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30 septembre 2018 7 30 /09 /septembre /2018 21:39
"Bienvenue au club" de Jonathan Coe / Baxter Dury "Prince of tears"

Note de concordance : 8/10

 

Du rire ou des larmes ? Les deux ? Je pourrais vous faire croire qu'on ira de l'une à l'autre de ces émotions, mais c'est plutôt un brassage que je vous propose, comme on goûte au malt et au houblon dans la même goulée de bière.

Qui saurait dire, en écoutant ce dandy de Baxter Dury, s'il ricane ou s'il sanglote ? "Prince of tears" : on pense d'abord à la tristesse de ce chanteur inspiré par son propre chagrin d'amour, mais connaissant l'ironie de l'artiste, sa distanciation, tout n'est pas si simple. Baxter Dury a toujours cette capacité à se moquer de sa propre carcasse. Sa pop décharnée n'a rien d'un mélo, et si des cordes gainsbouriennes (période Vannier) satinent un peu ses instrumentations brutes de décoffrage, un crachat punk de-ci de-là vient remettre une révolte adolescente au milieu du salon.

"Bienvenue au club" de Jonathan Coe / Baxter Dury "Prince of tears"

Le fils du mythique Ian Dury - fils génétique, spirituel et artistique - est la synthèse des personnages de "Bienvenue au club". Enfant des années 70, pur produit de l'Angleterre qui a grandi sous les années punk, IRA, luttes syndicales pré-Thatcher. Un adulte dont l'œil effronté et rieur indique qu'il n'a pas totalement quitté l'adolescence. Indolent, il a souvent été viré des écoles qu'il fréquentait, insolent, le petit Dury a même pissé sur Joe Strummer depuis son toit. Aucun respect !

 

En revanche, il y a une grande admiration pour The Clash de la part des héros du roman, en particulier Doug, un des membres de cette bande de potes qui se cherchent un peu. Benjamin et Philip complètent le noyau de ce groupe, de ce livre. A la sortie de l'enfance, ils essaient de trouver leur chemin, à tout le moins de s'extirper de leur cadre fait de salons étriqués aux tapisseries maronnasses, de pubs parfumés au JPS où les convives rognent l'amertume.

Très attachants, ces gamins vont être le fil rouge d'une fresque beaucoup + ambitieuse, qui a pour intention de décrire une époque + complexe que les images d'Épinal qu'elle a laissées. Dans la mixture tragi-comique dont Jonathan Coe a le secret, on voit les tensions qui imprègnent cette période de l'Angleterre : des générations qui ne se comprennent plus au sein de la famille, des couples qui ne se parlent plus, des classes sociales qui ne s'entendent plus, des pays déchirés qui ne cohabitent plus.

 

Le talent de Coe est de transcender les points de vue, de surprendre, de casser son récit en racontant la suite via une lettre ou un article de la gazette scolaire. Tour à tour poignant, narquois, drôle, le point commun de ces tonalités est le gène british. Sans jamais rien surligner (c'est agréable un auteur qui vous fait confiance), il peint par petites touches sépias un entrelac de destins. Jusqu'à cet extravagant avant-dernier chapitre écrit en une seule interminable phrase à faire s'étrangler de jalousie Maylis de Kerangal, qui s'étend sur une cinquantaine de page, et met fin à l'éclatement des points de vue pour ne creuser que la même fibre intime de son personnage-clef, Benjamin. En contrepoint, les furies d'à peine une minute "Letter bomb" et "Almond milk" s'amusent des espiègleries de la temporalité.

 

"Bienvenue au club" de Jonathan Coe / Baxter Dury "Prince of tears"

Traversée par l'accent cockney de Baxter Dury, sa production bien sapée mais débraillée, ses mélodies servies à la pression qui ne débordent jamais, ses rythmiques issues des caves de Kinks Street, la mosaïque de Jonathan Coe trouve sa Bande Originale de Livre idéale. Dans l'une et l'autre de ces deux œuvres, le subtil équilibre entre détachement et passion, sarcasme et mélancolie, tendresse et tension est déroutant, déstabilisant… tellement proche de ce à quoi ressemble une vie.

La suite de ce roman, "Le cercle fermé", revient sur ses personnages pendant les années Tony Blair. Après tout, la musique de Baxter Dury n'est pas spécifiquement seventies, ni même nineties ; peut-être un autre de ses albums pourra de la même manière donner de l'ancrage à cette plaisante saga de Monsieur Coe, dont l'écriture en apesanteur retire un peu trop de poids au récit, vite oublié. Les chansons au cordeau de Dury, elles, restent, accrochant quelques images du livre au passage. Listen !

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