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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 23:39
"Un instant d'abandon" de Philippe Besson / The Jesus & Mary Chain "Psychocandy"

Note de concordance : 7/10

 

Tout commence dans un petit port des Cornouailles où un vent glacial fait craquer les mats comme des os, tend les cordages. Les marins y sont bourrus, les visages rougeauds, la vie rude et cernée de silences. Et un homme, seul, rejeté comme du varech, y revient. Houle de scandale.

 

Dans ce décor flanqué là par Philippe Besson, rien de tel que le rock rugueux des anglais qui ont creusé la caverne indie-garage dans ses galeries les + sombres. Les frères Reid ont formé The Jesus and Mary Chain avec Bobby Gillepsie (futur leader - dealer ? - de Primal Scream) en 1984. Fusion improbable de leurs influences, leur musique noyée dans le larsen tente l'alliance des harmonies des Beach Boys et les déflagrations éjaculatoires des Ramones ou des Stooges. Au final, c'est en quelque sorte une graine écossaise du Velvet Underground qui a poussé sauvagement de l'autre côté de l'Atlantique.

"Un instant d'abandon" de Philippe Besson / The Jesus & Mary Chain "Psychocandy""Un instant d'abandon" de Philippe Besson / The Jesus & Mary Chain "Psychocandy"

La première fleur toxique éclot en 1985 avec "Psychocandy". Son parfum de révolte va faire chavirer la Grande-Bretagne. Dès l'ouverture de "Just like honey", la superposition de la ballade planante, voire traînante, avec une réverb' digne des sidérurgies met la composition des frères Reid en équilibre entre deux horizons ; celui grisâtre des banlieues de Glasgow et celui bleu pétrole des espoirs orageux.

Les cicatrices de larsen qui viennent lacérer les mélodies rêveuses de Jim Reid sont celles qui marquent le cœur de Thomas, cet homme qui revient sur son passé et confesse par petites touches son histoire. Pourquoi il a été arraché d'ici par des hommes... Comment il a subi une peine de prison... Combien la culpabilité d'être allé en mer en pleine tempête et d'en revenir sans son fils le dévore... Pourquoi le lien avec son garçon disparu est particulier...

 

Face à un tel drame, Besson construit "Un instant d'abandon" comme une tentative de rédemption, en quatre chants. Passera-t-elle par Betty, la seule commerçante à apprécier Thomas, en marge tout comme lui, ou par Rajiv, son unique confident ? A moins que le mystérieux et légendaire Luke rencontré en prison ait encore un rôle à jouer dans cette histoire ? Quoi qu'il en soit ce chemin de reconstruction devra traverser la foule de regards haineux, la meute aux gorges rubicondes, rassemblée comme de la mauvaise couperose au creux des tavernes.

 

L'auteur décrit très bien cette communauté pour qui le sentiment est proscrit, où toute sensibilité est aveu de faiblesse, honteux. Effet de groupe, bande dure. L'écriture sensible, précise et imagée de Philippe Besson se confronte à cette horde asservie par son milieu austère, cette terre du bout du monde.

"Un instant d'abandon" de Philippe Besson / The Jesus & Mary Chain "Psychocandy"

Le rock anglais se devait de souffler sur ce roman, mais depuis son versant le + brumeux. Les guitares nerveuses de "Psychocandy" s'encastrent dans le paysage rocheux, les criques décharnées par l'automne. Les écossais jettent la réverb' comme du sel sur une plaie, les mélodies dérouillent, les notes crépitent, les refrains sont abrasifs. L'omniprésente distorsion des guitares brouille les données. C'est aussi ce mélange de rage et d'espoir qui habite Thomas qu'on retrouve dans la musique de Jesus and Mary Chain. Les tourments et les épais secrets de cet homme qui revient face aux vents meurtriers résonnent dans le carnage "Never understand" comme dans l'œil du cyclone "Some candy talking". Car oui, l'idée de ce livre est de sortir du chaos. Celle du disque de le fabriquer. Ces deux œuvres se mordent la queue.

 

Philippe Besson explorera la faute, la culpabilité et l'envie de muer de cet homme qui repartira, s'abandonnera sur les sillons éthérés de "The hardest walk". Et le vent des Jesus and Mary Chain sifflera dans le cœur de cet homme blessé, fera craquer ses charpentes, tendra les cordes de son destin.

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19 avril 2014 6 19 /04 /avril /2014 11:39
"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"

Note de concordance : 8,5/10

 

Afin de dégoter la Bande Originale de Livre la mieux adaptée aux "Apparences", j'ai fonctionné par mots-clefs sur sa quatrième de couverture, picorant quelques bouts de phrases qui me donneraient les teintes de ce polar sans trop découvrir l'intrigue. Symphonie paranoïaque - couple victime de la crise financière - la femme disparait - secrets - les eaux sombres du Missouri... Après de longues déambulations dans ma discothèque et de fructueuses réflexions, j'en suis arrivé à un disque que bizarrement je connaissais encore très mal, moite, complexe, rude et féminin. Celui qu'il fallait : l'un des chefs d'oeuvre de PJ Harvey, "To bring you my love".

 

Après deux premiers albums secs comme des coups de triques, PJ troque un son décharné contre une production moins furieuse et + épaisse. Si le squelette de riffs de guitares sales est toujours apparent et l'os marqué par le blues, la chair et le sang s'accrochent à ces morceaux gothiques qui se chargent de cordes ou d'orgues fiévreux. Polly Jean trempe ses accords dans le cambouis. Cela n'empêchera jamais ses chansons de viser des lumières, certes tourmentées, mais célestes.

 

La Femme, sous toutes ses formes, vierge ou putain, frondeuse ou blessée, habite ce disque jusque dans ces moindres recoins. Un hymne plausible à celle qui a disparu dans le roman de Gillian Flynn, Amy Dunne. Grande absente qui hante l'histoire d'autant qu'en parallèle au point de vue de son mari qui a retrouvé leur maison vide et pleine de sang, on suit le journal intime d'Amy. Ce récit fantôme suit le fil de la rencontre entre Nick et elle jusqu'aux tensions dues aux problèmes financiers qui plombent ce couple en apparence idéal. Jusqu'aux doutes, au quotidien terne teinté d'un sud glauque.

 

Les deux textes, la vie du mari complexe et son enquête un peu louche, face aux interrogations de l'attendrissante Amy, avancent en natation désynchronisée au point d'extraire de + en + de troubles du terrain sombre de ce duo.

 

"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"

Gillian Flynn, dont c'est le troisième roman, aime jouer avec les structures : elle casse son jouet à mi-chemin, apportant une nouvelle voix au roman pour mieux renverser le récit - et au passage le lecteur, victime principale de ce roman qui exploite toutes les nuances de noir du suspense.

Autre exercice passé haut-la-main, celui des styles différents d'un point de vue à l'autre, retranscrivant la fraîcheur d'Amy qui se fane peu à peu, et la chasse au trésor posthume du journaliste stoïque qui suit les indices que sa femme lui laisse à chaque anniversaire de mariage. Sauf qu'au cinquième... cherchez la femme...

"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"

Quand l'inquiétante guitare de la chanson-titre "To bring you my love" rampe entre les lignes de Gillian Flynn, le livre devient encore + nocturne, encore + vibrant. "Down by the water" jet chaud à la sensualité vaudou, vous pousse à l'abandon. La moiteur du disque s'insinue jusque dans l'intrigue vénéneuse du roman et en coagule le mystère. Que PJ susurre ou crie, l'homogénéité poisseuse de l'album est assurée, comme s'il baignait dans du liquide amniotique.

 

On découvre cet album complexe couche après couche, il se révèle différemment selon les flux que l'oreille emprunte, aussi déstabilisant que les jeux de pistes d'Amy. Aussi cohérent aussi. Et une fois conscient de tous les courants qui traversent cet album mythique, le bain a la dimension d'une révélation sacrée. Son écoute devient une expérience bouleversante, entre la conviction de savoir ce que c'est d'être une femme (presque mieux que Sardou en 1981) et qui est Dieu. Sans doute la même réponse, à vrai dire. 

"To bring you my love" est une longue prière charriée par un fleuve noir dont on ne sait si elle échouera dans la boue ou aux cieux. 

 

 

 

L'excellent David Fincher a craqué sur "Gone Girl" (le titre original pour "Les apparences") et s'est courageusement attaqué à l'adaptation cinématographique de ce puzzle romanesque qui sortira en octobre 2014. De quoi se réjouir, même si comme je le déplore toujours, les grands réalisateurs me lisent (si si, ça c'est certain !) sans forcément suivre mes conseils musicaux. Sans doute pour des problèmes de droits... C'que c'est agaçant parfois !

 

"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"
"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"

Pourtant Ben Affleck se débattant dans les marasmes médiatico-judiciaires sur le blues décharné de PJ Harvey, ça collerait si bien ; d’une colle bien gluante... Tant pis, vivez plutôt l'expérience musico-littéraire, je vous assure que ça a de la gueule.

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5 mars 2014 3 05 /03 /mars /2014 14:39
"Le goût du chlore" de Bastien Vivès  / Beach house "Bloom"

Note de concordance : 8,5/10

 

 

REGLEMENT INTERIEUR DU BASSIN

 

1) GENERALITES

 

Article 1 : On se met à nu et on se vide la tête. Lire "Le goût du chlore" en écoutant "Bloom" est une plongée dans un monde éthéré. Par un jeu de vases communicants, vos pensées vont de toute façon glisser par la bonde de fond et laisser place à un espace-temps en marge, voire en margelle.

Article 2 : Laissez-vous flotter. Si comme le héros de la BD de Bastien Vivès vous allez d'abord à reculons vous tremper, les sensations de la piscine vous charmeront bien vite. Le dessin épuré du prodige Vivès, ses couleurs vert d'eau, proches de la bichromie, résument à merveille l'ambiance d'un bassin. Une fois dans l'eau, on met inévitablement ses oreilles sous la surface, déformant ainsi les sons de manière délicieuse, nous cloitrant dans notre monde intérieur... ou plutôt nous l'ouvrant.

C'est aussi l'impression que donne le quatrième album des américains Beach House. Leur production homogène vous inonde le pavillon. La réverb des arpèges de guitare, l'écho dans la voix de Victoria Legrand, tout tend à vous envelopper et à vous faire perdre tout repère. Un monde qui se joue des limites, un bain sur la Lune.

 

2) UTILISATION DES ESPACES

 

Article 3 : Respecter les contraintes pour mieux les transcender. 130 pages dans un seul lieu et ne jamais lasser, ne jamais se répéter, réinventer les points de vue et les mises en page, c'est digne d'une apnée de Jacques Mayol.

"Bloom" signifie floraison, et tout l'album semble suivre cette inspiration. Comme si chaque morceau devait évoquer une naissance, une lente éclosion émotionnelle.

Article 4 : Respecter les silences comme des respirations pendant les nages sous-marines. Ces longues p(l)ages de mutisme font partie de l'ambiance de la piscine. L'introspection y trouve ses zones de repli. Et l'observation aussi.

Un peu comme The XX, Beach House sait user des silences, mais ne les laisse pas en friche : il s'agit de s'en servir pour mieux mettre en valeur les couches mélodiques de guitares aériennes et de synthés solaires. Les notes scintillent alors comme des reflets dans l'eau. Ici, là et là...

 

"Le goût du chlore" de Bastien Vivès  / Beach house "Bloom"
"Le goût du chlore" de Bastien Vivès  / Beach house "Bloom"
"Le goût du chlore" de Bastien Vivès  / Beach house "Bloom"

3) PREVENTION ET SECURITE

 

Article 5 : Tomber amoureux nuit gravement à l'adolescence. Mais il n'y a rien de + beau ni de + troublant, alors... à vos risques et périls. Les émois de notre nageur repérant une belle jeune fille - qu'il approche par petites brassées maladroites - se devinent sans jamais être énoncés ; inutile, l'écho vibre en chacun de nous, pourquoi forcer le trait ?

Le trait, justement : celui de Vivès est fin, indicible, délicat, tire vers l'abstrait. Il parle si bien de ces moments où les limites s'estompent, les corps changent, les sentiments gonflent, les envies se brouillent et les relations se teintent d'ambigüité.

Attention : le chant grave et évanescent de Beach House appelle aux mêmes rêveries douces et tièdes.

Article 6 : Interdiction de courir, la précipitation est source de désillusion. "Le goût du chlore" parle de l'inatteignable. De ce qui doit rester immaculé. Lorsque la relation entre les nageurs commence à se formaliser, tout disparaît. Comme Orphée se retournant trop tôt pour voir Eurydice de retour des Enfers.

La beauté virginale, celle qu'on n'enferme pas, qu'on n'entache pas, dérive aussi dans les courants spectraux de "Bloom". La dream-pop efface les contours, les arêtes trop affutées pour ne garder que ce qui flotte, ce qui émane des mythes, la nostalgie du conditionnel, c'est-à-dire la mélancolie.

 

4) SANCTIONS ET RESPONSABILITES

 

Article 7 : Certains boiront la tasse. Trop d'abstraction, de silences, de non-dits en perdront quelques-uns qui préfèrent le crawl à la baignade. Qu'il s'agisse du livre ou du disque, le calme ambiant et l'harmonie stagnante peuvent freiner. Quelques critiques ont reproché à "Bloom" son manque (discutable) de chansons pop calibrées. Il est possible de passer à côté du rythme coulé du "Goût du chlore".

Faire nager en parallèle ces chœurs aquatiques et ces images chlorées pourront transformer pour les + réticents cette expérience B.O.L. en perche de maître-nageur. Laissez-vous submerger... Qui sait, peut-être les paroles de Victoria Legrand vous éclaireront-elle sur les mots que prononce la jolie nageuse de Bastien Vivès...

"Le goût du chlore" de Bastien Vivès  / Beach house "Bloom"
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15 janvier 2014 3 15 /01 /janvier /2014 14:39
"Falaises" d'Olivier Adam / Gonzales "Solo piano"

 

Note de concordance : 9/10

 

L'ivoire, l'ébène.

La craie, la nuit.

Et des images qui font surface par petites touches.

Une parfaite Bande Originale de Livre en noir et blanc, où les pièces instrumentales de Gonzales suivent les mêmes crénelages dramatiques que le récit d'Olivier Adam. Un pianiste, un homme en deuil, deux ombres chinoises dans la solitude.

 

Je ne vous cache pas que cette expérience de lecture en musique n'est pas celle qui m'aura fait le + marrer. Mais mon banquier, c'est moi ; c'est moi qui décide où j'investis mon capital émotion ! Oui, vous l'avez remarqué, une publicité pour une banque a mis le grappin sur "Gogol", formidable morceau d'ouverture de "Solo piano".

Qui aurait cru avant 2004 que le producteur un peu frappé, qui a tutoyé le R'n'B et le hip-hop, qui a façonné des sons pour Peaches ou Feist, viendrait écrire une œuvre contemporaine majeure avec son seul piano ? Qui aurait cru que l'homme qui fait ses concerts en charentaises finirait carrément à poil sur cet album dépouillé de tout artifice ?

 

Ainsi Gonzales enregistre-t-il seize titres homogènes, une musique de chambre qu'on a forcément envie de comparer au "Clair de lune" de Debussy et surtout à Erik Satie, "Gymnopédie" en tête. Les micros placés au + près des pédales dont on entend l'action, l'intimité entre l'auditeur et le pianiste devient le nerf de l'album. La subtilité inouïe de Jason Beck (alias Gonzales) fait de chaque note une bulle. Des bulles... Qui remontent comme les souvenirs d'Olivier, le narrateur de "Falaises".

"Falaises" d'Olivier Adam / Gonzales "Solo piano""Falaises" d'Olivier Adam / Gonzales "Solo piano"

Olivier est au bord des falaises d'Etretat, la nuit. C'est ici même, depuis cette côte de Haute-Normandie, que vingt ans + tôt sa mère s'est jetée. Derrière Olivier, sa femme et sa petite fille dorment à l'abri du vent. Devant Olivier, le vide se remplit de souvenirs terribles. Une mère à la dépression violente, une famille dévastée par son suicide, un père ignoble qui humilie ses fils, un frère qui fuit sur les premiers chemins dérobés qu'il trouve, donc les pires, et j'en passe... Chez cet auteur, trois malheurs n'arrivent jamais seuls. L'accumulation des tragédies désespère vraiment, d'autant que le flou sur l'aspect autobiographique de l'œuvre est épais.

 

L'écriture d'Olivier Adam est épurée, mais pas austère pour autant. S'il était musicien, il pourrait signer un disque comme "Solo piano". Avec des mots simples, des phrases fluides, il peint des images fortes, des réflexions existentielles à la justesse cassante, des émotions soufflantes. 

 

"Falaises" d'Olivier Adam / Gonzales "Solo piano"

Et lorsqu'on a envie de lui dire que trop c'est trop, que cette surenchère de malheurs étouffe le lecteur (je le répète "Falaises" sur-plombe !), il a l'intelligence de placer une virgule de sérénité : l'image de sa fille endormie. Il inverse ainsi les éclairages de bien des romans qui s'ouvrent sur le drame final et racontent dans un flashback fatal comment on a pu en arriver là. Cette fois c'est le bonheur qui dès le début est décrit comme atteint, à portée de coeur, alors que les épreuves qui attendent le héros semblent le rendre inexorablement inaccessible.

 

Face à la déferlante de désastres, la musique du géant canadien produit un petit miracle : bien que triste, elle demeure volatile. Gonzales a la mélancolie légère. Il n'ennuie jamais ; il ennuite, il enroule dans la nuit. "Overnight" et ses notes disséminées au gré des fugues nocturnes en est un exemple, mais on pourrait également citer le splendide thème de "DOT", "Basmati" ou "One note at a time" et sa répétitivité presque angoissante. Lorsqu'il trinque avec des ambiances un peu jazz (la sautillante "Oregane", "Meischeid"), je me retrouve à Etretat, dans un salon de cette riviera du nord, sur les côtes normandes.

"Falaises" d'Olivier Adam / Gonzales "Solo piano"

A Etretat s'engouffre "le trou à l'homme", une grotte érodée par la mer. Celui du narrateur est creusé par la mère. Quant à l'aiguille qui jaillit des eaux noires, elle serait la figure menaçante d'un père violent. Les falaises de craie d'Olivier Adam ne sont évidemment pas anodines. Escarpées, intimidantes et fatales, symbole évident du gouffre qui aspire la vie du narrateur depuis son enfance, elles ont un rôle ambigu. Comme toutes les limites, on ne sait si leur grandiloquence protège du vide ou nous entraîne dedans. Le héros apprend à vivre face à l'abîme, à vivre avec la fragilité du monde, à se délester du poids des morts. Blessé mais vivant... un deuil aux bords noirs.

 

"Armellodie" vacille entre tristesse et sérénité et résume bien Olivier, un homme meurtri par les pertes et dont les cicatrices inaltérables se referment doucement. Quand j'entends les mains baladeuses du virtuose se délecter des touches de son piano, non, je ne pense pas à une publicité bancaire mais aux "Falaises" d'un écrivain français saillant. Entre un piano couleur de l'os et des mots couleur de l'eau s'est établi un joli dialogue nocturne.

 

Je me réjouis de découvrir l'adaptation imminente en bande dessinée du roman par Thibault Balahy et Loïc Dauvillier, et de la lire sur les mêmes airs de piano.

 

                                             

                                               

"Falaises" d'Olivier Adam / Gonzales "Solo piano"
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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 08:39

 

Note de concordance moyenne : 7/10

 

Quatre mariages artistiques et un bon paquet d'enterrements.

Pour ce recueil de quatre nouvelles de Stephen King, j'ai choisi une ambiance musicale par récit. Aux limites du fantastique, au cœur du suspense, l'écrivain star qui a enfin reçu les honneurs qu'il mérite en se déplaçant pour la première fois en France pour promouvoir "Docteur Sleep" (on y reviendra sans doute un jour) tamise ses meilleures histoires pour en garder une poignée éclatante, digne des chefs-d'œuvre "Minuit 4" et "Différentes saisons", sous le nom "Nuit noire, étoiles mortes". Ou bien "Nuits mortes, étoile noire" ? "Nuits blanches, mer noire" ? Je mélangerai toujours les mots de ce titre délébile, mais je ne confondrai jamais les quatre histoires mémorables qu'il introduit.

 

 

"1922" / Jack White "Blunderbuss"

Note de concordance : 8/10

 

Une nouvelle qui sent le bétail, la terre, le fumier et le sang. En 1922, un agriculteur se confesse. Il est pris dans un étau, entre ses récoltes miséreuses et son odieuse épouse qui le tient par les bourses : il voudrait cultiver les meilleures terres dont elle est officiellement propriétaire, elle s'y refuse catégoriquement et préfère les vendre, le condamnant au harassement vain puis à un déménagement en ville - autant dire en enfer.

 

Dans l'impasse, Wilfred choisit la seule solution qui lui semble viable : faire disparaître sa femme et enterrer ses sarcasmes et son gros corps dans un puits. Et pour justifier de la condamnation du puits auprès du voisinage, il sacrifie une vache censée être tombée dedans par accident. Il couvre de terre les deux peaux de vache. Mais on sait bien que les cadavres encombrent + encore que la culpabilité...

 

Difficile à croire, mais on trouve des excuses et on éprouve de la compassion pour ce brave type à bout de nerfs, qui choisit en + d'impliquer son fils dans le meurtre cruel de sa mère, toute garce soit-elle ; c'est toute la force de la confession et de la voix de Stephen King qui donne une épaisseur, une fragilité et une dimension tragique à son narrateur. Une aura Steinbeckienne qui motive les raisons de la colère.

 

J'aurais pu écouter de la country, une bonne compilation de Hank Williams, pour accompagner la lecture de cette nouvelle qui brasse la chaux et les terres poussiéreuses de l'Amérique profonde. Mais il était intéressant d'intégrer un artiste qui a digéré non seulement la country, mais aussi le blues et le rockabilly pour en régurgiter son rock ardent, dépouillé à l'essentiel. Un essentiel grouillant d'histoire. Intemporel.

"Nuit noire, étoiles mortes" de Stephen King / J. White, J. Stone, Garbage, B. Springsteen

Beaucoup attendaient de l'ex-White Stripes réfugié à Nashville un album radical, révolutionnaire, déchaîné. C'était oublier que White aime les chansons et le travail bien fait qui façonne les disques traversant les temps.

 

S'il peut paraître déceptif au premier abord, "Blunderbuss" se révèle rapidement un compagnon de route évident. La chaleur des orgues, les great balls of piano, les riffs toujours aussi tranchants, les guitares folles striant des compositions rythm'n'blues + complexes qu'elles ne paraissent, et cette production magique qui réussit l'exploit de projeter les sons dans une déflagration de crasse et de cristal, impriment le tympan comme un burin en diamant grave la matrice d'une galette vinyle.

 

Que ce soit le petit théâtre du King avec son décor de ferme écrasée par les saisons, le drame implacable qui se joue, la réalité qui se dérègle tandis que les rats semblent narguer Wilfred, la tournure road-movie/Bonnie & Clyde que prend "1922", tout ce récit poignant qui va de mal en pis de vache (lisez, vous frissonnerez comme moi sur cette page !) tracte avec lui les fulgurances blues-rock-soul de Jack White. Un fumet d'authenticité et de fatalité embaume ces deux œuvres. Le goût de l'Amérique.

 

"Grand Chauffeur" / Julia Stone "By the horns"

Note de concordance : 7/10

 

Seule une chanteuse sensible pouvait soutenir cette nouvelle éprouvante. Pas de fantôme ici, ni de zombie ; juste un monstre tout ce qu'il y a de plus banal.

On suit le parcours de Tess, une écrivaine en lecture/dédicace dans le Massachusetts. A la fin de son intervention, la bibliothécaire qui l'avait conviée lui suggère un raccourci pour rentrer chez elle. Pressée de retrouver son chat, elle emprunte cette route, crève un pneu, et se fait aider par une armoire à glace locale qui lui change sa roue. Sympa le gaillard. Jusqu'à ce qu'il assomme Tess pour profiter d'elle.

L'auteur pourrait se contenter du fondu au noir pour suggérer le viol, mais affronte l'épreuve. Sans doute pas évident à traduire de la part d'un homme. Au moins King ne s'est-il pas défilé.

 

Quand le géant en a terminé de son ignominie, il semble avoir l'habitude d'en finir définitivement avec ses victimes. Comme l'héroïne, on cesse de respirer et on attend de savoir comment elle va échapper au massacre... puis comment elle va supporter psychologiquement cette agression sexuelle.

 

Julia Stone en compagnie d'un géant nettement + agréable que Grand Chauffeur

Julia Stone en compagnie d'un géant nettement + agréable que Grand Chauffeur

Toute la douceur des chansons de Julia Stone (sans son frère Angus, ici c'est une histoire de filles) sera nécessaire à apaiser le calvaire de Tess. Compositions en clair-obscur, toute la tendresse des arrangements ne camoufle pas pour autant la tension, le dépit qui motive ces morceaux pop mélancoliques. L'australienne semble chanter pour réconforter Tess tout en entretenant sa rancoeur, celle qui la conduira à peser le pour et le contre de la vengeance. Surtout le pour.

 

"By the horns" est le deuxième album solo de Julia Stone, un disque sans faute et cohérent auquel participe le batteur de The National, y moissonnant des strates riches en sons. Il parle des relations complexes, parfois tordues entre hommes et femmes ce qui offre un contrepoint bien euphémiste à "Grand Chauffeur". Irradiant le crépuscule, la voix lumineuse de Julia épouse l'intimité blessée de Tess et, bien que frêle, aura toujours pour moi l'intensité de la renaissance.

"Extension claire" / Garbage "Control"

Note de concordance : 6/10

 

Parfois Stephen King doit tomber en rupture d'encre et se résoudre à faire une nouvelle de moins de cent vingt pages. "Extension Claire" et ses quarante pages est donc tombée dans cette phase, bien que le récit traverse, lui, les années.

Moi-même sur la réserve de mon stock d'inspiration, j'ai tâtonné le hasard pour trouver quelle chanson (il n'était pas question d'un album entier ici) deviendrait la B.O.L. de cette aventure. Pourtant, quand on écoute les paroles de "Control", je salue ma chance. Car il y est question de ne pas avoir envie de mourir, de perdre le contrôle, et le héros condamné de King le perd bel et bien.

 

Pactisant avec un marchand... "d'extensions", Streeter, dont la chimio ne donne pas les résultats escomptés si ce ne sont les intolérables vomissements, obtient une rallonge. Une rallonge de vie. Se délestant de son malheur, Streeter voit son cancer se résorber miraculeusement et sa vie rebondir. Evidemment, à la manière de Dorian Gray, quelqu'un d'autre va pâtir du deal faustien. Reste à voir qui va jouer le rôle du portrait...

 

Cynique, noir, acerbe, bizarrement drôle et malheureusement très lucide sur les tréfonds de la nature humaine, cette nouvelle fait du bien là où ça fait mal, comme une carie sur laquelle on appuie pour jouer les variations de la douleur. Odieusement jouissif !

 

Avec ce cinquième album du retour aux sources, "Not your kind of people", n'a pas la magie du premier album mais se perd moins dans les bêtises cambrées sur le r'n'b pop sucré. + de guitares grunge, + de nostalgie, + d'accroches mélodiques. Et "Control" contient tout cela, de même que cet habillage moderne technologique qui, avec la voix sexy de Shirley Manson, demeure une marque de fabrique du groupe anglais. Il y a encore assez de rage, de panache et d'ironie en elle pour chanter le destin fantastique de Streeter.

 

Le sifflet de train de la chanson, top départ d'un déversement rock en fusion, évoque cette zone en marge, terrain vague entre rocades et voies ferrées (une Twilight Zone), dans laquelle le magasin d'extensions vous attend pour faire des marchés encore + dérangeants que dans "Bazaar". Mais qu'auriez-vous fait à la place de Streeter ?

 

"Bon ménage" / Bruce Springsteen "Working in a dream"

Note de concordance : 7/10

 

Il fallait bien qu'un jour j'arrête de faire ma mauvaise tête et que je fasse plaisir à l'auteur en lui collant une B.O.L. à ses goûts. Le romancier a toujours clamé qu'il était fan de Bruce Springsteen, et il était temps de faire jammer ensemble le King et le Boss.

 

Et puis The Boss, c'est la voix de l'Amérique, ce héros rassurant qu'on entend à la radio quand on tourne le bouton. Le quotidien des yankees. On est bien. On a la routine heureuse.

Comme Darcy, la cinquantaine à l'aise, le ménage R.A.S., qui craque encore devant son mari modèle épousé il y a + de vingt-cinq ans. Lui, l'américain moyen, a toujours privilégié leur vie de famille avec deux enfants, travailleur, bricoleur, un peu timide... le physique et la gentillesse ordinaires. D'autant + dérangeant pour Darcy de soudainement avoir un doute. Un terrible doute : une découverte l'amène à se demander si Bob ne pourrait pas être le + ignoble des tueurs en série jamais capturé. Les soupçons étouffent le lecteur autant que Darcy. On veut savoir s'il est possible que ce petit bonhomme dégarni soit un monstre ou non, savoir comment cette femme attachante peut se sortir de cette histoire.

 

Le seizième album de Springsteen offre donc ce tapis de normalité au récit de King et rend d'autant + crédible le cauchemar de l'héroïne. Ce  n'est pas "Nebraska", on n'est pas époustouflé à chaque morceau, mais il se déroule avec soin et ses orchestrations ont la noblesse des grands.

 

Le gendre idéal de l'Amérique devenu, meilleur pote, mari ou amant rêvé de l'Amérique

Le gendre idéal de l'Amérique devenu, meilleur pote, mari ou amant rêvé de l'Amérique

Et puis il y a ce bijou qui ouvre l'album, "Outlaw Pete", long récit springsteenien de huit minutes sur le destin d'un hors-la-loi mythique, puissant et mélancolique, la parfaite tornade pour tourner dans le cerveau orageux de Darcy.

 

L'adaptation cinématographique de "Bon ménage" vient d'être montée, avec Joan Allen (bon choix). Je rêve d'y entendre Springsteen à la radio...

Le point commun de ces quatre nouvelles, si ce n'est la noirceur, c'est la profondeur que King donne à ses portraits, des personnages, fouillés, trifouillés et triturés par les séismes macabres qui fissurent le quotidien sans prévenir. Les cadavres ont bien du mal à disparaître, concrets, réels. Les musiques choisies ont volontairement une dimension pop standard, s'insérant d'autant mieux dans un cadre banal, le petit monde noir à peine parallèle du King.

"Nuit noire, étoiles mortes" de Stephen King / J. White, J. Stone, Garbage, B. Springsteen
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23 novembre 2013 6 23 /11 /novembre /2013 14:39

 

Note de concordance : 8,5/10

 

Sur les podiums de la haute couture, les lignes et les courbes les + élégantes défilent en musique. L'écriture raffinée de Jean-Philippe Toussaint se devait d'avancer le long des cordes du surdoué Sébastien Tellier, le barbu le + talentueux depuis Bud Spencer.

 

"Confection" est un disque que le multi-instrumentiste considère comme la bande originale d'un film imaginaire. Il n'en fallait pas + pour que je le raccommode à "Faire l'amour", premier des quatre livres du cycle MMMM (Marie Madeleine Marguerite de Montalte) qui suit les amours tumultueuses entre le narrateur et une créatrice de mode - et éloigne Toussaint de sa veine humoristique.

 

Débarrassé de sa navette spatiale de gourou discoïde, Sébastien Tellier, lui, laisse en coulisses son second degré et ses grandiloquences digitales. Il épure ses compositions top model et les habille d'arrangements cristallins. Homogène, mélancomique, touchant, l'album a la + belle des silhouettes.

 

Tellier, messie si mi ré

Tellier, messie si mi ré

 

Fait de variations autour d'une poignée de thèmes, "Confection" suit une forme circulaire. Les mélodies viennent et reviennent, s'enroulent autour d'une "Waltz" gaguesque, déclinant quelques motifs ("L'amour naissant", "Coco", "Delta", "Adieu", ...) comme les circonvolutions d'une ritournelle. Tout d'ailleurs ramène à ce titre incontournable de Sébastien Tellier : les mêmes musiciens ont été réunis pour mieux ressusciter le son du tube "La Ritournelle", Tony Allen à la batterie, Rob aux claviers entre autres. De fait, "L'amour naissant III" est la dernière ondulation aquatique produite par la goutte originelle de ce classique parfait de 2004. Des percussions qui battent des ailes, un piano qui fait ricocher les notes, et des nappes de violons qui sillonnent la surface des mélodies.

La sensualité est au cœur de ces morceaux presque intégralement instrumentaux. Un parfait drapé pour "Faire l'amour". Le roman de l'auteur belge décrit et décrypte une rupture entre deux êtres qui s'aiment mais ne se supportent plus.

 

Ils arrivent à Tokyo pour présenter la nouvelle collection de Marie, mais dans leur chambre d'hôtel luxueuse ils déchirent et rapiècent et déchirent leur amour. En décalage horaire, en décalage tout court. Une relation en jet-lag. Ni les ruées romantiques sous la pluie japonaise, ni le désir de faire l'amour comme si c'était la dernière fois, ni les amusantes lunettes de soie de la Japan Airlines qui confèrent à Marie la mou d'Adjani, ne suffiront à soigner la fracture.

 

Toussaint ne s'attarde absolument pas sur les causes des disputes, tellement banales. Il s'en secoue, c'qu'on s'en moque, c'est la secousse sismique qu'il décortique : la Rupture. Et la terre tremble littéralement à Tokyo, générant de nouvelles tensions intimes dans le couple. L'île est présentée sous son aspect instable, constamment menacée par la tectonique des plaques. L'auteur multiplie les mises en scène ambiancées par les variations : de couleurs, de températures, ou même des va-et-vient dans l'espace. Les lumières de Tokyo clignotent sur tout le livre, la clim de la chambre fait des caprices - chaud et froid. On sent l'instabilité, l'incertitude, les hésitations du destin. C'est la nature même d'une séparation. Aussi radicale soit-elle, une rupture n'est pas abrupte, elle prend forme par à-coups, se digère au fil du temps.

"Faire l'amour" de Jean-Philippe Toussaint / Sébastien Tellier "Confection"
"Faire l'amour" de Jean-Philippe Toussaint / Sébastien Tellier "Confection"

 

 

 

"Rompre, je commençais à m'en rendre compte, c'était plutôt un état qu'une action, un deuil qu'une agonie."  Le héros n'a d'autre perspective que d'attendre que la douleur passe, d'où ce refuge chez un ami de Kyoto aux allures de désintox. Pas étonnant alors qu'on sente le temps passer, qu'on sente la relation lentement se défaire. On pourrait croire que ce roman a influencé Sofia Coppola tant l'ennui, la fatigue, la solitude des grands hôtels et l'exotisme de la culture japonaise évoquent "Lost in translation", sorti un an après. Réduisons les degrés de séparation : on entend du Sébastien Tellier dans ce film.

 

L'écriture de Toussaint est appliquée, parée de sensualité. Ses phrases longues nous entraînent, nous encerclent, nous lovent autour de son thème, irrésistiblement. Comme dans "Confection", la figure circulaire s'impose. En revanche, la forme tranche avec le fond : la froideur de l'analyse, l'absence d'explications, l'abstraction de l'histoire, la faiblesse des enjeux. De quoi rendre bien difficile l'attachement aux personnages dont on sait si peu. Une impression un peu vaine...

 

On est heureusement ponctuellement intrigué par ce mystérieux flacon d'acide chlorhydrique que le narrateur garde toujours sur lui. Que compte-t-il en faire ? Que symbolise-t-il ? On peut penser qu'il représente l'essence même de la tension électrique, la charge de violence émotionnelle qui naît de sa relation avec Marie. De la pure friction.

 

Je me permets de spoiler, les atouts du roman se situant dans sa verve plutôt que dans son intrigue. Dans une très jolie scène finale, l'amoureux transi finira par dévider l'acide sur une fleur belle et innocente, à la fois portrait de Marie et de Dorian Gray.

Une jeune fleur sauvage et délicate, comme un amour naissant...

 

Les mélodies arrache-coeur filent sur le manège de Sébastien Tellier, vont et viennent comme une collection automne-hiver, comme les amours crevées de nos héros. Au passage, "Faire l'amour" est la partie "hiver" de la tétralogie de Toussaint. La pluie et la neige y sont omniprésentes, décors cinémascopes pour des scènes au romantisme exacerbé que les cordes des "Delta" tirent encore + haut dans l'émotion. L'ivoire à travers les larmes, "Curiosa" sonde les heures les + introspectives, les failles les + désespérées du roman. Les synthétiseurs d'"Hypnose" s'élèvent comme les tours hi-tech de Tokyo tandis que l'orchestre cosmique dessine un ciel triste aux amoureux. Les "Coco" et "Amours", + légers ravivent la passion qui a consumé ces deux êtres.

 

On n'est pas loin de la symbiose totale entre ces deux oeuvres, tristes bal(l)ades lancinantes, aux notes d'espoir parsemées, aux envolées romantiques puissantes. Elles s'élancent dans la même chevauchée éperdue. "Confection" souffle les vagues à slam des écrits de Toussaint. Cette B.O.L.  résistera-t-elle au temps ? Sans aucun doute. Après tout, trois saisons attendent encore leur tour, Marie reviendra...

 

 

 

A noter que la dessinatrice Tamia Baudouin propose des planches adaptées de "Faire l'amour" sur son blog.

 

Personne ne m'en voudra de réinjecter une petite goutte d'Eden, "La Ritournelle" :

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25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 09:16

 

 

 

Note de concordance : 8/10

 

Tu en as soupé du polar. Du flic, du privé, de l'enquête. Tu as envie de nouveauté. De personnages percutants, de narration implosée.

Tu en as soupé du rock. Des accords attendus, rabattus, hérités du blues, des amplis saturés. Tu as envie de nouveauté. De guitares dopées, de rhythm'n'blues réinventé.

Alors bienvenue. Cette expérience B.O.L. est pour Toi.

 

Tu ouvres le deuxième thriller traduit de l'allemand Zoran Drvenkar (au préalable tu l'as trouvé tout seul car tu as eu peur de te mordre la langue en le réclamant au libraire). Tu constates qu'il semble aussi déstructuré que son prédécesseur "Sorry". Et tu te laisses bouffer par ce premier chapitre ravageur où "Le Voyageur", un tueur improvisé, profite d'une tempête de neige paralysant l'autoroute pour passer de voiture en voiture et étrangler 26 personnes. Comme ça, sur un coup de tête. Génialement choquant.

 

Puis tu passes de point de vue en point de vue : cinq amies qui profitent copieusement de leur adolescence, un mafieux impitoyable, des petites frappes amourachées, un mort sur sa chaise, etc. Big bang narratif. Tu te demandes bien quel est le lien entre toutes ces histoires sans rapport, et surtout si tu vas supporter cet exercice surprenant du roman entièrement écrit à la deuxième personne du singulier. Mais tout tiendra la route.

 

 

Ce "Tu", comme une lettre ouverte intime à chaque personnage, donne un rythme punchy à l'écriture. Tu penses aux saccades hachées cut de Chuck Palahniuk, et il te faut une musique qui dépote pour suivre le train. La locomotive "Lonely Boy" t'embarque à toute vapeur sur le septième album de The Black Keys, "El Camino" à nouveau produit par un Danger Mouse + discret que sur "Brothers" (déjà chroniqué ici) ; ses rythmiques pop, des bombes sixties, sont encore là, mais complètement au service du rock'n'crasse des américains Dan Auerbach et Pat Carney qui souhaitaient mettre la gomme dans leurs chansons à défendre ensuite sur scène.

 

D'entrée, le riff monstrueux qui semble se régénérer en cours de boucle te donne le tournis, à la manière du maelström cauchemardesque des cinq jeunes berlinoises. Les chansons twistent les unes avec les autres, comme si elles avaient été conçues dans le garage de répétition le + groovy de Nashville, copartagé par T-Model Ford et les Rolling Stones de "Miss you", sous-loué par la Stax.

"Toi" de Zoran Drvenkar / The Black Keys "El Camino"
"Toi" de Zoran Drvenkar / The Black Keys "El Camino"

Quand une guitare parle, tu l'écoutes. Chaque sonorité, chaque reverb', chaque note a été réfléchie pour donner du relief à la composition. "El Camino" est en 3D ! Une sous-couche de blues graisseux, une couche de rock bouseux, une dimension soul (celle qui manquait peut-être aux White Stripes, leurs grands rivaux). Tes tympans vont frétiller.

Les notes aigües narguent Jack White, les basses qui roulent amassent maousse. Les hand claps appellent le glam, les riffs sont droits dans leurs bottes ; pas de doute, on a affaire à un classique.

 

Faire du neuf avec du vieux, c'est un précepte qui relie le disque des Black Keys et le roman "Toi". Cette envie de faire d'un terreau archi-connu, une oeuvre originale, du jamais vu. Cela saute surtout aux yeux avec le travail de Zoran Drvenkar qui détourne tous les codes du tueur en série et de l'enquête. Un peu comme Hitchcock se gaussant de prendre à contre-pied tous les clichés du suspense dans la scène de l'avion de "La mort aux trousses", le romancier se fait un plaisir de buter sans pitié chaque poncif du genre : le tueur frappe irrégulièrement et sans dessein, aucun flic ne viendra enquêter, les héroïnes sont des filles délurées qui jouent avec le feu, la mort frappe aussi bêtement que dans la réalité, et tout est présenté dans un puzzle que l'Espace/Temps est venu disperser à sa guise, comme des douilles chez Tarantino.

 

La fougue tendue de "El Camino", ses rythmes haletants, son grain de folie, ses mélodies râpeuses rendent coup pour coup aux phrases assassines du roman, à l'action éprouvante qui canarde le récit.

 

L'utilisation du "Tu" apporte aussi une approche inédite. Mais tu te dis, "pourquoi ce procédé ?". Tu parcours encore ce thriller qui vire au road trip et tu te rends bien compte que cette technique, ce doigt accusateur, a un vrai but : t'impliquer + que jamais, te mettre dans la peau des personnages fouillés, intimement, puisque c'est à toi, de toi qu'on parle.

 

Au final, tu te prends deux bonnes baffes !

Le rock rude du duo te marque au fer rouge. La symbiose entre les Black Keys et le co-auteur Danger Mouse aboutit à ce paranormal paradoxe d'un son à deux faces : parfaitement crade et brouillon d'un côté, et complètement limpide de l'autre. Et les pièces équilibristes des Black Keys retombent toujours sur le tranchant.

Les émotions de "Toi" te colorent comme un hématome. Jusqu'au dernier élément du puzzle enfoncé à coup de poing.

Bien fait pour toi !

 

 

 

 

Une guitare slide magnifique qui te pince aux mêmes zones que Queens of the Stone Age :

Ce van évoque les tournées des Black Keys à l'époque des vaches maigres

Parce qu'en live, tu prends cher :

The White Stripes avaient dû laisser trainer cette partition dans un studio de Nashville

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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 10:39

 

Note de concordance : 7/10

 

Rencontre hautement improbable entre un homme d'affaires et une dame pipi. Un nouveau défi pour dégoter la Bande Originale de Livre qui viendra ambiancer ce quasi huis clos dans les toilettes.

Les WC étaient ouverts de l'intérieur...

 

Pour commencer, il s'agit d'un roman (très) (très) (très) court - rajoutez le nombre de parenthèses nécessaires selon que vous lisez régulièrement Amélie Nothomb ou les pavés de Stephen King, ou remplacez le tout par le terme "nouvelle" si vous venez de lire les 1200 pages du "Naissance" de Yann Moix. Difficile en tout cas d'y associer un disque qu'on n'aura peut-être pas le temps d'écouter en entier. Une seule chanson fera donc office de B.O.L. et suffira à couvrir la toute petite centaine de pages de ce récit.

 

"Les dix enfants que Madame Ming n'a jamais eus" est une fable d'Eric-Emmanuel Schmitt qui se rattache à son Cycle de l'invisible s'intéressant aux portées des divers courants spirituels sur le quotidien. Une série sans doute insufflée par une fameuse expérience métaphysique vécue par l'auteur en plein Sahara, lui faisant se répéter que "tout est justifié". Après l'Islam ("Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran") ou encore le bouddhisme ("Milarepa"), ce sixième opus aborde la sagesse de Confucius. Et c'est Madame Ming qui la distille depuis les toilettes d'un grand hôtel chinois.

Le narrateur est un affairiste européen qui a pour habitude de jouer avec les nerfs de ses partenaires en quittant régulièrement la table des négociations. Pendant que les signataires cogitent, il se réfugie à chaque fois aux toilettes, et en profite pour discuter avec la petite dame. Rapidement, il se demande si la dame pipi lui fait prendre des vessies pour des néons : elle aurait dix enfants ! Quand on connaît la politique chinoise restrictive en ce qui concerne la natalité, on en déduit que Madame Ming est soit folle, soit mythomane, soit une hors-la-loi récidiviste à la chance insolente. La décathlonienne de l'accouchement va donc raconter en détail les caractéristiques bien particulières de ses dix progénitures afin de convaincre son interlocuteur. Au fil des récits, elle cite Confucius et transmet ses pensées.

 

L'action est presque entièrement située dans les toilettes pour hommes, comme dans une bulle. La chanson unique, en boucle, formule très bien cet espace confiné, cette répétition des conciliabules ; comme on se replonge à chaque fois dans le même univers.

"Atoll Moao" de Goldlix est un single qui apparaît seulement sur une compilation de 2000 "Modal soul classics" : il s'agissait d'une sélection du regretté producteur japonais d'abstract hip-hop Nujabes. "Atoll Moao" est donc un morceau qui l'inspirait... et c'est à peu près tout ce qu'on en sait ! Un parfum de mystère plane autour de ce titre et de son compositeur. Tout ce qu'on trouve sur Goldlix, c'est que c'est le pseudo d'un producteur londonien, Dom Goldberg. Casier artistique quasiment vierge. C'est tout ce qu'on a au dossier ! A l'oreille, il semblerait être un disciple de Bonobo à la soul moins inspirée, mais à part ça... On se concentrera donc naturellement sur la seule chanson.

 

Je cherchais un morceau aux consonances asiatiques, et si au final "Atoll moao" vogue sans doute plutôt sur les eaux polynésiennes, son exotisme zen convient parfaitement. On étend le lounge. Quelques grammes de percussions, electro dans le vent, nappes de synthé-théré, échos-sphères éoliennes, vibraphone sans fil, toutes les notes semblent ici planer. Au ralenti. Et sur ce lent trampoline où les sons s'abandonnent, une voix nasillarde venue d'ailleurs répète quelques mots mystérieux. Une voix de femme qui a vécu.

 

Instantanément, j'ai eu la sensation d'entendre Madame Ming proférer ses petites leçons de vie. L'aspect légèrement suranné de ce trip-hop spatial, il faut bien l'admettre, présente un petit côté lisse digne des musiques d'ascenseur. Mais c'est aussi ce qui est intéressant : cet air aurait tout à fait sa place dans les murs de marbre d'un hôtel de luxe, diffusé par commodité, glissant d'une vasque de porcelaine à l'autre.

+ que jamais la chanson s'intègre au récit, semble en faire physiquement partie. Musique de fond des personnages.

 

Ce lieu particulier, les vatères, n'est évidemment pas fortuit. Premièrement c'est un endroit où chacun se retrouve à égalité, au même niveau. Ensuite, c'est un lieu tout ce qu'il y a de non-sacré, surprenant pour y philosopher, transmettre les idées. Voilà une perspective toute chinoise : en effet, on détruit sans complexe les marques de l'histoire, en Chine. Le patrimoine, les architectures du passé, même les temples peuvent être facilement détruits, tant que c'est dans le but de construire du neuf par-dessus, d'aller de l'avant. Quel intérêt a une ruine historique si personne n'y apprend rien ? Contrairement à l'Europe, on n'attend pas des lieux qu'ils témoignent ; la transmission passe par l'humain, par les autres, par la parole, flotte comme les mélodies de cette B.O.L. Peu importe le contexte, sacré ou pas. 

On peut faire un parallèle avec le style épuré d'Eric-Emmanuel Schmitt auquel il tient. Ce ne sont pas les descriptions, le détail, les images qui l'intéressent - son écriture est un contenant que le lecteur remplira avec sa propre imagination - mais les idées, les pensées.

 

                                

 

 

Les entretiens entre Madame Ming et le narrateur évoquent cette passation d'idéologie par la tradition orale dont Confucius, l'un des premiers éducateurs du royaume, fût le maître. L'ancêtre des réseaux sociaux en somme, les haters en moins.

Mais alors quelles valeurs EES fait-il passer à travers ces distrayants dialogues ? L'aspect fondamental de l'éducation, comme le défendait le philosophe chinois ? Pas forcément. L'éthique de l'Homme qui en faisant le bien crée une vague d'harmonie autour de lui ? En filigrane, oui.

Cependant, ce qui intéresse par-dessus tout l'auteur, c'est de réfléchir sur l'intérêt de la Vérité. Quelles sont les limites du vrai et du faux ? Quelles sont les vertus de l'illusion ? Cette dernière est-elle vraiment inférieure à la vérité ? Une phrase du livre résume bien cela : "La vérité, c'est juste le mensonge qui nous plaît le plus".

Toujours tourné vers l'harmonie entre les Hommes, on comprend que pour Confucius la Vérité n'a lieu d'être que si elle se montre utile à autrui. Il semble en être de même pour Madame Ming. Alors, a-t-elle eu dix enfants, dix petits prodiges aux destins spectaculaires ? A-t-elle fabulé ? Vous voulez vraiment connaître la vérité ?

 

Le livre coule tout seul et évite la frustration, alors faites-vous plaisir et allez pêcher la réponse. Ce n'est pas un chef-d'oeuvre, loin de là, ni un condensé d'émotions, mais il évite les lourdeurs que ce genre de récits jonglant dangereusement avec la philosophie peuvent drainer à coup d'aphorismes pesants. Schmitt en profite pour faire un hymne à la fantaisie face à la vérité banale, souvent si décevante.

 

Dans la chanson de Goldlix les paroles n'ont plus d'importance, les mots sont dépassés par un sentiment général d'apaisement. C'est tout l'enjeu de la pensée confuciusienne : arriver à l'harmonie en faisant le bien autour de soi. Une sérénité se dégage du roman, exactement celle qui émane d' "Atoll moao", comme une onde positive qui relie les coeurs. 

 

 

En bonus, le seul autre titre répertorié de Goldlix, "Crowded spaces" :

 

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25 septembre 2013 3 25 /09 /septembre /2013 17:40

 

Note de concordance : 8,5/10

 

On ressort les cravates, on taille les costards. L'acier et le cuivre vont chauffer. D'un côté, Tyler Cross, un gangster à la classe naturelle qui se retrouve bloqué dans le pire trou du Texas. De l'autre, le collectif soul/funk instrumental Menahan Street Band dont les rythmiques au cordeau enflamment les productions du label Daptone Records depuis une dizaine d'années sous diverses identités (on les retrouve  parsemés chez les excitants Charles Bradley, Lee Fields, The Dap-Kings, The Budos Band, entre autres).

 

                       

 

 

A la vue des traits angulaires de notre badass et des ambiances 50's offertes par le prodigieux dessinateur Brüno, on aurait pu diriger la Bande Originale de ce Livre vers les irruptions surf-music de Dick Dale (mais son "Misirlou" appartient maintenant à tout jamais à "Pulp fiction") ou encore la partition d'Elmer Bernstein pour le film "The man with the golden arm" (mais c'est pas du jeu d'utiliser une B.O.F. préexistante !).

                                            

 

La tentative de lecture avec "The crossing", deuxième album du groupe purement brooklynois mené par le producteur Thomas Brenneck, s'est immédiatement avérée payante. Cash. Dès la première page, le mariage en grandes pompes de la trompette et du saxophone, les orgues chauds comme la nuit dans un bouge, et le groove posé, sûr de lui, marquaient le pas du criminel à la gueule d'amour.

 

                                   

 

Et que ce soit le disque ou la BD, on y trouve derrière des artistes qui ne sont ni dans le pastiche, ni dans la parodie, ni dans le calque, mais dans l'hommage humble et la renaissance d'un genre : la soul vintage / le polar hardboiled.

 

Bref. Trop long. On n'est pas là pour badiner. Tyler Cross ne fait pas dans le détail, mais dans l'efficacité. Alors on revoit le plan point par point.

 

 

"The Crossing"

Chanson-titre dont l'élégance n'a d'égale que l'allure de Cross, chapeau Fedora surlignant ses yeux perçants - l'archétype du héros de roman hardboiled, comme on connaît Parker. Une tranquillité émane de ce morceau aux boucles de guitare délicates fascinantes. L'assurance et la distinction de notre héros s'y retrouvent. Les mafieux et malfrats grossiers qu'il croisera n'auront jamais ce truc en + qui le rend félin. Ou reptilien.

 

"Lights out"

On passe aux choses sérieuses. Le rythme monte, entre la tension avant un braquage et l'adrénaline qui jaillit comme une bastos. Voir Tyler et son équipe se lancer dans une fusillade d'ouverture d'anthologie, en pleine nuit, dans la poussière du désert texan, en écoutant les attaques mariachis de trompettes trépaner les contretemps fait trépigner.

D'autres éclats de violence jouissifs s'empareront de ce morceau.

 

                    

 

 

"Keep coming back"

Avec son orgue vintage en diable et sa rythmique soul 50's qui fait claquer les doigts, ce morceau convient aux moments d'accalmie, l'heure où s'évapore la fumée des canons. La panne de voiture qui oblige Tyler à traverser le désert pour atteindre une station-service miteuse s'y prête bien. Le son blanc des trompettes crame autant la peau que l'implacable soleil immaculé accablant le fugitif sur ces pages sublimes, aux mises en scènes très cinématographiques. L'hommage sensible aux films de gangsters des années 30 et 50 est affirmé et sincère, les clins d'oeils pléthores, de James Cagney à Humphrey Bogart, de John Sturges à Billy Wilder.

 

 

 

"Three faces"

Un titre plaintif qui poursuit tout à fait l'entame du morceau précédent, appuyant la lassitude de Tyler Cross, coincé dans un bled malsain, bouffé par le pétrole, rongé par la corruption, pourri par une famille de dégénérés détenant toutes les clefs de la ville. Puis la batterie du Menahan Street Band part en voyage, en Ethiopie ou à Cuba, loin de cette triste terre... pour y revenir, inévitablement. Un rêve accroché aux barreaux moisis de la geôle locale.

Ces trois visages sont aussi ceux d'un père tout-puissant et de ses deux fils humiliant et souillant leur belle-fille/belle-soeur la veille de son mariage. La mariée était en jaune. Terrible scène que viennent tremper ces notes épicées.

La vengeance et le chaos macèrent dans ce morceau, avant l'explosion...

 

"Sleight of hand"

C'est une trompette qui dérape, des dissonances qui viennent éperonner le groove pour mieux le faire sauter. Ce sont des notes serrées, qui s'échappent plus qu'elles ne sortent. C'est une batterie qui fait grimper le suspense, qui installe l'action. Tel le serpent qu'il va croiser - géniale idée du scénariste Nury d'en faire un narrateur - Cross a la colère froide. Il ne s'emballe pas, il ne s'énerve pas. Il frappe juste. Comme le Menahan Street Band. Les scènes d'action au graphisme épuré, violent, teigneux, cognant, gagnent encore miraculeusement en puissance avec "Sleight of hand". C'en est presque trop beau, presque trop fort !

 

"Everyday a dream"

On élimine. Gentil morceau, mais trop tendre pour être utile au programme.

 

"Seven is the wind"

La guitare slidée façon western qui tend un horizon à ce morceau soulève les mêmes lassitudes poussiéreuses que le héros solitaire. Bloqué chez les bouseux avec 21 dollars en poche quand on a 17 kilos de came dans son sac, ça irrite.

 

"Bullet for the bagman"

Avec un intitulé pareil, ça ne pouvait que coller. Coller comme une chemise pleine de sang.

 

"Driftwood"

Une virée au far west. Idéal pour illustrer le flashback d'un vieux garagiste touchant qui nous conte l'histoire de ses terres trahies. Les cuivres font alternativement revivre le sifflet des trains à vapeur, ou souffler le vent qui balaie la frontière mexicaine toute proche. 

 

"Ivory and blue" et sa reprise

On frôle la même sanction que "Everyday a dream". Les accents mexicains et les guitares wah-wah posent toutefois une ambiance pour les dialogues percutants de Fabien Nury et son humour noir qui fait bang.

 

                                 

 

 

On résume : ça chauffe du côté de la musique, ça brûle chez ces auteurs passionnés de film noir.

L'extatique funk exotique des brooklynois cool de source.

L'épure ronde et stylisée de Brüno s'est dotée d'un impact + cinglant que jamais, suivant des découpages jamais léchés au hasard qui font chavirer les pupilles. 

 

Il vous faut quoi de + pour vous ruer sur ces deux oeuvres ? Un flingue sur la tempe ?

 

 

En attendant un Tyler Cross tome 2 qui aura pour décor la Louisiane (!), et qu'on découvrira peut-être comme celui-ci en avant-première sur Professeur Cyclope, voici un petit trailer fidèle à l'ambiance :

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 09:45

 

Note de concordance : 10/10

 

Sans blague ? Tu t'es cassé la tête là, pour cette Bande Originale de Livre ! La biographie de Gainsbourg à lire avec l'intégrale de Serge, fallait y penser...

Oui mais voilà, en terme de mauvaise blague, c'est Gilles Verlant qui vient de nous en faire une. A 56 ans, le journaliste rock, spécialiste de Gainsbourg, vient de casser sa pipe. Chute dans l'escalier. Verlant à l'envers. Sans déconner...

 

B.O.L. va pour une fois rendre hommage plutôt que chroniquer, rester sur le quai plutôt que tendre des passerelles. Alors sortez les black trombones, écoutez le requiem pour un twister, allez leur dire qu'il s'en est allé, parce que c'est un grand monsieur des médias, la mémoire de la chanson française qui se barre. Un belge pourtant, on reste dans la blague.

Gilles Verlant était passionnant et avait une vision globale et pertinente (entre autres) du phénomène Gainsbourg, dont il a signé la biographie définitive. Mieux documentée que n'importe quelle autre, sans déification, sans lacunes, essentielle. L'anti-info poubelle, loin des buzz et des tweets qui polluent le métier de Gilles Verlant, journaliste.

 

 

On pourrait en dire des tonnes sur le travail de l'incollable Verlant, mais justement, je ne saurais pas le résumer car je ne suis pas journaliste. Alors humblement je préfère le laisser parler.

Et me dire que c'est encore un de ces chouettes types que j'aurais aimé rencontrer avant qu'il passe de l'autre côté. No comment.

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Un Livre Et Sa Musique

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