors gare aux gagnants ! Trépasse hold'em, faites vos jeux !   

 

Noir, le trombone...

http://www.youtube.com/watch?v=PRgq11gLgNw

 

Initials MM, je vais maintenant me plonger dans le reste de sa biblio :

http://www.marcusmalte.com/

 

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8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 19:16

 brunostevie wonder - innervisions

 

Note de concordance : 7/10

 

  Inner City, 12 septembre 1973

 

Rapport de Police n°0050109032617                                                                                         

Objet : vol de véhicule marque Chevrolet immatriculé YK100

 

 

Déposition du témoin n°1 - Le peintre de rue (extraits)

 

... L'était bourré votre gars ! Si c'est bien du même qu'on parle. Je l'ai vu sortir de chez Ike's le genou mou, tâtant du mur, à deux clopinettes de s'étaler. Si c'est lui votre Houdini qui fait s'envoler les autos, cherchez-le sur la 110ème, voire à 110 mètres, parce qu'il a pas pu faire bézef de route. Je le sais, je l'ai croqué le saoulard !      (...)      Matez : le trait épais, l'épaule ronde, les lunettes mosquito, empêtré dans ses pattes d'eph', la chemise motifs amphets, le couvre-citron pressé sur la tronche... Bon je l'ai arrangé, je lui ai mis de la couleur. Mon truc c'est le groove. Tout en rondeur, des surfaces denses. Le fignolage, je laisse ça aux faussaires, alors vous attendez pas à un portrait-robot ! Moi ce qui m'intéresse c'est le funk. Capter le funk. Si le mec a un manche de guitare dans son cul-blanc je passe à aut' chose. Faut qu'ça pulse, ma toile, qu'il y ait du mouvement, du cuivre dans chaque image. Le style avant tout ! Ouais, ouais, je sais, je m'éloigne du sujet ! Vous vous en foutez de l'art, mes cochons !      (...)      Y'a que mon point de vue objectif qui vous intéresse. Mais qu'est-ce que je peux vous dire de +, moi ? Pendant qu'il s'emmêlait les pinceaux, je fricotais avec les miens. Il m'a servi de modèle à l'insu de sa poivrée. Et je l'ai pas vu tirer la caisse, ni braquer celle de Xav' Store où je l'ai vu rentrer... Mais non, rien de porno, c'est le marchand de rondelles. Celles qui font 33 tours...

 

 

Déposition du témoin n°2 - Le disquaire (extraits)

 

... Hier ? A neuf heures ? C'est les seules oreilles qui soient rentrées, à cette heure, alors je m'en souviens. Le type voulait absolument ce disque : "Innervisions" ! J'avais beau lui répéter que c'était du Marvin qu'il lui fallait, rien à faire ! "What's going on", voilà ce qui convenait à la situation, le bon album au bon moment. Entêté, seul Stevie trouvait grâce à ses yeux ! Enfin si je puis dire. Il m'a même demandé de passer la face A. De la bombe, notez ! Son chef d'oeuvre en fait. Une ligne de basse de neuropathe, la voix qui se fait la malle comme elle veut, l'orgue qui part en vol plané ! Du groove version no limit ! Pas une note qui foire. Pas. Une. Seule. C'est de la Motown, mais la soul est pas là pour rigoler ; on dégouline pas ici, on brille ! La ville à Stevie ! Wonderland !       (...)      Ok ok ! J'y viens à votre mec. Vous êtes toujours pressés vous les flics. Il y avait quoi dans cette bagnole pour que ça vous interpelle autant ? Vos plaques ? Vos guns ? De la poudre ?      (...)      Un tueur à gage ? Ce mec-là ? Ahahah ! Laissez-moi me marrer ! Vous avez rien compris. Et non, il n'était pas bituré du tout ! S'il voulait entendre Stevie décrire ses visions intérieures, c'est parce qu'il partage les mêmes que lui ! Lui en voulez pas de marcher parfois en faisant du wah-wah : mon client est aveugle !...

 

 

 

Déposition du témoin n°3 - La fille (extraits)

 

... D'habitude je pionce le matin, vous avez du bol. J'ai pas bossé hier soir - Ike faisait une audition pole dance avec des miches neuves. J'allais chez Blaxploit-HAIR-tion me faire bichonner les douilles quand j'ai croisé Curtis. Un Marvin Gaye sous le bras. Ouais, très possible qu'il ait pris le volant d'une grosse bagnole.      (...)      Ah si, je suis catégorique. C'était un Marvin Gaye : je confonds pas ce beau gosse avec Stevie Wonder. Vous êtes paumés ? J'ai affaire à des bleus ? Trois points de vue vous suffiront pour atteindre la vérité, où il vous en faut + ? Parce que j'ai du taf, moi !     (...)      Mais non, le disquaire n'a pas arnaqué le suspect aveugle : c'est justement Curtis, le disquaire, que j'ai croisé. La classe urbaine, comme toujours ! C'est lui qui a tiré la Limo.     (...)      Un piège. Tout est toujours affaire de piège à Inner City. Vous êtes dedans. Au fond. Cette ville est un piège. Comme dirait Stevie Wonder : (elle chante)

 

"This place is cruel no where could be much colder
If we don't change the world will soon be over
Living just enough, stop giving just enough for the city!!!!"

Jésus ! J'y suis ! J'aurais dû faire poulet ! Vous n'y avez vu que du feu. Votre témoin n° 2, il avait des lunettes et une chemise bariolée ? C'était pas le disquaire. C'était l'aveugle ! Et s'il s'est fait passer pour Curtis, c'est forcément qu'il est de mèche pour lui faire gagner du temps. Vous ne retrouverez plus jamais ni l'un ni l'autre ! (rire outrancier) Des bleus ! Même pas capable de repérer un aveugle ! A SE DEMANDER QUI Y VOIT LE + CLAIR !?

Je vous l'ai dit, le piège se referme toujours à Inner City...

 

bruno strip girl

 

 

P.J. :

 

  http://www.youtube.com/watch?v=ZRT3Te21sXM

 

  http://bruno.thielleux.free.fr/blog/

 

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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 07:10

  

nesbo-chasseur.jpgnotwist 

 

Note de concordance : 7/10

 

Lorsqu'on ouvre le CD de The Notwist "The devil, you + me", on découvre une figure géométrique (bien fait pour toi, Pirate des Torrents, tu ne seras pas en mesure de vérifier !). Une illusion d'optique. Vos yeux sont certains de voir des lignes partant dans tous les sens. Pourtant elles sont parallèles, mais de multiples petites barres parasitent la perception. Ce schéma délivre une belle allégorie du livre "Chasseurs de têtes".

 

"Remember the good lies win", avisent The Notwist d'entrée. Jo Nesbø applique ce précepte et se délecte des faux-semblants avec lesquels il va s'amuser. Ce roman est pour lui une récréation, hors du contexte de la saga "Harry Hole". Une parenthèse dans laquelle il explore son art du rebondissement et du trompe-l'oeil.

Ainsi, Roger Brown, chasseur de têtes pro jusqu'au bout de la manucure, héros des DRH, fouineur de CV, pote d'UV des PDG, n'est pas tout à fait celui qu'on croit. Chacun des premiers chapitres va s'évertuer à dévoiler une nouvelle facette de cet homme froid et vaguement complexé par sa plantureuse épouse : hautain, manipulateur, amateur d'art, un rapport à l'honnêteté bien + lointain que les Pirates précités. Une saleté en somme. Juste de quoi le rendre attachant, d'autant que l'engrenage dans lequel il fourre son petit mètre soixante-huit va huiler la sympathie que l'on a pour lui. Comment ne pas être conquis par un type qui se met, on ne peut + littéralement, dans la merde ? 

 

Il y a indéniablement une dimension organique dans la musique du groupe bavarois, mais ô grand dieu, rien de merdique. C'est davantage la tension sous-jacente de leurs compositions qui fera de "The devil, you + me" un beau décor sonore à cette histoire nerveuse et rythmée. Certaines boucles de guitares inquiétantes ("On planet off"), ou mieux encore l'intro orchestrale herrmannienne de "Where in this world", entretiennent un suspense à faire grincer les dents de notre héros sur le parquet. La luxuriance de cet orchestre sera finement parsemée le long de cet album à l'antithèse du pompeux. Et évoquera le faste que vise Roger Brown.

Le copinage électro-acoustique des Notwist, les cordes sans strass, les strates d'accords, tout est affaire d'harmonie. Cet album est une forêt sonore de superpositions mélodiques, les synthés y croassent, les beats y coassent, les guitares y bourdonnent. Un terreau expérimental pour des plants pop... Le fourmillement de sons et d'idées a la même épaisseur que l'obscure personnalité du héros malmené. Electro cuts contre coupe de cerveau. Epluchures éployées.

 

 

Ce que Jo Nesbø montre avec + de mesure que les pensées de Brown, le gentleman-hunter-cambrioleur, ce sont les séquences-clefs de son récit. Voilà un auteur qui serait capable de nous décrire une chambre d'enfant en nous la faisant passer pour une cage d'ascenseur dix pages + tôt, sans se démentir (Good lies !). Eclairagiste, sa plume est un spot qu'il dirige sur des détails précis, nous faisant prendre ses lanternes pour un messie. Il pousse le procédé à son paroxysme, multipliant les coups de projecteurs trompeurs, les faisceaux infléchis, les images réfléchies. Nous voilà empêtrés dans un jeu de marionnettes dont les personnages sont les spectateurs, et le lecteur la victime désarticulée.

 

Le fil de cette BOL pourrait rompre sur une arête affilée : l'humour et la cadence de "Chasseurs de têtes" tranchent avec le chant détaché et mélancolique de Markus Acher. L'effervescence musicale, la programmation grésillante de Martin Gretschmann, les gzzzzz, les krrrrll et les blipp  qui krrépitent  et qui strrrructurent le disque compensent aisément cet inconvénient. L'orage qui menace derrière chaque chanson, + encore.

 

Jo Nesbo est en train de devenir une star du thriller, un Stieg Larsson en + vivant, et l'industrie cinématographique le caresse dans le sens de la brosse. Outre les aventures de Harry Hole, "Chasseurs de têtes" est en cours d'adaptation filmique. Toute première photo :

 

Headhunters 

 

Une image très fidèle d'une scène du roman. Si seulement la musique du film pouvait aussi être fidèle à celle qui me trottait dans la tête, et être + originale qu'un simple score planplan plan par plan. S'inspirer de l'humus musical des allemands...

  

On peut commencer à rêver en regardant ce très beau clip : 

http://www.youtube.com/watch?v=ksMkENKMlyk&playnext=1&list=PLD61A5806B0DE5C38

 

Puis perdez-vous dans le labyrinthique et fascinant site officiel de The Notwist !

http://www.notwist.com

 

 

 

 

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 19:27

 

it.jpgThe-Cure-join.jpg

 

Note de concordance : 9/10

 

Paradoxalement pour quelqu'un de passionné comme moi, ce sont les oeuvres qui me tiennent le + à coeur que j'ai le + de mal à aborder et à décrire. Alors lorsqu'il s'agit de parler de mon groupe favori et de ce qui est très certainement mon roman préféré de Stephen King, voire mon roman préféré tout court, j'en frémis d'avance.

Remarquez ça tombe bien, la peur est un thème central de ce livre et de sa B.O.L.

 

Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas un album mais une seule et unique chanson que j'ai gravée entre les mots d'un livre. Certes "Fear of Ghosts" s'étire sur près de sept minutes, mais "Ça" pèse bien ses 1'200 pages, alors rassure-toi cher lecteur, je faisais des pauses ! Cela n'empêche pas qu'aujourd'hui, je frissonne et tends la main vers sept amis imaginaires dès l'intro inquiétante de cette ritournelle angoissée qui n'est en fait qu'une "simple" face B du single "Lovesong" (La gueule des déchets chez The Cure ! Ca doit donner envie à certains musiciens de se reconvertir en éboueur !). Toutefois, c'est un roc, que dis-je, c'est un animal que ce titre, se déplaçant à pas de géant. Le corps menaçant de cette partition avance lentement, chaque membre s'imposant avec grâce et puissance. 

 

the-cure-lovesong.jpg

 

Si cette chanson a des atours effrayants, je ne l'associe pas pour autant à Grippe-sou, le clown qui se nourrit de la peur des enfants, mais plutôt au « Club des Ratés », ces sept gamins dont on voit naître l'amitié. Catalogué maître de l'horreur, c'est pourtant avec une tendresse exacerbée que Stephen King raconte les touchants événements qui scellent, en plusieurs cachets de cire écarlate, une amitié réciproque et absolue face à la terreur, face à l’enfance qui fuit - aspirée par une grande bouche peinturlurée au sourire glaçant (tiens, à la Robert Smith…).

Usant d'une construction alambiquée et à cheval sur deux époques (1958, l'enfance, 1985, l'âge adulte), King aurait pu se retrouver le stylo entre deux chaises et rendre lourd ou inepte ce récit. Au contraire, maîtrisant totalement ses effets

(impossible)

, il passe de l'un à l'autre de ses sujets en laissant le lecteur pantois, à sa merci.

 

C’est ainsi qu’on redevient un enfant en lisant « Ça», dépendant de Papa King : « raconte la suiiite !!! ». L’attachement aux héros étant le second vecteur ; on devient presque le huitième passager en lisant leurs aventures préadolescentes. On fait du vélo à Derry avec eux, on met  la main à la pâte pour ériger le barrage, on refume notre première cigarette ensemble. J’ai même saigné du nez par solidarité avec Bill, alter ego d’un soir. Et on tremble littéralement lorsque le clown (Ça, pour les intimidés) apparaît !

(jamais !)

Il m’est même arrivé de sursauter, trahi par The Cure. Il se trouve que Robert Smith s’est absenté pendant le mixage de cette chanson et qu’un technicien s’est trompé à 3 minutes 18 secondes, remontant un fader trop tard : la guitare reprend subitement du poil de la bête et vous hérisse l’échine en perçant les synthés flottants ! Puis les touches de piano émergentes suffisent en principe à se calmer. Ces petites notes me renvoient aux idées subconscientes qui remontent

(à la hauteur)

le cerveau, représentées dans l’écriture de Stephen King par un effet de style pertinent et adapté : de courtes phrases italiques entre parenthèses, scalpels éventrant les paragraphes. Il tire ainsi à la surface une autre couche de récit sous-jacente, extrait les pensées les + profondes de ses personnages, leurs souvenirs, en quelques mots. Les pensées sont des images

(une montagne)

et King manie aussi bien les images que les mots.

 

En symbolisant les traumatismes enfantins et la lutte interne de l’adolescence, par un mal ancestral qui s’en prend aux enfants, King, épique et culotté, a laissé son bateau en papier s'engloutir dans les tréfonds de son imagination, et signé un chef d’œuvre.

(jamais à la hauteur, bien trop gros pour moi)

Une première adaptation cinématographique, plutôt indigne, a vu le jour en 1990. Une rumeur enfle comme un ballon de baudruche sur le toujours éclairé Club Stephen King (voir lien permanent), dont l’architecte vient justement de terminer un livre sur les adaptations du King (Jetez un oeil ! http://club-stephenking.fr/news.php?lng=fr&pg=2048).

L’espoir d’un nouveau film au budget + dodu est en train de naître.

 

Hollywood m’entends-tu ? Je t’ai déjà trouvé la bande originale !

http://www.youtube.com/results?search_query=the+cure+fear+of+ghosts&aq=f

Hummm, le son semble venir des entrailles de la terre - via des lueurs oranges - mais il n’ y a pas mieux…

 

 

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9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 20:50

Djianwarpaint

 

 

Note de concordance : 7,5/10

 

Bienvenue à Prozacland !

Prescription : l'écoute en boucle de Warpaint pour cette immersion dans un univers décadent et cynique.

 

On ne fait pas que se baigner et regarder "Mon Oncle Charlie" en Californie (sinon j'y serais déjà). On y zone, aussi. Surtout dans un quartier huppé anonyme qu'on situe à un zoom ou deux d'Hollywood. C'est là que Djian va isoler des générations de handicapés du sentiment.

Les quatre copines de Warpaint ont elles aussi grandi à Los Angeles, mais c'est leur musique qu'elles assomment à coup de Valium. "The fool" n'est pas lourd pour autant, mais brumeux. Les couches mélodiques reposent les unes sur les autres. Echos monotones contre chant évaporé contre imbroglio de guitares contre piano accordé sous la mer. Pour tenir tout cela, une basse lourde qui rêve de new-wave, et une batterie tenace, ancrée dans le dark. Mais à l'image de cet album sombre qui laisse des courants d'air rose entrer dans ses chansons, la batterie n'est pas seulement bêcheuse. Stella Mozgawa survole aussi ses cymbales et se taille la part du morceau tout en virtuosité ; tel un cuisinier nippon affûtant ses couteaux dans les airs, elle découpe le rythme en lamelles.

 

Les personnages d' "Impuretés" écoutent du rock indé. Ecrit en 2005, les + jeunes se retrouvent avec The Black Heart Procession ou Soul Coughing sur la platine, les parents avec The Smiths. Warpaint serait un bon équivalent contemporain pour ces ados blasés par leur jeunesse dorée. Constamment entre l'état second et le Tranxène étage, cette bande de Justin Bieber ayant encore + mal tourné, et de Britney qui ne sucent pas que des cachetons agacent. Tant et si bien que la lecture de ce roman peut parfois donner l'impression d'être en train de suivre la deuxième saison de "L'incroyable famille Kardashian" sur MTV : éprouvant !

 

Evidemment, Djian fouille si bien la psychologie de ses personnages qu'en bon sondeur, il va nous guider jusqu'aux réflexions les + hermétiques de ces gamins condamnés à l'ennui. En particulier Evy, dont la soeur s'est mystérieusement noyée dans un lac huit mois + tôt, en sa présence. Que sait-il ? A quatorze ans, Evy croule tellement sous les couches amorphes de l'addiction que même l'amour sincère pour Gaby a du mal a bourgeonner en lui. Il va d'ailleurs jusqu'à neutraliser ses érections avec des tessons de verre ! 

Puis doucement, l'auteur traîne son récit chez les parents (une actrice sur le retour à la case "promotion sous le bureau", un écrivain qui aspire autant à la blancheur d'une ligne que d'une page). On constatera que les problèmes (dé)générationnels ont déjà posé leurs cloisons depuis longtemps dans cette famille zombifiée. Sentiments botoxés, communication calfeutrée, air impur...

 

Le microcosme décrit par Djian - la voisine obèse et violente, les mères nymphos, le Directeur de l'école démissionnaire aux fantasmes de missionnaire, etc. - tourne parfaitement en rond sous les chansons de Warpaint qui alternent armes et charmes. Les voix mi-anges mi-démentes sont un chant de sirène vénéneux dont la beauté cache des graines de malaise. Le bleu de Matisse dans les pinceaux de Schiele. Un bootleg de"Virgin suicide" et de "Requiem for a dream". Les délicieuses spirales de "Set your arms down" entraînent nos richards au fond de leur spleen avant de les sortir du coma au bord de leur lac avec "Undertow" et ses accents dream-pop. L'intensité de "The fool" convient à ce huis clos extérieur aux lieux redondants. Son ambiance cotonneuse sert la léthargie des héros.

Tout autant que l'écriture maîtrisée de Djian. Des personnages qui apparaissent en milieu de scène, des changements soudains de lieux, quelques phrases à la première personne complètement impromptues : l'onirisme est suggéré dans les gènes de l'écriture. Ses phrases planent comme ses personnages. 

Quant à ses découpages au scalpel des tréfonds de l'âme, ils dépassent largement en désespoir les chansons évanescentes de Warpaint. Pour preuve, son excellent  final impudent.

 

Posologie - matin, midi et soir pendant une semaine : 

http://www.youtube.com/watch?v=ssGW6n3YCHQ 

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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 16:01

wayne-shelton.jpgRaconteurs

 

Note de concordance : 6/10

 

Hier une page s'est déchirée. The White Stripes se sont séparés. Avoir le blues fait tâche dans un monde en rouge, blanc et noir...

Vivement la reformation.

Et en attendant, un grand hourra pour l'autre grand groupe de Jack White, The Raconteurs !

 

 

 

 

                THE RACONTEURS Cie                                                                    

                                                                                                 Des mercenaires au service de mercenaires

 duel 3

 

 

                                                           Facture n° XLCD196

 

 

  Detroit, le 15/05/2006

 

 

A Mr Jean Van Hamme, scénariste efficace mais pas pour autant grossier                                        

A Mr Christian Deneyer, dessinateur énergique mais pas pour autant bâcleur

Projet Wayne Shelton

Rue Dargaud 

1005 Bruxelles

 

 

Détail des prestations :

 

- Ressoudage au chalumeau d'un scénario déjà renforcé à l'acier. Feu puissant de guitares.

 

- Peintures d'ornements ledzepiens arabisants ("Broken Boy Soldier") sur les missions au Moyen-Orient. 

 

- Réglage à la hausse des performances-moteur assurant des rythmes endiablés. Synchronisation de la pédale de grosse caisse et de la pédale d'accélération.

 

- Coup de rétroviseur sur des choeurs 70's en hommage au casting très "Mission Impossible".

 

- Consolidation du bloc pare-choc  à base de compositions convulsives ("Store bought bones"), en vue de nombreux coups de théâtre.

 

- Lustrage de l'image à l'aide d'un blues vintage revêtu de cuir ("Blue Veins").

 

- Le plein de rock.

 

                                                                                                                                                                    Total TTC: IIIIIII $

 

The Raconteurs : une société au capital de IIIIIIIIIIII $ en copropriété de Jack White, Brendan Benson, Jack Lawrence et Patrick Keeler

 

 

 

C'est trop beau, je n'avais pas vu ce clip dans lequel justement, ça soude et ça dessoude !

http://www.youtube.com/watch?v=qvabLhs6_LM&feature=fvst

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28 janvier 2011 5 28 /01 /janvier /2011 19:42

Varg VeumDybdahl

 

Note de concordance : 7/10 

 

Avec cette poignée de main entre deux artistes scandinaves, c'est une omelette norvégienne que je vous propose. Mais flambé, le dessert ! Flambé à l'Aquavit ! Brûlante, la rasade ! 

On ne va donc pas se laisser faire par le froid nordique et s'introduire dans les ambiances cocooning distillées par nos deux norvégiens : le petit bureau du détective privé... l'indice solaire élevé des chansons de Dybdahl... 

 

Le chanteur velu du Nord glisse sa voix charmeuse sur une folk qui laisse cette impression troublante d'être dépouillée, presque inaboutie, et à la fois d'une richesse foisonnante. Aurore musicale, incandescences boréales, les aplats de couleurs de ses arrangements habillent un ciel froid. On en a soupé des albums guitare/voix, et combien passent la rampe de la lassitude ? Une poignée. D'où le choix de Thomas Dybdahl d'accrocher des guirlandes dans sa production ; pas de vulgaires froufrous de Noël mais des lucioles de-ci de-là, irruption de cuivres étouffés, balais fantômes sur une batterie jazz, ballet de clochettes subreptices, palette succincte de cordes.

De petites touches en petites couches, il donne un relief brillant à sa chorale solitaire.

 

S'il est un personnage tout aussi solitaire, c'est bien le Privé.

Varg Veum (dont le nom signifierait "loup" en norvégien) ne déroge pudiquement pas à la règle, avec comme principale compagnie ses factures. Suivre ses longues filatures en voiture, qui l'ennuient mortellement, me renvoie immanquablement à James Stewart dans "Vertigo" conduisant derrière la mystérieuse Grace Kelly au coeur de San Francisco. Un parcours fascinant entre errance et attirance. Veum erre beaucoup en général, ici dans sa première aventure "Le loup dans la bergerie", dans les huit suivantes également. C'est une de ses caractéristiques : un peu paumé, un peu seul avec son autodérision, révolté par les macs à dames, clodo dans l'âme, une écoute dégoûtée accordée aux drogués. Haï par les flics, mais en marge des marginaux. Seul. Et donc observateur. Ses enquêtes avancent au rythme du temps et de ses pensées. Les paysages sonores que révèle la guitare évasive de Dybdahl se plient à ce tempo.  Même climat...

 

L'autre particularité du détective de Bergen est cette dignité qui l'enjoint à refuser les affaires d'adultères. Fauché mais classe ! Ici il refuse donc un deal juteux avec un avocat qui lui demande d'épier sa femme. Un peu + tard, un client différent l'engage pour retrouver sa soeur : précisément cette même femme. L'embrouille peut commencer, les tours de passe-passe, les faux-semblants et les cadavres dans les bras ne manqueront pas dans ce polar aux allures de classique, puzzle littéraire.

 

Cette idée de puzzle est peut-être ce qui fait le mieux le lien avec "Science". La configuration des morceaux, avec ses petites surprises dans la production qui bousculent les arpèges de guitare sèche, finit par créer une attente (un suspense ?). Dybdahl déséquilibre ses chansons, en prend une pièce pour la cacher, en rajoute d'autres nouvellement ciselées et les mélange. Cette douce déstructuration déstabilise toutefois moins qu'elle n'entraîne, qu'elle n'obsède, car elle est en constante réinvention.

Une musique enquête, un privé en quête...

 

"Science" inspire de toute manière l'idée de secret lorsque le chanteur susurre, lorsque les mots jouent à cache-cache comme le soleil dans les arbres.

Pourtant Gunnar Staalesen - que j'aurais vraiment l'impression d'insulter si je devais l'interpeller - n'aurait pas choisi ce disque comme B.O.L. L'auteur a eu l'idée saugrenue de joindre un CD à la dernière aventure de Varg Veum (mélanger musique et lecture ? Franchement je suis sceptique...). Et selon lui, ce sont des standards de jazz  - ceux que mâche Marlowe, Spade it again, Sam ! - qui courent dans la tête de son héros.

Hé Gunnar ! T'as déjà écouté ton compatriote Thomas Dybdahl ?

Alors clique ici :

http://www.youtube.com/watch?v=a37QjHH-XVM

 

 

Orgueilleux petit ajout à cet article : l'adaptation filmique de Varg Veum s'accompagne d'un générique de fin composé par The National Bank... le groupe de Thomas Dybdahl ! En voici même le clip :

 

http://www.youtube.com/watch?v=FWqrILeHWqw

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Un Livre Et Sa Musique

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