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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 15:39

 

Note de concordance : 9/10

 

de loin mouchesblundetto

 

Mucho calor ! De la sueur et des volutes de cigare... Voici la sauterie ardente entre un roman argentin efficace en diable et un disque aux notes braiseuses - presque autant que le pathétique Señor Machi, nouveau riche bling-bling bang-bang. L'album et le bouquin se livrent à un 69 éblouissant sous une nuit latine.

 

Voilà donc notre arriviste argentin qui a su profiter de la crise économique de 2001 pour écraser son succès comme un mégot de cigare sur le crâne des pauvres gens. Señor Machi pue l'argent sale et l'arrogance, et il aime cette odeur. Après une bonne gâterie de sa dernière maîtresse, un rail de coke sniffé à une vitesse de loco, il file dans sa BM au cuir neuf et doux "comme un jeune cul".

A peine le temps de se lamenter sur son encombrante épouse ou ses mauviettes de gamins qu'un pneu crevé l'arrête, lui, le señor Machi en personne, sur le bas-côté. Inadmissible coup du sort qui va pourtant lui permettre de découvrir dans son coffre... un cadavre !

Double enjeu : comprendre qui cherche à le piéger et se débarrasser du corps. Point de départ simple pour "De loin on dirait des mouches", et une intrigue concentrée comme un shot de Fernet ! Kike Ferrari, traduit pour la première fois en français pour les éditions Moisson Rouge, écrit comme on flingue : il tire vite, vise juste, et souffle sur la fumée histoire de se marrer un peu.

 

kike

 

Avec son personnage putassier dont l'entreprise est réglée comme une Rolex, condamné à se dépatouiller seul de son pétrin extraordinaire, on peut penser à un épisode de "La quatrième dimension", mais qui ne franchirait pas les lignes du fantastique, qui resterait les pieds embourbés dans le sol du polar, tout de noir et de feu. Lors de flashbacks taillés à la hache - autant de chapitres qui claquent comme des coups de tête - l'entrepreneur sans scrupules fait le point sur ses potentiels ennemis ; et il trouve matière à paniquer !

 

Il fallait une musique chaloupée pour résister au soleil sud-américain, avec des élans cuivrés comme les affectionne Tarantino. Après un premier album, "Bad bad things", aux accents cubains prononcés, le parisien Blundetto - programmateur de Radio Nova - a sorti du four sa deuxième galette, "Warm my soul", une parfaite recette de boucles latines, de reggae et de jazz éthiopien, pimentée de soul et de hip-hop. Tout ce qui brûle !

Eclectique et miraculeusement cohérent, le travail de Blundetto, nourri aux featurings passionnants, a comme fin la curiosité - joli défaut transmis par le mythique créateur de Nova Jean-François Bizot. A la fois spéléologue explorant les failles du reggae et astrologue lisant l'avenir de l'electro dans l'amarre des cafés latinos, Max Guiguet (de son vrai nom) transforme tout ce qu'il mixe en or.

 

blund2

 

Avec le groove comme ADN et les reliefs funk comme colline vertébrale, l'album dégage un parfum de suspense, une aura cinématographique qui vient peser sur le señor Machi. Les titres les + sensuels laissent pénétrer d'humides alternances soul ou dub dans les scènes les + chaudes du livre. Car oui, "De loin on dirait des mouches" parle d'argent, de violence et de cul. Tout ce qui brûle...

 

En passant en revue les relations de Machi basées sur la force, avec son bras droit, Le Cloaque (lui-même pris dans une chaîne d'humiliation l'amenant à ridiculiser un môme arborant le Che - irrésistible !), son fils homo, ses employés surexploités, une maquerelle issue de la télé-réalité, les politiciens véreux, les amis mafieux, ou n'importe quel commerçant qui se doit de lui cirer les pompes, l'auteur fait le portrait à peine caricaturé d'un odieux patron ivre de pouvoir mouillé jusqu'aux moustaches, qui plonge ses fesses dans des costumes Armani mais trempe son nez farineux dans les affaires scabreuses.

Derrière les mésaventures risibles de cet affreux self-made mégalomane, pour qui ses congénères comptent autant que les mouches évoquées dans le titre, ce que dénonce Ferrari, tueur à gags satiriques, c'est évidemment toute la maladie de la corruption, la gangrène où les gangs règnent moins que l'argent-roi qui étouffe la société argentine.

 

Quoi de mieux qu'un bon polar rigolard comme vitrine pour mieux pointer du doigt les dysfonctionnements du capitalisme ? Quoi de mieux qu'une parfaite Bande Originale de Livre pour s'imprégner d'une telle lecture ? "Warm my soul" joue son rôle avec excellence. Menées par les riffs funky, les reflets blaxploitation mid-tempo de "Since you've been gone", "Final good bye", ou encore la reprise d'Aaron Neville "Hercules" pourraient passer sur l'autoradio de la BM si seulement son conducteur avait bon goût. "Crowded places" et ses trompettes piquantes font monter la paranoïa du señor Machi, et "Walk away now" va jusqu'à emprunter les sonorités fashion de la B.O. de "Drive" et offre une rutilante calandre à l'intrigue. 

Les rythmes de l'album ne perdent jamais de vue le cool, tout comme ce roman qui a beau filer le long de courts chapitres, prend le temps de s'amuser.

 

Et si vous n'êtes pas encore incités à lire cet excitant bouquin tout en écoutant un disque magnifique qui semble composé pour lui, voici un dernier exemple d'affiliation : Blundetto est un pseudonyme choisi en hommage aux "Sopranos", la série mettant en scène les conflits intérieurs d'un mafieux au sommet, partagé entre ses obligations familiales et son organisation criminelle. Ca me rappelle un truc...

 

Pour les scènes ardentes :

http://www.youtube.com/watch?v=AB_PVQoRrKQ

 

Pour les scènes encore + chaudes :

http://www.youtube.com/watch?v=rMwJ7bzO0As

 

 

 

 

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 19:39

 

Note de concordance : 6.5/10

 

 

John Fante - Mon Chien Stupidetindersticks - the something rain

 

 

Combler le vide. C'est l'histoire de tout être humain depuis qu'il a quitté son Paradis perdu : le ventre de sa mère. C'est aussi l'histoire de ces deux oeuvres qui se tournent subtilement autour et s'interpénètrent sporadiquement.

 

Pour ce 9ème album du groupe mené par Stuart A. Staples, le titre même de l'album, "The something rain", évoque la nature profonde de la créativité artistique : combler les trous, donc... Staples explique que le mot "something" placé là symbolise le tâtonnement de l'inspiration pendant la composition, la doublure-lumière provisoire pendant les répétitions avant l'arrivée du terme finalement élu.

Les anglais avaient un but, un son, un vent de liberté en tête à retranscrire sur ce disque : cet objectif à atteindre, ces failles magnifiques à compléter, les Tindersticks les ont sublimés.

 

Groupe le plus classe de tous les temps (n'y voyez-là aucune subjectivité, c'est empirique !), les membres du groupe fuient la facilité comme si la routine était une pluie toxique dissolvant l'inventivité. Les violons, la musique de chambre, la pop orchestrale qui ont fait leur gloire : des gammes trop simples, des poches sans trous, des formules aux charmes mathématiques. Nous on en redemande, mais eux se dopent aux plaisirs de l'inédit. De flashbacks soul ("Simple pleasures") en transitions illuminées par le jazz ("Falling down a mountain"), les Tindersticks ont finalement façonné cette pièce-maîtresse de leur oeuvre. Flamboyant, culotté, habité, "The something rain" superpose les couches irisées d'indie, de free-jazz, de soul, de boucles morriconiennes... Les strates mélodiques fusionnent sous les migrations gracieuses d'un miracle nébuleux. Ils tentent, osent... De la boîte à rythme, de l'écho sur le chant si exalté de Staples, une rythmique tropicale, un solo de saxo sexy, du talk-over and over and over... Avides d'expériences comme mille vierges en furie, rien ne leur résiste. 

 

Henry Molise - une version vermeille du personnage culte Bandini - a beaucoup raté : sa vie professionnelle, sa vie de couple, son rôle de père, et même sa route : il doit régulièrement appeler sa femme depuis une cabine téléphonique pour le ramener chez lui, à deux blocs de là. Romancier raté roulant dans une vieille Porche défoncée (si les créateurs de l'excitante série Californication ne se sont pas inspirés de lui, j'arrête les points d'exclamation en fin de parenthèses !), Henry a quant à lui cédé à la facilité, contrebalance des Tindersticks - miroir aux alloués au talent. Notre loser se paluche du scénario hollywoodien... dans ses meilleurs jours ! Quand les contrats veulent bien tomber... Pour ce qui est de faire un bon roman, la graine ne prend pas. Chez lui on ne sème peut-être pas assez...

 

L'adoption d'un chien errant à la queue particulièrement remuante va ébranler un peu + sa famille, à une étincelle de l'implosion. Une épouse raciste, quatre enfants irresponsables, irrespectueux, irritants, y retrouver sa place n'est pas évident. Cocon en décomposition, le noyau familial se désolidarise, les chambres se vident une par une. Henry voudrait prendre la pièce de sa fille qui convole en camping-car, mais elle lui refuse ce privilège. Chambre inoccupée... L'absurde incapacité à combler les vides...

Baptisé Stupide, le nouveau chien lubrique d'Henry, bouche ces trous béants que sont les défaites de l'écrivain (et bien d'autres !). Il occupe le terrain, se frotte à son gendre, se tape le voisinage canin. Il domine. Il remplace.

 

En aspergeant "Mon chien Stupide" d'un ton humoristique, John Fante peut se permettre de laisser son style direct, frontal, aborder des sujets mélancoliques. Les échecs, les revanches pathétiques, la douloureuse prise d'indépendance des progénitures, l'ingratitude, la désagrégation des liens, le linceul qu'on dépose sur les rêves... Tout cela dans un pataugement drôle et absurde, comme un enfant qui saute dans une flaque.

 

La musique de Tindersticks a certes des accents de tristesse. Mais le groupe l'expliquait il y a quelques années, la subtile exagération du spleen est une forme d'humour anthracite aux entrées en trompe-l'oeil d'un groupe + amusant qu'il y parait. Si la musique enchaine des notes désenchantées, les paroles appellent parfois la drôlerie. Exemple on ne peut guère + flagrant, le long monologue de "Chocolate" contant sur 9 minutes comment un type solitaire rencontre et emballe une femme troublante... et au moment de conclure se retrouve avec un pénis sous son nez.

Ce même rapport humour/drame que John Fante, mais dans un miroir, un deal entre la forme et le fond. Les couleurs de ces oeuvres sont identiques et inversées comme celles d'un négatif.

 

tindersticks miroir

 

En mettant en relief la nature moins ironique et + désabusée du roman, "The something rain" et ses morceaux toxiques, magnétiques, ses patchworks de saxo, font donc un contrepoint remué au livre de l'américain qui a inspiré Bukowski et Kerouac. C'est un album en mouvement, en voyage. L'alter-ego de Fante s'essaie vaguement à être un type bien, puisqu'il ne parvient pas à concrétiser son projet de repartir vivre à Rome. Cette B.O.L. sonne comme ses rêves en perdition.  

Le silence est un vide que je comble avec un quelque chose musical en attelage ; plaisante expérience que de lire et d'entendre tout ce petit monde enraciné dans les nuages. 

 

 

 

Une vidéo de "Medicine" tournée dans l'écrin d'inspiration de Stuart Staples, son studio dans la Creuse, Le Chien Chanceux :

http://www.youtube.com/watch?v=5v1eFVOj4is

 

Sans doute le titre le + délié de l'album, "Frozen" :

http://www.youtube.com/watch?v=KEd0BbunCQU 

 

 

 

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6 novembre 2011 7 06 /11 /novembre /2011 10:29

brüno atar gullgil scott heron small talk

 

Note de concordance : 7/10

 

Toujours un peu complexe que d'attribuer une musique à un récit historique. Soit il convient de se diriger vers le genre classique, soit de se rabattre mollement sur la musique de film. Mais cela manque pleinement de panache. Et quand l'ambitieux scénariste Fabien Nury et le magicien du crayon Brüno ont décidé d'adapter en bande dessinée le sombre roman d'Eugène Sue, ils n'en ont pas manqué, alors au boulot !

J'ai relevé les manches et les souvenirs de ma vie de disquaire. J'ai alors entendu une voix prêcher l'acide parole depuis la rue : celle du regretté Gil Scott-Heron.

 

L'anachronisme entre l'évocation de l'esclavage et les revendications poétiques de Scott-Heron a brûlé dans les feux de plantations, beaucoup + vite que je ne l'imaginais. Car la destinée du "bois d'ébène" et les constats désolants du chanteur sur l'Amérique black de 1970 se font écho. Les choses ont changé... mais pas tant que ça. Comme le remarque Scott-Heron dans "Whitey on the Moon", les blancs viennent de marcher sur la Lune, mais ses frères foulent toujours les mêmes trottoirs sans soleil de Harlem.

Toujours la même Histoire.

 

gil scott heron tag

 

Avec cet album inaugural, "Small talk at 125th and Lenox", le poète a taggé les premiers traits du rap. A part trois titres soul enjolivés de piano, scandés plutôt que chantés, contestés plutôt que récités, ses morceaux en spoken-word saisis en live ont une opaque force de frappe. Ses rimes révoltées sont portées par des congas nus comme le blues. La percussion comme seuls habits, les chansons racées arrachent aux consciences les voiles sociaux, pointent du majeur les inégalités raciales. Humour noir percutant, textes intellectuels référencés, la révolution est dans le sang de chaque mot.

 

Les mots baignent dans le sang, chez Sue, et donc chez Nury.

"Atar Gull", ce sont des larmes de sang. De la mort injuste. De la haine, de celle qui conduit à la + violente des vengeances, celle qui patiente, celle qui pourrit. On suit donc le puissant prisonnier Atar Gull embarqué dans l'atroce trafic d'hommes au XIXème siècle.

La traversée, éprouvante, lorgne sur l'horreur sans concession, cogne et sent la charogne. Il faut dire que les découpages de Brüno, à la hache et à la sueur, sont d'une nervosité impétueuse. Une verve esthétique qui laisse les yeux sans voix. Comme le héros, on refuse de pleurer, mais le coeur y est.

 

atar gull pleurs

 

La seconde partie du livre montre la vie dans les plantations en Jamaïque, les journées âpres, le mépris insoutenable des négriers. Nury y broie les lieux communs comme les esclaves la canne à sucre. Alors vient le réveil monstrueux d'Atar Gull, implacable. Explosion de rage accumulée, acculée derrière le masque de servitude. Le dessin rond du dessinateur prend des coups de fouets. La virulente tragédie de l'esclave modèle embrase des cases évocatrices, habitées. Chaque pose, chaque regard, chaque drame est traité avec la même trempe. Une claque. Par case.  

 

atar gull prisonnier

 

Les rebondissements accrocheurs du livre, et surtout le calvaire des esclaves sont rythmés par les percussions tribales de "Small talk...". La splendide "The revolution will not be televised" appelle à la rébellion et se joue du temps qui sépare ces deux oeuvres - même si Atar Gull place la vengeance au-dessus de la liberté. On concasse le politiquement correct d'un côté et de l'autre du temps.

A l'angle du jazz, du blues et du rap, on entend à travers le débit slamé de Gil Scott-Heron un coeur nègre, tous les sanglots d'un peuple, toutes ses sangles. Comme Atar Gull, il ravale ses larmes. Presque toutes.

 

 

Talk about the revolution :

http://www.youtube.com/watch?v=X6OASOH_66A

 

Talk about the soul :

http://www.youtube.com/watch?v=z_Nq8BNT4CY

 

 

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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 19:08

le mec de la tombebang bang

 

Note de concordance : 7,5/10

 

Le livre

 

Elle : "Le ton emprunté par Katarina Mazetti est léger, les mots ont des ailes. Ils posent pourtant une question bien sérieuse, ils osent aborder un sujet tabou dans la grande demeure de l'Amour : un gouffre social entre deux personnes qui s'aiment est à priori fatal si l'on veut bien une seconde être réaliste, et chasser de notre coeur les petits oiseaux d'Hollywood qui ont tendance à faire leur nid dans nos membranes les + sensibles. Les histoires d'amour finissent pâles, en général.

Mazetti nous attire avec de gros sucres d'orges et nous tape avec. Son écriture imagée, ses comparaisons irrésistibles vont finalement servir la neurasthénie morne d'un amour mort-né."

 

Lui : "Elle démarre bien cette histoire de deux suédois qui, à force de se croiser au cimetière pour déplorer leur solitude sans vraiment pleurer leurs morts, vont tomber amoureux. Plutôt "mordant", comme on lit sur la moitié des étiquettes coups de coeurs de tous les libraires du monde.

Et cet affrontement de points de vue - un chapitre par narrateur, égalité du temps de parole, une parité assez primaire - rythme le livre, et devient une vraie usine à ressorts comiques. Mais l'usine se met un peu en grève, la gravité rattrape l'histoire, et l'incompatibilité entre Désirée, bibliothécaire citadine certifiée, et cet agriculteur qui croule sous les tâches sera le sujet envahissant du livre. Elle aime sortir, il doit s'occuper des vaches. Elle est à fleur de peau, il est à fleur de pis. L'amour est dans l'après ?

Un peu terne finalement ce constat d'amour impossible. La lecture prend un peu le goût des boulettes fadasses de Benny."

 

 

Le disque

 

Elle : "La plus belle empreinte de "Bang Bang" c'est sa voix. Filet fragile qui pourrait s'interrompre à la moindre secousse. Les dernières gouttes de la dernière cascade. Du précieux, et rien de ridicule. L'italo-anglaise suit le même ruisseau qu' Emiliana Torrini, sans titiller l'électronique. On a affaire à la version strip-tease. Sara Schiralli est nue. Ses chansons habillées d'un rien ; un bijou, un parfum. Un rien suffit. C'est du + bel effet. Même les notes deviennent abstraites, malgré les mélodies méticuleuses. Un disque ou un nuage, on ne sait pas.

La chanson-titre n'est que charme et désolation, rien d'autre que cet étrange duo, comme une rose sur un chant de bataille fumant. Un peu comme le couple raconté en deux bangs par Mazetti, improbable/inséparable. "

 

sara schiralli polaroid 

 

Lui : "Le grand point fort de ce disque, c'est que Sara Schiralli est très jolie. D'accord, sa voix aussi, même si la déplacer systématiquement sur le fil, c'est rasoir sur le long... L'album dure d'ailleurs un tout petit peu trop. Mais les coups de génie sont nombreux, c'est vrai. Les arrangements épurés, passés au tamis cent fois pour ne garder que l'or, font de "Roll the dice" ou le Harry Nilssonien "Incomplete" des moments de grâce qui posent leurs valises dans vos oreilles. Un peu comme l'héroïne qui s'installe chez " Le mec de la tombe d'à coté" : ça vient comme ça, on ne peut pas refuser."

 

 

La Bande Originale du Livre

 

Lui : "Les arrangements enfantins de "Bang Bang", ses petits violons qui descendent l'arc-en-ciel, son train-train dele mec de la tombe film sifflets, son incursion reggae mal aguerrie, donnent une dimension naïve à l'album. Un disque sans prétention que d'offrir les plaisirs façon Amélie Poulain. Une naïveté qui chevauche bien la construction "amicalement vôtre" du roman, ses altercations de perceptions femme/homme parfois un peu faciles.

J'aime la façon dont se livre se déculotte, mais le charme se rompt trop vite pour que je lise sa suite. Voir son adaptation filmique avec l'acteur de "Millenium" éventuellement (serait-ce leur seul acteur, en Suède ?) :

http://www.youtube.com/watch?v=03esIDHySms , mais la pièce de théâtre non merci.

Quant à la belle anglaise, curieux de découvrir comment elle défendra ce petit univers joueur sur scène en 2012."

 

Elle : "Si le disque incarne une bonne B.O.L. au roman, c'est parce qu'ils puisent tous deux leur profondeur dans le concept d'intimité. Au coeur du couple, jusque dans les tréfonds. L'auteure nous met le nez dans les pensées les + secrètes (être agacée par un mort), les sujets intimes (les menstruations, les irritations post-coïtales, le "frétillement des ovaires"), un certain réalisme (l'appréciation des corps imparfaits), le pourrissement de la passion.

Les chansons frileuses de Sara Schiralli, dépouillées, sont chantées au réveil, dans ses draps pleins de rêves. Tout ce petit monde funambule sur une corde sensible.

J'aime la façon culottée de la chanteuse de se mettre à nu ; espérons que le second album sera toujours sur les arêtes de la fragilité.

En outre il y a une suite au roman, "Le caveau de famille"... Avec ce couple mal assorti, là où il y a de la tombe, il y a de l'espoir ! "

 

 

 

Bang Bang :

http://www.youtube.com/watch?v=J8LfQtHm1XA

 

Roll the dice en prise live :

http://www.youtube.com/watch?v=TqSjB0XwBQo&feature=BFa&list=AVAYMcY2vx8GT9R6lD_vXPPU_-_YpCVx8E&lf=list_related

 

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 20:06

chuck palahniuk journalbeck the information

 

Note de concordance : 9/10

 

Foutons le bordel ! Voilà qui pourrait résumer l'un comme l'autre de ces deux invités. C'est même toute la carrière de Palahniuk, toute la discographie de Beck qui sont vouées à cette notion de désordre.

 

L'écrivain américain, qui extirpa de ses tripes "Fight club" dès son deuxième effort, pince la lettre là où ça fait mal. Provocateurs, ses héros antisociaux sont des bombes humaines à retardement qui explosent le système depuis l'intérieur.

Beck pourrait être un personnage de Palahniuk. Après avoir posé les bases solides d'une carrière indie-folk avec le tube "Loser", Beck Campbell (de son vrai nom) dynamita sa propre destinée en enchainant avec des albums funk princiers, ou purement songwriting, ou quasiment hip-hop. Pas loser pour autant, bien au contraire... Du psyché, du blues, de l'electro, du foutraque, tout ce qui passe entre ses mains, il en produit quelque chose. Je le soupçonne fortement de pouvoir tirer des sons intéressants d'un radiateur cassé. 

 

Pour "The information", son disque aux velléités hip-hop, Beck a opté pour la déstructuration, et comme toujours pour le bric, le broc et le collage. Le concept de recyclage vient aussi alimenter ce disque singulier à la production démente (Beck et le producteur légendaire Nigel Godrich y auraient pris quelques cheveux blancs). On reconnait donc des sons, des voix, des rythmiques réutilisés d'un morceau à l'autre, mais collés à l'envers, vernis au folk ou jetés de travers entre deux accords. Cela donne une cohérence, une atmosphère autarcique et insulaire au disque.

 

L'action de "Journal intime" se joue sur une île. On tourne en rond sur une île, et Misty n'échappe pas à la règle. Le style Palahniuk, punchy, répétitif, va prendre toute son panache pour décrire cette vie d'ennui en plein déraillement. Recyclage là encore, avec des mêmes débuts de phrases qui ponctuent chaque chapitre (dont le "Pour ton information, juste au cas où", qu'on associera par pur opportunisme à la BOL choisie). Redonner vie autrement à une phrase, une idée, un personnage... Les deux oeuvres se répondent dans un parfait jeu de ping-pong.

 

Chuck Palahniuk écrit avec des gants de boxe, sa plume bagarreuse impose un rythme forcené à ses rebelles tordus. Il caresse le fantastique dans le sens du drame. Ici tout commence par des pièces de maisons qui disparaissent. Une cuisine, un salon... envolés. Il trouvera bien une logique à cela, mais en attendant c'est Misty, peintre ratée qui paie les pots de peinture cassés : son mari dans le coma serait responsable de ces "disparitions". Cette serveuse quasi-veuve sent la pression monter, comme un complot. L'étrange duo fille/grand-mère semble vouloir la pousser à revenir à la palette, à peindre à tue-tête. Des messages cachés lui conseillent plutôt de fuir l'univers moribond de cette île bouffée par l'argent du tourisme.

 

Réflexion sur le statut d'artiste, sa nécessité, son pouvoir, "Journal intime" s'entache de quelques chapitres redondants au début, et s'entiche surtout d'une aura de mystère séduisante. Une fois lancée, la machine Palahniuk nous entraine dans un train dont il déboulonne les rails lui-même, à coup d'humour noir.

 

L'autre saboteur, Beck, a composé pour cet album des instrus hip-hop qu'il a gravés sur vinyles pour les faire scratcher par des DJ. Superpositions, re-superpositions ! De l'hyperposition, dirais-je, puisque je dois me positionner. Puis ces compositions hip-hop ont vu leurs frontières voler en éclats pop, leur beats à poil sur une guitare sèche comme un coup de trique. Le groove décolle, dévie, se crashe. Et reprend son envol. C'est le disque de tous les possibles.

 

Comme dans le roman du subversif Palahniuk, l'instabilité est constante. Tout peut basculer et on ne sait pas depuis quelle hauteur on va tomber.

 

L'auteur est membre de la Cacophony society, un mouvement aux limites de l'anarchie qui éveille les consciences à coup d'events. Une forme extrême d'art en somme. Souvent le "spectateur" est mis à contribution. Beck nous a lui offert la possibilité de créer la couverture de "The information", grâce à un kit de stickers hallucinés.

Voici mon hyperposition :

    beck enfin

 

Enfin n'allez pas croire que ces capharnaüms sont vains. Si la forme de ce livre et de ce disque prennent des tournures alambiquées, leur finalité, essentielle, a bien les pieds sur terre. Placer l'art au centre de la Cité. Rejoignez-moi ce joyeux foutoir, béoèlisez "Journal intime" jusqu'à son ultime pirouette casse-gueule en dernière page. Foutons le bordel !

 

Une petite douceur pour commencer :

http://www.youtube.com/watch?v=JhSycSt86fo&feature=related

 

De la destructuration :

http://www.youtube.com/watch?v=DGCwUoKWcxs&ob=av2e

 

Du hip-pop :

http://www.youtube.com/watch?v=S-QHWXFJTek&feature=related

 

 

 

 

 

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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 17:28

Stephen king DesolationREM New adventures

 

Note de concordance : 7/10

 

Je n'avais pas l'intention d'écrire sur cette Bande Originale de Livre aujourd'hui, ayant déjà fait une association entre Stephen King et R.E.M. il y a quelques mois (séance de rattrapage ici ). Mais voilà, triste actualité, fin de parcours pour le groupe de Michael Stipe. Après avoir été transporté par tant de sublimes chansons, je me devais de rendre hommage à cette noble retraite en revenant sur ce qui est mon album préféré du groupe. "New adventures in hi-fi".

 

Les bases de cet album ont été posées sur la route, en tournée. Inspirés des méthodes du petit groupe qui assurait leurs premières parties (un groupe qui a quelque peu grandi depuis, des dénommés Radiohead), ils ont enregistré en pleines répétitions pour leur concert, presque en conditions live, dans une certaine immédiateté.

En sont ressortis des riffs poussiéreux, des guitares sous tension, un rock plus profond que le jouissif et éclaboussant "Monster".

 

C'est sur la même route peut-être, mais au + loin des terres, que se situe "Désolation". Sur la Highway 50. Désolation est une ville minière aux allures de western fantôme. La vibrante et inquiétante "How the West was won and where it got us" est la bande son idéale pour traîner ses bottes dans ce décor désertique, alors que son piano se désarticule comme le destin désaccordé de quelques personnages coincés là. Stephen King signe une de ses meilleures entrées en matière, vive sans que l'action n'ait vraiment démarré, effrayante sans que l'horreur n'ait de nom ou de geste. En quelques mots dans le dialogue d'un couple en voiture et l'évocation d'un chat crucifié sur un panneau, toute la tension du roman est accumulée, toute l'attention du lecteur aussi. La sirène d'un gigantesque policier enfonce le clou. A coup de batte de baseball.

 

Cette sirène affolante, c'est la même qu'on entend tout au long de la magistrale "Leave", hallucinante virée qui trempe quelques mesures acoustiques dans un bain de métal hurlant, de riffs urgents, d'accords d'argent. Comme une injonction à fuir criée au malheureux couple. Trop tard, le Maniac Cop les traîne derrière les barreaux de cette ville passée sous un chalumeau de mort.

 

Les quelques rescapés des massacres perpétrés par le grand policier se cachent, d'un vieux cinéma aux recoins d'une mine où un mal ancestral ronge Désolation + ardemment que les tempêtes de sable. La guitare lourde de "Low desert", ses relents country, attaquent l'histoire de Stephen King par les mêmes rafales. Stressantes, alors qu'il faut se cacher du monstre qui cherche ses proies dans la ville abandonnée, les portes grincent, aussi grippées que les notes de "Undertow" balancées comme la carrosserie d'un camion.

 

Ne vous y trompez pas, "New adventures in hi-fi" n'est pas une amerloquerie rock lourdingue. Un feu d'artifice d'arrangements vient affiner chaque morceau. Des ballades nous font régulièrement souffler, une brise hawaïenne agite quelques palmiers, Patti Smith nous envoie un P.S. bouleversant... 

 

Ces titres moins brûlants ne couvrent pas si bien "Désolation" musicalement, mais offrent un relief harmonieux aux routes profondes de R.E.M. D'ailleurs ce disque, sommet d'inspiration, se trouve être largement supérieur au livre du King. En effet, dans ce contexte minier c'est un roman mineur, rehaussé de quelques suspenses réussis et d'images chocs qui imprègnent la rétine mentale. Le déroulé est toutefois si banal, qu'on pourra préférer le roman siamois de l'alter-ego kingien Richard Bachman, "Les régulateurs", beaucoup + culotté et innovant. Quand Stephen King change de peau, cela donne des résultats beaucoup + intéressants que lorsque c'est Tak, l'entité maléfique à la fois invisible et prévisible.

 

les régulateurs

 

Les mutations de R.E.M. ont pour leur part pris fin, selon toute vraisemblance. Michael Stipe fera-t-il le saut du solo ? Peter Buck formera-t-il un nouveau groupe ? Mike Mills jouera-t-il de la basse sur une île déserte ? Bill Berry sera-t-il à l'initiative d'une reformation, lui qui a quitté le quartet pendant les 90's ? Et surtout, surtout, la + exaltante des questions : reverra-t-on tout ce beau monde sur B.O.L. ? A cela je peux répondre : vue la glorieuse discographie de R.E.M., c'est certain.

Bon vent à ces messieurs qui nous ont apporté tant de plaisir...

 

 

Comment nous avons gagné l'ouest et où ça nous a perdu :

http://www.youtube.com/watch?v=9BC07l2_zKU

 

Fuyez ! :

http://www.youtube.com/watch?v=cZUmrpzmYCg

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14 septembre 2011 3 14 /09 /septembre /2011 18:39

Bourbon Street coverarmstrong duke

 

Note de concordance : 9/10

 

Quel meilleur guide pour La Nouvelle-Orléans que Louis Armstrong ? Philippe Charlot n'a pas trouvé et l'a donc choisi comme narrateur de son histoire.

Si le premier tome de "Bourbon Street" propose en téléchargement gratuit quelques jolis titres jazz, j'avais envie d'apposer une musique légendaire sur ces rues intemporelles, dans lesquelles je venais justement de m'oublier.

 

Enregistrée en deux jours magiques d'avril 1961, cette rencontre au sommet entre les deux plus grands jazzmen de l'époque (aussi improbable que si aujourd'hui Jay-Z et Kanye West avaient un projet ensemble, pour vous donner une idée !) a accouché de ce "Great summit" à l'élégance parfaite. Le mot "classe" a, d'après mes calculs, été inventé pendant cette session qui respire l'harmonie et la camaraderie.

 

Satchmo (de l'expression "such a mouth !") s'est tout naturellement glissé dans les compositions du Duke, donnant vie aux morceaux avec sa trompette, ou son timbre chaud comme les soirées de Louisiane. En toute humilité, le piano d'Ellington donne un peu de structure décomplexée à des partitions qui invitent une clarinette et un trombone espiègles à jouer avec eux (en fait il s'agit de l'orchestre d'Armstrong). Le swing jaillit, de partout. Inondation. On écope perpétuité.

Même les histoires d'amour contrariées scintillent sous une cool nostalgie. La trompette d'Armstrong sur "Mood indigo" pleure et rit à la fois...

 

Ce titre teinté de blues doit feuler dans la tête de Cornélius, l'un des héros de "Bourbon Street", même si ce trompettiste aux rides + profondes que les bayous est surtout traumatisé par "Angel eyes". Amour perdue, souvenirs coupables indélébiles, Cornélius traine sa misère d'une pompe à essence paumée jusqu'au parc Louis Armstrong de New-Orleans. Il est l'ultime pièce cornée d'un quatuor au projet fou : surfer sur la mode du Buena Vista Social Club et faire une tournée qui se rit de l'arthrite, qui se gosse de l'arthrose.

Mais Cornélius, en vieil alligator, préfère rester sous ses eaux noires...

 

BOURBON STREET 1 page               Bourbon street 2eme page

 

Evoluant dans des cases épicées sépia, à travers un verre de rhum ou par le prisme de l'éternel, les personnages sont l'âme de New-Orleans. Le quartier du Vieux-Carré est ici sublimé. Des dessins d'Alexis Chabert (et des couleurs mordorées de Sébastien Bouet) surgit de la musique, comme celle qui déborde des clubs de jazz le long de Bourbon Street.

Il est intéressant de comparer les dessins de Guarnido sur "Blacksad 4" (chroniqué sur B.O.L.), eux aussi influencés par les bouges de la Nouvelle-Orléans. Mais reprenons à l'angle, sur "Bourbon Street".

Points de vue détonants, compositions de pages étourdissantes, c'est du cinéma, en + intelligent ! La matière est épaisse, cuivrée, et le trait ambré juste assez tremblé pour évoquer les vapeurs alcooliques et les façades surannées du quartier français. Les cases scatent, les saccades de Louis Armstrong en vue.

 

Les impros de ce dernier sur "The great summit" ricochent joyeusement sur les paginations variées de Chabert ; un chat qui sauterait de fenêtres en fenêtres. La spontanéité est le coeur de ce disque ; l'improvisation est le noyau du jazz. Une maîtrise si pure de l'instrument que le musicien peut se consacrer au seul rythme et ouvrir les vannes de l'émotion. En cela aussi, les deux oeuvres se rejoignent. La première édition de "Bourbon Street" propose un cahier graphique préparatoire passionnant qui montre comment l'artiste se libère une fois son art en main.

Le disque comme le livre racontent l'alchimie qui fait flamber les jazzmen - on perçoit aussi la cohésion entre les auteurs de la BD, eux même musiciens - ceux qui mettent de l'âme au jam. Qui donnent des ailes aux notes. Qui donnent du rêve, même aux vieux messieurs.

 

 

Deux petits extraits, presque au hasard. Difficile de départager...

http://www.youtube.com/watch?v=Q-f4-IeNQ3c

 

http://www.youtube.com/watch?v=djv09UNjjSY

 

 

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 19:39

yoko amours en margejay-jay johanson

 

Note de concordance : 9,5/10

 

Chuuuuut...

Pas de bruit...

Dans un murmure, s'adresser à la narratrice. Ses oreilles souffrent et sifflent, aboient, aberrantes. Jay-Jay Johanson, tel un amant nocturne, l'a compris et susurre. Epure.

 

Yoko Ogawa me porte chance. Toujours un peu de grâce et de magie avec la japonaise. J'ai pris "Amours en marge" au hasard, au Salon du Livre de Genève, entouré de trois filles bien trop charmantes pour me concentrer sur un choix fondé. Puis je l'ai lu sous les nappes denses du cocon "Spellbound", qui s'ouvrait en même temps.

Je ne crois pas avoir connu meilleure concordance de B.O.L.

 

Couches de neige, couches de souvenirs, mémoire embaumée, musée enseveli de blanc... Et les silences, les non-dits, la pureté... Tous les thèmes de Yoko Ogawa se glissent dans les bras tendres du crooner suédois. La mélancolie ouatée de Johanson câline les alcôves émotionnelles d'une jeune femme, son parcours intime. Ses paroles laissent les mêmes traces de pas blanches que l'écrivaine...

 

L'anonyme héroïne abandonnée par son mari (les trompettes héritières de Miles Davis dans "An eternity" résumeraient cette partie de l'histoire...) suit une thérapie pour soigner son audition. Elle va dès lors tomber sous le charme de Y, un sténographe. Ou plutôt de ses mains qui glissent sur le papier délicat. Une relation en marge voit le jour, où la parole et l'écriture s'emmaillent aussi profondément que les sentiments.

Rapports oniriques enveloppés des morceaux de "Spellbound", que le Docteur Johanson a voulu presque acoustiques. Délestés de beats trip-hop ou de batifolages électroniques, la voix et les mots (l'intro "Driftwood"), les notes et les tessitures (les violons de "Blind", le tissu organique de la reprise "Suicide is painless"), ont tous leur importance. Comme chaque millimètre d'encre compte pour représenter une lettre, tout ce que livre l'artiste est essentiel.

 

Enfouis sous une couette de neige, la beauté nue et la poésie de l'invisible convolent.

 

Je ne veux pas en dire trop sur ces noces de flocons... ne pas fatiguer les oreilles, ni les yeux. On n'analyse pas l'état de grâce, on le vole.

 

Jay-Jay nature, seul :

http://www.youtube.com/watch?v=ALlL5S09jQg

 

Sans doute la chanson la moins représentative, mais un si beau clip :

http://www.youtube.com/watch?v=8TZRY7qU9k0

 

Des voiles de beautés :

http://www.youtube.com/watch?v=3HeIANJnCCI

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20 août 2011 6 20 /08 /août /2011 09:24

philippe delermDelerm live

 

Note de concordance : 6,5/10

 

Le hasard, je vous assure ! Le hasard ! Ah je vois à votre rictus que vous ne me croyez pas... Bon d'accord, j'avoue, cette Bande Originale de Livre est bien davantage dictée par la réunion de famille Delerm que par la cohérence entre les deux œuvres. Et pourtant, comme il parait que la nuit tous les chiens ne font pas des chats gris, j'aurais été chagrin de ne pas trouver des liens entre le livre du père et le disque du fils !

 

Mais quel disque choisir ? Je les ai tous écoutés en boucle, associés à des moments de vie - "Kensington Square" fut un album de chevet, "Les piqûres d'araignées" me renvoie en aller-simple au soleil, etc. La bande n'est plus vierge ! Reste ce "Favourite songs" cocasse, estomaquant live intégralement constitué de duos (ou + si affinités) que j'avais moins approfondi, malgré le prestige des invités. La lecture du papa en était l'occasion.

 

"Quelque chose en lui de Bartleby" parle d'un homme ordinaire qui veut le rester. Un de ces hommes simples qui ne souhaite ni briller, ni avoir son quart d'heure de célébrité wharolien. De banal il veut passer à banal. Ca lui va bien d'être lisse. C'est moins compliqué. Ca glisse mieux.

Seulement Arnold Spitzweg, comme tout le monde, a un talent ou une particularité : il ne s'ennuie jamais, sait s'émerveiller des petits détails, et écrit bien. Lorsqu'il découvre l'univers des blogs, il partage sa vision très personnelle de Paris sur internet. Et son blog buzze.

www.antiaction.com (le site existe vraiment... mais n'a rien à voir !!) touche les internautes. Les choses sont sur le point de changer...

Rester banal ?

 

La plupart des "favourite songs" collectées à La Cigale fin 2006 sont des reprises. Même s'il est malaisé de saupoudrer un roman de musique live (les applaudissements et les commentaires vous extirpent de la lecture assez abruptement), le choix des chansons de Vincent Delerm, lui-même un homme discret et charmant, se love dans l'histoire du blogueur non-affirmé. Sur son fil mélancomique, Vincent traverse son chemin de la chanson française, d'Anne Sylvestre à Benjamin Biolay en faisant un crochet chez ses potes du label Tôt ou Tard, et en se retenant à la tignasse de Souchon.

On entend régulièrement la jubilation dans la voix fragile du pianiste, lorsque son invité surprise arrive sur scène pour offrir à un public conquis des versions tendres, drôles, épurées et fraternelles de chansons que je qualifierais de la même façon que le timbre de Vincent Delerm (je vous laisse remonter le fil de la phrase, car je n'aime pas les répétitions dans un texte).

Parlons-en d'ailleurs de cette voix qui fait tant railler : Delerm a la voix du Grand-père Simpson ? Oui un peu. Mais il s'en sert de mieux en mieux. Et surtout, elle est l'empreinte de ses chansons ; je ne vois pas qui pourrait chanter mieux ces morceaux de vie en musique. Pas une grande voix, mais un cachet. 

 

En parlant de cachet, j'espère qu'il n'a pas eu à payer tous ces artistes ! Yves Simon, Philippe Katerine, Peter Von Poehl, George Moustaki, Jeanne Cherhal, Renaud, Valérie Lemercier... On sent trop de complicité entre eux pour y croire. De la joie, de l'émotion, de la décontraction ! Quand le demi-dieu Neil Hannon de The Divine Comedy vient faire l'effort de chanter en français, on l'entend même lancer un "shit !" d'avoir écorné une strophe de "Favourite song". Le pianiste s'interrompt, les sourires prennent le relais, mieux que des notes.

 

De nombreux titres marchent sur les mêmes plates bandes que le roman du père, mais celui qui vogue le mieux sur les errances de quartier de Philippe Delerm (enfin de son personnage, Arnold Spitzweg. Enfin c'est pareil, non ?) est forcément "Les gens qui doutent" repris avec Jeanne Cherhal et Albin de la Simone, splendide hommage d'Anne Sylvestre à ceux qui n'ont pas l'assurance aux dents blanches, aux sensibles qui s'ensablent dans leurs blessures, aux timides qui sourient même quand on les emmerde, à ceux qui n'osent ni ne posent.

J'aime à penser que Spitzweg, ce petit bonhomme intègre au regard absorbant, qui prône sur son blog la paresse et l'observation des brindilles de la vie, écoute en boucle cette chanson. Qu'il pense à son amour ratée adolescente sur ces quelques vers.

 

Léger comme les balades de l'écrivain.com de squares en squares (on croise dès la première page le square Carpeaux, cité par Delerm-fils dans l'album "Kensington Square" - Argghh, pour quelqu'un qui n'aime pas les répétitions !), "Quelque chose en lui de Bartleby" est un livre court et attachant sur l'anonymat.

Philippe Delerm colle ses vignettes collectionnées au fil des jours, des faits du monde faits de rien, des petits zooms sur les gestes qui trahissent les sentiments... Toute une palette de finesses transmise à son fils Vincent qui a dans les gènes et les mots la même acuité.

Quand le père feuillette les petites choses de la vie, le fils effeuille le quotidien.

 

p. delerm à Parisv delerm assis

 

Une spéciale dédicace aux membres du club FES :

http://www.youtube.com/watch?v=qM1XxVZH-I0

 

Vous n'alliez pas échapper à Biolay, faut pas rêver !

http://www.youtube.com/watch?v=vz28gyZqyV8

 

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7 août 2011 7 07 /08 /août /2011 11:39

   the american rome

 

Note de concordance : 8,5/10

 

C'est une sorte de western crépusculaire, dans un village des Abbruzes. Et le "cowboy" qu'a imaginé Martin Booth est un peu fatigué. Il veut prendre sa retraite. Qui d'autre qu'Ennio Morricone pour ambiancer un western spaghetti ? Et bien le producteur Danger Mouse (moitié de Gnarls Barkley) et Daniele Luppi, qui ont décidé de rendre hommage au maître de la B.O. à cheval.

 

Mais "The American" n'a rien à voir avec le Far West si ce n'est que le thème de la loyauté, la figure du hors-la-loi en phase de repentir, et la place prédominante des espaces naturels évoquent tout de même les vieux John Ford ou l'Homme sans nom. D'ailleurs, si George Clooney n'avait pas interprété Signor Farfalla (Monsieur Papillon) pour la caméra scrutatrice d'Anton Corbijn, on pourrait tout à fait l'imaginer sous les traits émaciés du grand Clint.

Paradoxalement, le héros n'est pas américain mais - on le suppose - anglais. Le titre original de ce roman est "A very private gentleman", et c'est le petit bijou filmique de Corbijn qui a donné son nom un peu absurde à cette traduction.

 

Quelle que soit sa nationalité, son visage, son identité, Signor Farfalla sait se faire oublier. Il maîtrise l'art de la disparition à merveille. Presque aussi bien que celui de fabriquer des armes calibrées pour les tueurs à gages. Artisan ou artiste, difficile de trancher ; en tout cas c'est le meilleur.

 

Un homme qui travaille de ses mains a le temps de se servir de sa tête. Un homme qui doit abandonner ses vies derrière lui, garde en lui ses lectures et ses émotions. Il a donc eu tout le loisir de réfléchir à son métier, à la mort, à l'Histoire. Ses réflexions philosophiques sont passionnantes, parfois de mauvaise foi, toujours argumentées. On est très proche de l'excellente BD "Le Tueur".

 

Il est très touchant de sentir cet homme froid, distant, calculateur, se laisser petit à petit émousser par les charmes parfumés de l'Italie profonde. D'une écriture succulente, Booth nous raconte un homme qui tombe amoureux de la vie. Et d'une femme peut-être aussi. Cultivé et épicurien malgré toutes ses précautions pour esquiver la vie, Farfalla succombe très doucement, très secrètement, à la dolce vita.

                              C'est

      sa dernière commande.

Dernière mission.

C'est résolu.

Si... 

 

Si l'on devait classer Danger Mouse (alias Brian Burton - ils sont trop forts ces BB !) dans la catégorie des artisans ou des artistes, on se frotterait au même embarras que pour notre héros. A la lisière... Il faut saluer ce talent pour s'entourer en toute humilité des artistes qui sublimeront ses créations (il n'en est pas à sa première collaboration).

Mais attention, si Luppi est moins célèbre, il est tout autant responsable des flagrances sixties de ces douze compositions et trois interludes. Ecoutez l'extrait de son précédent projet pour vous en convaincre.

 

Après une gestation de plusieurs années qui leur a permis de voir où leur chemin les menait, c'est dans un studio à Rome que les deux hommes se sont installés, en convoquant des étoiles du jazz italien, et des musiciens ayant collaboré avec Ennio Morricone (parmi lesquels Alessandro Alessandroni, son ami d'enfance qu'on entend siffler dans les films de Sergio Leone). Nait alors la musique d'un film qui existera seulement dans nos têtes.

 

rome - groupe

 

Mais ces morceaux voluptueux qui survolent les plaines sauvages ne seraient pas ce qu'ils sont sans un bon duel. Jack White vs Norah Jones. Improbable. Homérique. Trois balles chacun, toutes en plein cœur. En contrepoint de leurs poses naturelles, White se révèle déchirant (il accroche ses tripes sur les mesures de xylophone dans la magique "The rose with the broken neck") et Norah Jones chante depuis les sous-sols des octaves, donnant une profondeur désinvolte à sa partition ("Black" et sa basse qui emporte les violons aux quatre vents est résolument un chef d'œuvre). 

 

Lorsque les armes de ces deux invités ont parlé, des chœurs masculins roulent avec les tumbleweeds de poussière et les arpèges de guitares. Au cœur de ce tranquille tumulte, une jazz bass 59 étouffe ses notes et introduit un autre hommage, à Serge Gainsbourg cette fois. Au point qu'on croit entendre Jean-Claude Vannier (arrangeur de Gainsbourg en 1971) aux commandes de l'auroral "Her hollow ways" - de ses mélodies naît le sun.

 

On ne retrouve pas le grain de folie dont Morricone sait souvent faire preuve dans ses B.O. Le but de "Rome" n'est pas de dévisser les flacons de l'audace, cela laisserait s'évaporer l'essence du travail du compositeur italien. Danger Mouse et Luppi ont l'ambition de laisser un album classique, un sans-faute orchestral, une pièce qui résiste au temps. Comme une balle logée dans un arbre.

 

Orpheline de pellicule, cette bande originale a fini par trouver ses images...

En tant que B.O.L. de "The American", des titres comme "Theme of Rome" qui pleure d'être éternellement coincé entre le sixième et le septième ciel, ou "Season's trees", sommet d'harmonie, imprègnent les réflexions de Signor Farfalla. Dans les ruelles pavées de son village de montagne, j'entends l'écho bucolique de "Rome". Dans les canons qu'il façonne résonne le timbre métallique de Jack White. Dans ses regrets et ses espoirs, je sens les artères d'un cœur noir et serré comme un ristretto.

 

Black :

http://www.youtube.com/watch?v=l3yAx2uCoHs

 

White :

http://www.youtube.com/watch?v=Aws5PhAHfRw

 

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Un Livre Et Sa Musique

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