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22 février 2018 4 22 /02 /février /2018 15:39
"Surfer la nuit" de Fiona Capp / Charlotte Gainsbourg "Rest"

Note de concordance : 7/10

 

Une bonne Bande Originale de Livre doit glisser sur le texte, faire gonfler les images du récit et ultérieurement rabattre des souvenirs sur les plages de notre mémoire. Comme j'entends la voix de Charlotte Gainsbourg en me repenchant sur "Surfer la nuit", on peut supposer que "Rest" était la bonne vibe.

 

La production de ce disque confiée à SebastiAn réussit un tour de force : tenir en équilibre entre gros son et intimité, sur l'insolite arête de la puissance et de la pudeur. Drôle de contraste que ces biceps de synthé bandés comme des athlètes, et la fragilité des compositions, le filet de la chanteuse.

 

 

Partir d'une portée de notes mélodramatiques, très cinématographiques et empreintes de seventies ("I'm a lie", "Kate"), puis faire enfler le son d'un coup, lâcher la déflagration qui va porter la chanson sur une houle électro menaçante. Parfois les vannes sont lâchées d'entrées, nous projetant d'une manière ou d'une autre vers les premières pages saisissantes de "Surfer la nuit", quelques paragraphes qui seront disséminés tout au long du livre.

 

Le roman de l'australienne Fiona Capp débute par un joyau de littérature. Sa manière de décrire les quelques ondes de l'océan qui vont transformer l'eau en raz-de-marée touche au sublime.

                                                                                                  ns

                                                                                    o                         .. 

                                                                            ati                                                    .

                                                                    ns

                                                                se

                                                          de

Un                                                et

       régal                     d'images 

                 de mots,

 

 

 

 

 

Fiona Capp en pleine inspiration

Fiona Capp en pleine inspiration

L'histoire se déroule au sud de Melbourne, dans une ville qu'on devine désertique. Jake est le meilleur surfeur de sa bande. Il ressent les courants mieux que personne, est en communion avec l'océan. Hannah, serveuse au restaurant de la plage, a atterri là pour s'initier à la planche. Ces deux-là vont se croiser, se fréquenter, s'apprivoiser, s'aimer. Enfin je crois.

Ruben et Marie, le patron du café et sa femme, se sont rencontrés, épousés, ennuyé et désagrégé. Enfin il me semble. Marie aimerait reprendre ses études, et sans doute aussi ses cliques et ses claques.

 

On pourrait croire à un récit en forme de croix, une histoire d'amour en plein essor qui croiserait une autre tout près du crash. Ce n'est pas vraiment spoiler que de révéler que ces couples vont s'effriter. La figure du tsunami fantasmé est la matrice de ce roman où tout doit disparaître, rien ne dure. Comme cette ville bouffée par un capitalisme en fin de course. Comme cette terre qui devra un jour où l'autre rendre des comptes à la mer. 

 

A vrai dire on se moque de toutes façons du sort de ces personnages. Jake a beau être sexy, rassurant, ténébreux, sensible et musclé, c'est avant tout ce que j'appellerais un franc connard. Taiseux, égoïste, susceptible, asocial... une caricature du surfeur qui se la raconte. Un mash-up de Bodhi et Brice de Nice.

 

"Surfer la nuit" de Fiona Capp / Charlotte Gainsbourg "Rest"

Pourtant, grâce à sa verve feutrée et une tension subtile, l'auteure parvient à nous tenir jusqu'aux derniers rivages de son roman. Et malgré mon manque de sympathie pour Jake, l'écriture sensuelle de Capp m'a fait rester jusqu'à l'ultime vague, en apnée face au sort du surfeur qui cherche à combler quelque vide dans un rouleau d'écume noire à mi-chemin entre l'instant et l'éternité. Effet mer, éphémère.

 

Si Jake est en quête de sa mère, Charlotte Gainsbourg est toujours à l'affût du père. Air fut le premier groupe à accompagner la fille de Serge sur l'album "5.55", posant les premiers jalons vers le son mythique de "Histoire de Melody Nelson" sculpté par Jean-Claude Vannier et Gainsbourg. Après Beck, SebastiAn poursuit ce sentier fait de percussions sourdes, de basse distordue et de cordes orientalisantes. En privilégiant les paroles en français - jusque-là cantonnées à une ou deux chansons dans les précédents albums - Charlotte se rapproche encore un peu plus du père. 

Et c'est sans doute aussi en assumant son identité, son talent propre, ses goûts personnels, que paradoxalement la chanteuse à la voix taquine/Birkin touche plus que jamais du doigt l'art de Serge Gainsbourg. L'audace en héritage.

 

L'aspect electro-dance de "Rest" s'intègre très bien à l'univers branchouille des surfeurs ; quant à ses pistes les plus épurées (la chanson titre en tête) elles semblent enregistrées dans la même chambre suave que celle de ces couples en faillite.

 

"Surfer la nuit" de Fiona Capp / Charlotte Gainsbourg "Rest"

 

Bouleversant album où l'on ne sait plus trop si l'on plane ou si l'on flotte, où l'on apprend à vivre avec les absences, où l'on se crée de nouvelles présences au détour d'une chanson cachée enfantine. Un disque qui aura donné à ma lecture une véritable impression d'intrusion au cœur du récit, avalé par des vagues qui se fracassent dans le lit des étoiles.

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