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14 avril 2019 7 14 /04 /avril /2019 08:39
"L'Île des chasseurs d'oiseaux" de Peter May / The Magnetic North "Orkney symphony"

Note de concordance : 10/10

 

Si le vent et la tourbe pouvaient enfanter, de leur union serait née cette fratrie : des mots et des sons qui jaillissent de la même écume, venant frapper les sombres rivages insulaires écossais.

 

Depuis le temps que je choisis des Bandes Originales de Livres, jamais un roman et un album ne se sont aussi bien entremêlés. Il ne s'agit plus de superposition mais de fusion. 

Certes "Orkney symphony" suit son propre récit, mais les chansons éthérées se cachent dans les mêmes brumes mystérieuses que "L'île des chasseurs d'oiseaux". Le projet du disque baigne dans le fantasmagorique : Gawain Erland Cooper, le leader de la formation The Magnetic North, a reçu une visite en rêve.

Si, ça se peut.

L'esprit de Betty Corrigall, une jeune femme d'Orkney Island qui s'est pendue au XIIIème siècle, lui a intimé de composer des musiques autour de son histoire. La force du rêve fut telle que Cooper est retourné sur l'île dont il est originaire, concrétisant ce projet fou en embarquant avec lui des artistes avertis, Simon Tong et Hannah Peel (s'appeler Madame Peel, déjà un bon présage).

 

Orkney Island fait face à l'Ecosse, tout à fait au nord du pays. Un tout petit peu plus bas, à l'ouest, les mêmes vents fouettent Lewis Island.

 

 

"L'Île des chasseurs d'oiseaux" de Peter May / The Magnetic North "Orkney symphony"
"L'Île des chasseurs d'oiseaux" de Peter May / The Magnetic North "Orkney symphony"

 

Comme des aimants, ces îles semblent rappeler leurs habitants à elles. Dans le roman de Peter May, l'inspecteur Fin McLeod retourne sur les terres de son enfance pour enquêter sur un meurtre. Le cœur n'y est pas : le pire vient de lui arriver, il a perdu son fils. Et les souvenirs qu'il a de Lewis sont tourmentés, désagréables. Mais le crime commis (tiens, par pendaison) ressemble trop à une de ses précédentes enquêtes pour qu'il ne soit pas sommé de faire les vérifications nécessaires. 

A peine les rives en vue, son passé remonte comme une sombre marée qui va venir provoquer le présent.

 

Avant d'écrire ce livre, Peter May a fait une longue saga policière située en Chine, une autre en France où il vivait alors. Comme si l'écossais patientait, laissait fermenter les histoires qui touchaient ses fibres les plus intimes… Alors dès les premières pages, l'atmosphère prend une dimension spectaculaire. L'aura de Lewis est palpable. La couleur et l'odeur de la tourbe sont omniprésentes, prégnantes. Les nuits sont fantomatiques, les jours brumeux. La faune est sauvage, la flore est sauvage, mais jamais autant que les habitants. Si on devait cacher un secret, il n'y aurait pas de meilleur endroit que cette terre isolée qui se tait, qui recouvre les traces du passé sous le granite et le basalte.

Les traditions y ont la vie dure. Chaque année quelques hommes et adolescents de l'île se rendent sur un îlot pour y perpétrer un massacre sur les gugas, des oiseaux locaux. Un rite de passage un peu plus bête et cruel que la moyenne des rites de passage.

 

C'est dans ce contexte que Fin va devoir enquêter, en évitant d'emmêler le fil de l'investigation et celui des souvenirs. A moins que tous les fils ne viennent du même tartan...

 

Peter May

Peter May

 

Des chœurs évanescents, des percussions tribales, un entrecroisement de vibraphones et de xylophones, des cordes, des arpèges de guitare,... il en faut des instruments pour exprimer la force des landes que foule Fin à la recherche du criminel, contre les bourrasques de souvenirs.

Inspirant parfois la menace latente ("Stromness"), la nostalgie vivace ("Rackwick"), la montée en intensité ("Bay of Skaill"), la musique de The Magnetic North croise le navire d'autres marins de ces mers froides : Sigur rós (dont on avait parlé ici pour seconder l'inspecteur Harry Hole). On retrouve aussi une superbe relecture de "Hi Life" de Syd Matters, dont la version originale utérine avait magnifié les silences de Yoko Ogawa sur ce même blog.

The Magnetic North tisse d'improbables liens entre plages instrumentales introspectives et grandes envolées romantiques où chants, cordes et percussions éclatent à l'unisson. Un peu comme un bijou celte, l'album réussit ce prodige de toujours paraître sensible et solide à la fois. L'eau et la rocaille. Le vent et la tourbe.

 

Conçu en grande partie sur place, parfois dans la maison même des parents du leader, le son de "Orkney symphony" a été façonné par la géographie de l'île, son histoire, ses habitants (une chorale locale a été montée).

 

 

C'est enrobé de cette musique spectrale que j'ai imaginé Fin McLeod tout au long de son périple. Un flic qui recroise son premier amour, les camarades d'antan. Et alternativement ce même personnage lorsqu'il était un gamin, vivant la rudesse de l'île, les rivalités de bandes, les 400 coups… Des images restent, comme celle de ce pneu de tracteur dévalant les courbes de l'île. Des sons remontent, comme cet inquiétant trombone qui surgit parfois, comme un signal marin ancestral, un avertissement du passé d'Orkney.

"L'île des chasseurs d'oiseaux" a la particularité d'être d'abord paru en traduction française, avant sa sortie dans son titre original : "The Blackhouse". Cette maison noire, c'est celle des secrets enfouis, des amnésies nécessaires.

Et si l'on creuse encore plus loin, le livre parle surtout du difficile passage du monde de l'enfance à celui des adultes, cette transition maudite où l'on doit choisir entre insouciance et liberté, renoncer à la naïveté. La tragique destinée de Betty Corrigall, précurseuse du 27 club, morte de trahison et de pression religieuse (enceinte d'un marin l'ayant abandonnée), est un condensé d'illusions perdues dans les eaux salées d'Ecosse. Parfaite cohérence des musiques que The Magnetic North lui a consacré, mêlant si bien innocence et menace, rêverie et fougue. L'eau et la rocaille. Le vent et la tourbe.

 

Cela va de soi, la trilogie entière de Peter May fonctionne parfaitement avec ce disque. Je n'irai plus jamais sur Lewis Island sans "Orkney symphony".

"L'Île des chasseurs d'oiseaux" de Peter May / The Magnetic North "Orkney symphony"
"L'Île des chasseurs d'oiseaux" de Peter May / The Magnetic North "Orkney symphony"

Plus encore qu'un documentaire retraçant la création de l'album, une immersion dans Orkney.

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27 février 2017 1 27 /02 /février /2017 09:39
Trilogie Calhoun de William G. Tapply / Grant-Lee Phillips "The Narrows"

Note de concordance : 7/10

 

Tout coule de source...

Que l'on parle de l'écriture de Tapply, des compositions de Grant-Lee Phillips, ou encore de la confluence de ces deux œuvres, tout glisse naturellement.

Ici pas de frime, pas de posture, pas de calcul. Que du plaisir. William G. Tapply était un passionné de pêche à la mouche, au point de signer plusieurs essais sur le sujet et surtout de systématiquement imaginer ses héros mordus de ce même hobby. Avant d'écrire les aventures de Stoney Calhoun, c'est sur une bonne vingtaine d'énigmes qu'il a mené l'avocat Brady Coyne,  pêcheur invétéré (une série non traduite, à un titre près).

 

Les prétentions de Calhoun doivent s'assimiler à quelque chose près à celles de son créateur : avoir une vie paisible et partager sa passion. Au cœur du Maine, il refait sa vie en tant que guide de pêche. Sa vie précédente ? Il n'en a pas de souvenir. Calhoun est amnésique. Cependant, des indices lui indiquent que son passé doit avoir quelque chose à voir avec la police, l'autorité, les services secrets ou autre joyeuseté dont il ne veut pas. Une cabane près de la rivière, un chien, quelques amis... les seules complications que Calhoun tolère sont les débuts d'une jolie histoire d'amour. Pour le reste, il ne demande qu'à se fondre dans le décor.

 

William G. Tapply

William G. Tapply

Son passé, lui, Grant-Lee Phillips, s'en souvient très bien : leader du groupe Grant-Lee Buffalo (et avant cela des moins marquants Shiva Burlesque), il a plié le monde à son rythme avec le tube international "Fuzzy", de la folk aux racines chamaniques amérindiennes. Quatre albums splendides précéderont une carrière solo plus discrète, plus indépendante ; je ne serais même pas étonné, tant cela me rappelle Stoney Calhoun, que le gars s'accorde aussi quelques virées de pêche à la mouche !

Trilogie Calhoun de William G. Tapply / Grant-Lee Phillips "The Narrows"

Grant-Lee Phillips a toujours chanté les éléments, ses chansons sentent la poussière, la terre mouillée, l'humus ou le sable rouge. Il a des origines Cherokee et est captivé par l'énergie de la terre, des ancêtres, par les histoires qui traversent les générations. Dans son huitième album solo, "The Narrows", le songwriter explore les fins fonds de l'Amérique, de son Amérique. Les récits du temps et de sa propre lignée. Il confronte le passé et le présent, l'appartenance à une terre et la soif de liberté, d'aventure. Voilà des thèmes qui traversent naturellement notre trilogie...

 

Le besoin de trouver la paix intérieure, magnifié par une poésie touchante, est sans doute le sujet phare de "The Narrows". Les guitares sont au diapason : elles filent, gracieuses, touchées par les vents de l'Arkansas, ceux qui font de Nashville le carrefour du blues. L'album a été enregistré dans le studio de Dan Auerbach (The Black Keys), terrain de jeu serein, entre matériel ancien et sophistiqué. L'avenir, écho des hiers.

 

Grant-Lee a déménagé de Californie pour l'Arkansas afin d'y retrouver les traces de sa famille. Cette quête très personnelle perle de chacun des morceaux, mélancoliques, contemplatifs, parfois un peu "ricains" (à écouter dans une grosse Mustang, mais sans pour autant quitter les back roads). Les émotions sont toujours associées à des lieux. Dans cette topographie des sentiments, la pluie du Tennessee lave les larmes, des ruisseaux débordent les souvenirs, la fougue de la jeunesse dévale les routes secondaires...

 

Le formidable avantage de retranscrire les expériences de Bandes Originales de Livres, c'est qu'en creusant un peu on met à jour les liens pressentis entre les œuvres, comme des fondations sous les pinceaux de l'archéologue. J'ignorais donc jusqu'à ce jour que "The Narrows" était un segment de rivière agité, "Mocassin Creek" un ruisseau et n'avais même pas remarqué que l'un des titres de l'album s'appelait "Just another river town".

D'omniprésents flots qui nous entraînent évidemment chez Tapply. Sa Nouvelle-Angleterre semble irriguée de toutes parts par des bras de mers ou des replis de rivières que Stoney Calhoun connaît comme sa pêche.

 

Dans sa première aventure "Dérive sanglante", le héros va retrouver un ami noyé dans d'étranges circonstances, lors d'une virée. Cela va réveiller en lui des réflexes insoupçonnés. La culpabilité de s'être laissé remplacer par son jeune collègue décédé n'explique pas entièrement sa volonté d'enquêter : Calhoun a un savoir-faire, il est méthodique, il sait instinctivement renifler les pistes.

Le plus intrigant est la visite plus ou moins régulière d'un homme en costume qui s'assure à chaque fois que Calhoun est toujours amnésique. Que se passerait-il sinon ?

 

C'est également lors d'une escapade, à "Casco Bay", que Calhoun découvre un cadavre calciné, dans sa deuxième aventure. Toujours tiraillé entre cette envie de routine plaisante et le besoin de résoudre une énigme, ce brave Stoney en devient très attachant. La simplicité à laquelle il aspire, si bien illustrée par la musique de Grant-Lee Phillips, est d'autant plus précieuse qu'elle se fragilise au contact des intrigues qui rôdent.

 

Dans "Dark Tiger", l'homme au costume prend davantage d'importance, comme si le passé de Calhoun devait à un moment ou un autre régurgiter. Cependant, on ne saura jamais avec certitude quels arcanes sont engloutis dans le cerveau de Calhoun. Tapply nous a quitté avant d'émerger ces secrets. En nous laissant face au même mur qu'un amnésique : une expérience en soi.

 

Les descriptions de la nature, pleines de tendresse et d'humilité, donnent à cette série une couleur vivace. On se prend à rêver d'une vie simple, à regarder les lumières étincelantes picoter les eaux, à arpenter des chemins quasi-vierges, à écouter les oiseaux, à humer les  ultimes brumes de la nuit.

Avoir choisi un personnage qui reprend tout à zéro, qui fait face à un enivrant horizon de choix,  est une belle intuition de la part de Tapply  : non seulement cela sublime pudiquement cette valeur sentencieuse qu'est la liberté, et surtout l'identification à Stoney opère en un quart de page. Et dieu sait pourtant si je me fous de la pêche ! Mais c'est imparable.. Il en va de même avec sa vie amoureuse qui semble toujours revenir au stade de la séduction, tandis qu'il flirte avec Kate, sa patronne dans la boutique de pêche. Lorsqu'en + Grant-Lee ensemence ses notes rustiques, cela met en effervescence les cénotes romantiques que nous avons tous dans le cœur.

 

Les ballades limpides moissonnées par le chanteur - auxquelles il mêle sa voix précise, son grain charnel - sont claires comme de l'eau de roche. Elles glissent sans heurts sur les romans joliment menés de William G. Tapply. Entre ces deux artisans du travail bien fait, une complicité simple comme bonjour s'est bâtie. Et au milieu coule une rivière.

 

Même pour les scènes d'action, Grant Lee a du répondant.

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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 18:39
Alan Bradley "Les étranges talents de Flavia de Luce" / Bruno Coulais "Microcosmos"

Note de concordance : 8,5/10

 

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

 

La petite chimiste Flavia de Luce ne me contredirait pas sur ce point. En appliquant ce précepte d'Antoine Lavoisier, j'ai donc recyclé une musique de film - dont chaque note avait été pensée pour des images bien précises - en Bande Originale de Livre. La redistribution des éprouvettes sonores dans mon petit laboratoire musico-littéraire, a donné au "Microcosmos" de Bruno Coulais un nouvel usage.

 

Le thème principal de "Microcosmos" est suspendu à un choeur d'enfants brumeux aux ruptures mélodiques enchanteresses. La dimension gothique de cette portée sera déclinée au fil arachnéen des morceaux, et va imprégner l'ambiance Famille Adamsienne des "Etranges talents de Flavia de Luce",.

Ca ne semble être un secret pour personne, Flavia est très largement inspirée de Mercredi, la fille de Gomez et Morticia Adams.

 

Alan Bradley "Les étranges talents de Flavia de Luce" / Bruno Coulais "Microcosmos"

A la différence de la gamine glaciale si parfaitement incarnée par Christina Ricci, Flavia n'a plus sa maman, n'a pas de frère mais deux soeurs avec qui elle s'entend comme l'huile se mélange à l'eau. Il faut dire qu'elle n'est pas commode la petite chimiste de 11 ans, rancunière, un vrai poison ! Plutôt que de s'amuser dans le jardin, elle préfère s'isoler dans les vapeurs de son labo ; plutôt que de coiffer sa poupée, elle intoxique le maquillage de sa soeur ; plutôt que lire des Harry Potter (ce qui serait bien anachronique, on est dans les années 50), elle va mener sa propre enquête lorsqu'un homme venu visiter son père est retrouvé mort dans le jardin de la demeure victorienne.

Un corbeau mort, des timbres mystérieux, le vol d'une tarte, de vieilles archives inaccessibles et les fameuses potions de Flavia de Luce feront mousser les aventures de cette détective en sandalettes (quatre sont déjà traduites, soit la moitié).

 

Alors, me direz-vous, une enquêtrice anglaise d'à peine 11 ans, est-ce bien raisonnable ? Non pas vraiment... le roman était d'ailleurs destiné à un public jeunesse avant d'être édité par 10-18 dans la collection Grands Détectives. Et bien que sympathique, c'est un peu le tube entre deux chaises que la chimiste évolue. Pas assez adulte pour prétendre à de l'action ou de la profondeur, pas assez enfantin car en carence de charme, de fantaisie.

 

Heureusement, la B.O.L. est là pour sauver in extremis les situations délicates : la magie qui peut parfois manquer au canadien Alan Bradley, distillons-la à partir de ces musiques inspirées par la nature !

Bruno Coulais a le don merveilleux de s'inspirer de son sujet pour en tirer l'essence et le mener vers autre chose - encore un alchimiste, en somme... Ainsi des bruits d'eau, d'ailes ou d'oiseaux vont naturellement tendre une toile de fond, ou + justement une toile d'araignée, aux compositions de "Microcosmos", comme un trompe-l'oeil sonore. Un trompe-l'oreille, en fait. Il ne s'agit pas pour autant seulement de bruitages ou d'imitations de sons, mais d'une réinterprétation poétique des bruits sécrétés par les mondes invisibles.

 

S'envole alors un orchestre entomologique, tous archets tendus.

 

 

Les carillons avancent à tâtons, comme on viole la pâleur poussiéreuse d'un lieu interdit, le genre de situations que connaît bien l'intrépide Flavia. Son espièglerie pince les mêmes cordes jouées par une veuve noire. Séductrices, les percussions vibrent à la manière des stridulations du grillon. Les stridences des violons initialement calées sur les bourdonnements du peuple de l'herbe accentuent les dangers de l'enquête de Flavia, rendent un peu + inquiétants les craquements de parquet de la bibliothèque, les grincements de portes de son manoir. Les lieux du roman n'en deviennent que + fantastiques, davantage qu'ils ne le sont décrits dans le roman. Les pièces gagnent en perspectives ; les odeurs se chargent d'humus ; les couleurs du danger s'intensifient. La lune hulule + lugubrement, la rosée est mieux irisée.

Ainsi insectes et investigatrice en herbe partagent ce précipité de notes qui gouttent à l'envi.

 

J'aurais aimé que Bradley ait lui-même davantage de matière à passer sur son bec bunsen et qu'il étoffe ses ambiances, cependant son attachante héroïne donne une jolie effervescence à cette écriture au PH un peu trop neutre. Mais allez savoir si la musique de "Microcosmos" n'aurait pas perdu en efficacité si les composés moléculaires du récit avaient déjà été remplis de féérie. Ici au moins, tandis que Bruno Coulais et Flavia de Luce observent la vie à travers un microscope, la liaison chimique est établie. Et la métamorphose expérimentée réussie.

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31 mai 2015 7 31 /05 /mai /2015 15:39
Fred Vargas "Temps glaciaires" / Yann Tiersen " ∞ "

Note de concordance : 8,5/10

 

Parce qu'on ne change pas une équipe qui gagne.

 

Parce que les rêveries vaporeuses de Yann Tiersen ont les mêmes couleurs que les inconséquences du commissaire Adamsberg.

 

Parce qu''ils pellettent les nuages.

 

Parce que les mystères crottés de Vargas s'épaississent mieux encore dans les larsens climatiques de  "    (Infinity)".

 

Parce que la complexité des arrangements côtoie la complexité de l'intrigue, ses suicides douteux, ses signes énigmatiques, ses secrets de famille boueux.

 

Parce qu'enregistré en partie en Islande, ce disque semble suivre le même itinéraire que les flics déboussolés de "Temps glaciaires".

 

Parce que le quatuor à cordes Amiina et la noblesse des instruments habillent les reconstitutions d'assemblées de la Révolution Française menées par l'inquiétant Robespierre.

 

Parce que "Ar maen bihan" et Adamsberg empruntent le même train de suspense.

 

Parce que les embruns de poésie nous fouettent de toute part.

 

Parce que le terroir gaélique du Breton se nourrit des mêmes obsessions que l'écrivaine ; que l'organique et le spirituel, le minéral et l'éthéré, forment une boucle, l'infini.

 

Parce qu'Adamsberg est un phare ; un repère malgré lui dont la lumière s'absente régulièrement, au point d'alternativement rassurer et affoler ceux qui comptent sur lui.

 

Parce qu'un disque quasi instrumental perturbe moins la lecture des dialogues délirants de Vargas.

 

Parce que comme l'auteure, Tiersen préfère fouiller et se perdre dans des strates vertigineuses que d'arriver à destination.

 

Parce que le commissaire ne sait pas stagner ni s'asseoir et que le musicien va jusqu'à travailler dans un van pour rester en mouvement.

 

Parce que l'intime et les grands espaces se tournent autour.

 

Parce que l'immémorial est l'invité d'honneur commun au roman et au disque.

 

Parce qu'on entend Yann Tiersen se dépatouiller avec tous ses puzzles de samples de la même manière que Jean-Baptiste Adamsberg avec ses petits bouts d'indices, sa pelote inextricable ; la même boucle d'infini...

 

Parce que la brume.

 

 

Yann Tiersen a donné ce concert chez lui à Ouessant, mais comment ne pas y voir une parenté avec l'île de Grimsey ?

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4 janvier 2015 7 04 /01 /janvier /2015 10:39
"Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams"

Note de concordance : 8/10

 

Fouiller la noirceur des failles et y faire rentrer la lumière. Capturer le soleil californien à l'heure où il faiblit, en faire une torche pour ses tunnels intimes.

L'air de rien, les contrastes californiens ont trusté cette expérience B.O.L.

 

En choisissant les canadiens de Timber Timbre pour m'attaquer au mythe de la saga Harry Bosch, j'ignorais que leur nouvel album avait été enregistré à Los Angeles, à Laurel Canyon. Soit à trois ou quatre palmiers de la maison sur pilotis du flic inventé par Michael Connelly.

Le genre de coïncidences qui me font adorer dégoter les Bandes Originales de Livres. Bien que le hasard ait ses limites : ce sont les ambiances polar, le saxophone alternativement ardent ou grisé, le mariage luxuriant entre les vibratos de guitares du far-west et les violons lumineux qui, à peine écoutés, m'ont convaincu qu'ils seraient dignes d'illustrer la lecture de cette enquête en pleine Cité des Anges. Cité qui, dans un jeu de miroir, avait fondu sur le travail habituellement + sombre et introspectif de Timber Timbre, le groupe de Taylor Kirk.

"Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams"

Alphabétiquement parlant, Timber Timbre arrive juste avant Tindersticks.

Stylistiquement parlant, Timber Timbre drague les mêmes univers que Tindersticks.

Qualitativement parlant, Timber Timbre se situe un peu après Tindersticks. Faut pas déconner non plus.

 

"Hot dreams" a pour moi vraiment trouvé tout son sens en tant que musique de livre. A écouter seul, ce cinquième disque est parfois nébuleux, déphasé, presque indigeste. En accompagnant la première aventure de l'inspecteur intransigeant Harry Bosch, les cuivres botoxés aux mélodies ourlées  tout comme les déraillements de synthé horrifiques s'appliquent au récit, tels des pièces de puzzle alambiquées.

 

Michael Connelly aussi est un amateur de puzzle. Ses intrigues complexes avancent indice après indice chèrement gagné. Dans "Les égouts de Los Angeles", l'indice initial est un doigt cassé post-mortem chez un cadavre retrouvé sur les hauteurs d'Hollywood, dans un tunnel. Un détail. De ceux que les flics négligent, surtout lorsqu'il s'agit d'un énième camé à l'aiguille encore perlante. Over.

Sauf que Harry Bosch est méticuleux à l'extrême, intransigeant, opiniâtre, et qu'il ne ferme pas le dossier. D'autant que le mort est un ancien du Viêtnam qui appartenait à la même division que lui : les rats de tunnel, chargés de fouiller les galeries de l'ennemi. Une expérience traumatisante qui réveille encore Bosch la nuit, que l'alcool ne suffit pas toujours à dissoudre.

 

Sympa comme une porte de prison turque, le tumultueux inspecteur va donc mener une enquête à l'ancienne (on est dans les années 90 : pas de portable, pas de Google, des experts scientifiques à leur place, ce qui en soit a déjà quelque chose d'exotique), reniflant les pistes, recoupant les infos les + infimes, creusant là où les autres n'ont même pas pensé à gratter. Un os fracturé, l'absence louche d'empreintes, un intrigant bijou de jade volé... Chercher des liens et faire la lumière.

(Petite parenthèse de syntaxe interactive à l'allitération douteuse. Si vous préférez comme transition "Bosch bêche", tapez 1. Pour "Bosch bosse", tapez 2. Si vous préférez "Bosch bûche", tapez 3. Enfin, pour l'archi-combo "Bosch bêche, bosse et bûche", tapez 4.)

 

Bref, la structure de l'enquête se construit sous nos yeux. Voilà du polar classique dans le sens le + noble du terme. L'écriture est sans fioritures et d'une redoutable efficacité, à l'image du héros. Avec son décor californien et ses bas-fonds glauques, on rejoint Ellroy, et l'indépendance du cabot Harry Bosch le rapproche des détectives privés glorifiés par Raymond Chandler ou Ross McDonald.

 

On pense inévitablement à Dirty Harry en suivant ce personnage froid, en constant conflit avec ses hiérarchies. Connelly doit forcément avoir eu Clint Eastwood à l'esprit en écrivant sa saga, même si sa description d'un séduisant quarantenaire châtain bouclé renvoie plutôt à Matthew McConaughey. Ces deux acteurs ont d'ailleurs joué dans des adaptations de romans de Connelly (respectivement "Créance de sang" et "La défense Lincoln"). Nonobstant, les livres viennent d'être transcrits en série et c'est l'acteur Titus Welliver qui a décroché le rôle du flic ambigu.

"Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams""Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams"
"Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams"

L'autre caractéristique de Bosch est d'être un passionné de jazz. Alors oui, il aurait été logique de choisir, au hasard, Sonny Rollins en background sonore. Timber Timbre n'en est pas moins légitime, d'abord parce que la langueur du saxo s'invite dans "Hot dreams", ensuite parce qu'une dimension cinématographique illumine la pop pastorale de Taylor Kirk.

Ainsi "Run from me" ou "Hot dreams" apportent la lascivité nostalgique des nuits solitaires de Harry Bosch. Romantique comme un Elvis Presley qui n'aurait pas inventé le rock'n'roll mais s'attellerait plutôt à l'enterrer.

 

Les démons du passé de notre héros, ses violines nausées militaires trouvent un noir écho dans les percussions finales de "Beat the drum slowly" qui mettent cette ballade spectrale inaugurale au pas. L'hommage fait, volontaire ou non, à "A reflection" de The Cure avec "The three sisters" (également le titre d'une rareté de Cure, quand j'y pense...) souffle des ténèbres grinçantes enfin lâchées sur le dernier titre, alors qu'elles rôdent tout au long du disque dans les synthés hantés, dans les somptueux choeurs climatiques, dans les arpèges d'un western crépusculaire. Parfait pour notre cowboy âpre rempli de colère, capable de défroquer ses collègues lorsqu'il s'énerve un peu.

Lynchienne et raffinée à la fois, la musique de Timber Timbre empreinte Mullholland drive pour rejoindre un vieux cimetière, longe les lettres HOLLYWOOD pour voir poindre le jour au-dessus de la ville.

 

Deux titres instrumentaux ont fait office de thèmes récurrents dans ma lecture : "Resurrection drive part II", et surtout la gifle "Curtains?!" (je vois des liens partout aujourd'hui, mais ce titre, comment ne pas penser une fois de + à Tindersticks ?), véritable B.O. de polar groovy. Viril comme l'inspecteur Bosch, tendu comme ses mâchoires, claquant comme ses dialogues, rythmé comme sa conduite ; s'il ne fallait garder qu'un titre pour représenter ce personnage, ce serait celui-ci et aucun autre. N'en déplaise à Coltrane.

 

En + le clip semble illustrer toute ma chronique... Merci les gars !

Lorsque j'entends ce titre et quelques autres de "Hot dreams", je suis irrémédiablement projeté dans les rues de Connelly, en planque avec Bosch. Aujourd'hui je me suis procuré les trois aventures suivantes du dur à cuire. Je continuerai d'écouter cet album exigeant en les lisant, ferai défiler mes propres pellicules saturées d'images et de sons, navigant entre les ombres les + opaques et les lumières brûlantes de Laurel Canyon.

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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 09:39
"Nager sans se mouiller de Carlos Salem" / Antonio Carlos Jobim "Stone Flower"

Note de concordance : 7,5/10

 

Le livre : tout commence dans un ascenseur. Un tueur à gage monte les étages, descend un homme.

Le disque : tout commence comme de la musique d'ascenseur. Un pianiste descend ses gammes, monte en puissance.

 

Et puis c'est le changement de décor. Prenez un drink, installez-vous. En bord de mer si possible, sur le sable. Car c'est là que Carlos Salem vous amène et que Tom Jobim vous accueille. N'oubliez pas les glaçons et, "Nager sans se mouiller" dans une main, un cocktail dans l'autre, "Stone flower" dans les oreilles (comme j'écris cet article !), laissez-vous aller.

 

Se laisser aller, décrocher, c'est précisément ce que Juanito Pérez Pérez aimerait. Allez, au moins le temps de longues vacances. Car Juanito gagne sa vie en en prenant. Des vies. Beaucoup ; et il a besoin d'une pause. Derrière le masque fréquentable il est Numéro Trois, tueur efficace et loyal dans une opaque organisation criminelle sans visages.

 

Donc ce quadra divorcé s'est programmé un mois de répit pour emmener ses enfants à la mer. Seulement voilà, une mission de dernière minute lui tombe dessus, vue la proximité géographique de l'opération. Oh, un meurtrounet, juste une dernière petite élimination avant le repos, juste une. Sauf que Juanito ne sait pas qui il va devoir tuer, qu'il se retrouve dans le même camping que son ex-femme, et surtout, que c'est un camp nudiste ! Pas facile de cacher un flingue quand on est à poil.

 

Face à l'humour et aux percées poétiques de Salem, il faut bien toute la décontraction de Tom Jobim, ses volutes brésiliennes, ses notes égrainées aux vents de plages. Tout dans "Stone flower" n'est que subtilité, une source bossa, un bain easy-listening qui laisse une impression de total lâcher-prise ; c'est une promenade dandyesque le long de Copacabana.

 

"Nager sans se mouiller de Carlos Salem" / Antonio Carlos Jobim "Stone Flower"

La bossa-nova de Jobim a la couleur du tequila sunrise, avec des nuances crépusculaires, des guitares rythmiques en contre-jour, les derniers rayons du soleil en guise de clavier et des cuivres qui chahutent comme des glaçons dans un verre. Tout est en suspension et s'harmonise par miracle... Gracile musique de chambre - une chambre ouverte avec terrasse sur le Corcovado. Et si le piano électrique, groggy, peut avoir pris un coup de vieux, des maracas ou une flûte futile, fût-elle flottante, viennent l'escorter pour mieux traverser les époques.

 

Et au-delà de ces percus relax pointe une lueur de mélancolie, voire sur quelques segments, de mystère. Ces brefs passages + tendus comme l'intro de "Sabia" font merveille à la lecture des pages de suspense du roman.

Pas étonnant que tout cela fonctionne : certains titres de "Stone flower" étaient initialement destinés à devenir la musique d'un film, "The Adventurers". Il y a de la B.O. dans l'air !

 

Et quand le chant rare et mal assuré d'Antonio Carlo Jobim s'élève, il semble singer la voix de ce pauvre Pérez Pérez qui se dépatouille mal de cette intrigue et enquille trop de verres pour essayer de diluer l'embrouille.

 

Qu'il est bon et amoral de voir ce tueur attachant ramer, psychoter en réalisant que c'est peut-être son ex-femme qu'il va devoir abattre, en se demandant si son ami d'enfance se trouve dans ce camping par hasard, ainsi qu'un juge et un flic tenaces, en s'inquiétant de savoir si, tout nus qu'ils soient, les gens qui l'entourent ne se cacheraient pas derrière les apparences de la même organisation que lui pour l'éliminer, expliquant ce trop-plein de coïncidences. Surtout, surtout, il panique à l'idée que son anatomie ne trahisse son enthousiasme à mater Yolanda, la jolie animatrice.

 

Salem s'amuse avec les codes du polar (ou plutôt les a laissé crever dans l'ascenseur du début pour mieux s'en dévêtir) et joue avec les rebondissements qui donnent le tournis, entre pâtés de sable et des tas de cibles, dans un rapport nudité/fausse identité peu crédible mais trop jouissif pour qu'on s'en plaigne. Le réalisme n'intéresse pas Salem, son iconoclasme a bien assez d'épaisseur !

 

 

"Nager sans se mouiller de Carlos Salem" / Antonio Carlos Jobim "Stone Flower"

Comme Jobim, l'écrivain espagnol ne semble jamais se prendre au sérieux et suis le fil fantaisiste de la décontraction, jusqu'à faire intervenir l'auteur italien Andréa Camilleri dans son propre rôle (effet qu'il réitérera avec Paco Ignacio Taïbo dans "Je reste roi d'Espagne").

 

Les vagues d'humour n'effacent pas pour autant les réflexions philosophiques (sur la prise de risque, le poids du père, l'honnêteté, la morale, les relations familiales) et déposent même sur le texte une poésie décalée, comme une éphémère offrande d'écume. Une écume mousseuse, sucrée par la musique intemporelle de Tom Jobim qui habille d'un élégant rien le destin incertain du tueur repenti.

Une nouvelle belle union de B.O.L. à laquelle il ne me reste plus qu'à porter un toast... Salud !

 

 

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17 juin 2014 2 17 /06 /juin /2014 10:39
"Zulu" de Caryl Férey / Zone libre "Faites vibrer la chair"

Note de concordance : 9/10

 

Je n'allais pas faire ma mauvaise tête. Puisque Caryl Férey, rockeur dans l'âme, lançait une piste musicale à son livre, je n'allais pas me clasher avec lui - d'autant qu'un écrivain qui nomme un de ses romans "La jambe gauche de Joe Strummer" a forcément bon goût. En effet, en préambule de "Zulu" l'auteur français cite Zone libre ; une proposition de Bande Originale de Livre qu'il a l'habitude de livrer dans la plupart de ses ouvrages, à la manière d'un Maxime Chattam. Je préfère traditionnellement relever personnellement le défi de trouver le bon disque qui collera au bon livre, mais le choix de Férey me semblait trop pertinent pour le snober.

 

Même si sont mentionnés au cours du récit Radiohead et "To bring you my love" de PJ Harvey, il semble vite évident que le romancier a sué sur sa copie en écoutant les guitares grinçantes de "Faites vibrer la chair", puisant une noire inspiration des notes qui saturaient son air. Zone libre est un projet de Serge Tessot-Gay, poigne à gratter de Noir Désir qui emmène Cyril Bilbeaud et Marc Sens sur un no man's land free-rock en pleine (ef)fusion. Radical, instrumental, ce premier album du collectif - avant de visiter + tard d'autres zones où jaillit le rap - explore les terres en friche, ce qui grouille entre le chaos et le naissant.

"Zulu" de Caryl Férey / Zone libre "Faites vibrer la chair"
"Zulu" de Caryl Férey / Zone libre "Faites vibrer la chair"

Les distorsions de guitares et le refus des limites (la batterie n'encadre pas, elle ouvre des brèches ici et là), les sons qui vibrent et qui implosent génèrent les dissonances. Parfait tiraillement pour un monde sans règles, celui que décrit l'écrivain-voyageur Caryl Férey dans "Zulu" ; une Afrique du Sud rongée de l'intérieur, mal cicatrisée, bouffée par la misère, la maladie, l'injustice, la corruption, la drogue, la rancune, le crime... Extrêmement bien documenté mais jamais lourd ni ennuyeux, "Zulu" n'est pas qu'une simple enquête, c'est aussi la radiographie d'un pays meurtri, boursouflé, à vif. Juste comme Neuman, le chef de la police criminelle de Cape Town. Un Noir. Cette personnalité emblématique dont la famille a été massacrée pendant l'Apartheid a pardonné, tel un fils de Mandela, et est devenu le meilleur flic de la ville en parfait complément avec Epkeen, bras droit borderline, chien fou instinctif à la vie privée dissolue.

 

Face au meurtre atroce d'une Blanche de bonne famille qui aurait consommé une mystérieuse drogue envahissant les townships, la pression est mise sur les enquêteurs. Entre les gangs ultra-violents, les politiciens gangrénés, les bars qui puent la came, et la magie noire proférée par une danseuse ensorcelante, les héros avancent en terrain miné.

 

Non content de livrer une enquête alambiquée et passionnante entraînée par des personnages denses (le parcours de Neuman, l'homme nouveau, est d'une puissance bouleversante) Caryl Férey profite de cette virée en enfer pour faire un constat de ce qu'est l'Afrique du Sud aujourd'hui, traumatisée par celle d'hier, au-delà des beaux symboles et des grands discours. Voir la vérité en face donne la nausée.

"Zulu" de Caryl Férey / Zone libre "Faites vibrer la chair"

La plume de Férey est encrée de colère, une écriture qu'on sent bouillir à 100° de rage. Ses mots, indignés. Devant la plaie béante Cape Town, on le serait à moins. Il y a des livres coups de poing ; celui-là est un lance-flammes, une machine à carboniser l'espoir. Les chapitres sont coupés à la machette avec un superbe sens de l'ellipse, la violence surgit autant sur la forme que sur le fond, et vous n'êtes pas prêts d'oublier le barbecue de cette plage tranquille où trois amis flics suivent une piste anodine.

 

La friction entre ce polar couvert de suie et les fulgurances bruitistes en roue libre de Teyssot-Gay génère des vibrations/implosions inquiétantes, organiques et métalliques. Alors la musique devient matière, comme un bloc solide de l'histoire, qu'on tord, qui grince, qui se plaint. Frissons d'acier. Parfois vrombit une guitare slide, pour un western aux portes de l'enfer. Puis des éléments indus dérangés viennent se frotter à l'action, à l'horreur, comme les bruits d'un monde qui en écrase un autre sans pitié : l'état de cette Afrique... Notre système.

 

Cette expérience B.O.L. est comme une bobine de film qui tremble, déraille et dont la pellicule finit par s'enflammer. Vibrations trop fortes. Le livre parle des laissés pour compte, des stigmates, des agonies qu'une guerre civile dégurgite, même des années après, du choc entre les peuples et du séisme interminable qui suit. Le disque de Zone libre s'inspire des mêmes violences du monde. Et la cohabitation grippée qui unit ce grand polar et ce disque difficile fracture les mêmes terres malsaines, le pays de l'Art noir.

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19 avril 2014 6 19 /04 /avril /2014 11:39
"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"

Note de concordance : 8,5/10

 

Afin de dégoter la Bande Originale de Livre la mieux adaptée aux "Apparences", j'ai fonctionné par mots-clefs sur sa quatrième de couverture, picorant quelques bouts de phrases qui me donneraient les teintes de ce polar sans trop découvrir l'intrigue. Symphonie paranoïaque - couple victime de la crise financière - la femme disparait - secrets - les eaux sombres du Missouri... Après de longues déambulations dans ma discothèque et de fructueuses réflexions, j'en suis arrivé à un disque que bizarrement je connaissais encore très mal, moite, complexe, rude et féminin. Celui qu'il fallait : l'un des chefs d'oeuvre de PJ Harvey, "To bring you my love".

 

Après deux premiers albums secs comme des coups de triques, PJ troque un son décharné contre une production moins furieuse et + épaisse. Si le squelette de riffs de guitares sales est toujours apparent et l'os marqué par le blues, la chair et le sang s'accrochent à ces morceaux gothiques qui se chargent de cordes ou d'orgues fiévreux. Polly Jean trempe ses accords dans le cambouis. Cela n'empêchera jamais ses chansons de viser des lumières, certes tourmentées, mais célestes.

 

La Femme, sous toutes ses formes, vierge ou putain, frondeuse ou blessée, habite ce disque jusque dans ces moindres recoins. Un hymne plausible à celle qui a disparu dans le roman de Gillian Flynn, Amy Dunne. Grande absente qui hante l'histoire d'autant qu'en parallèle au point de vue de son mari qui a retrouvé leur maison vide et pleine de sang, on suit le journal intime d'Amy. Ce récit fantôme suit le fil de la rencontre entre Nick et elle jusqu'aux tensions dues aux problèmes financiers qui plombent ce couple en apparence idéal. Jusqu'aux doutes, au quotidien terne teinté d'un sud glauque.

 

Les deux textes, la vie du mari complexe et son enquête un peu louche, face aux interrogations de l'attendrissante Amy, avancent en natation désynchronisée au point d'extraire de + en + de troubles du terrain sombre de ce duo.

 

"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"

Gillian Flynn, dont c'est le troisième roman, aime jouer avec les structures : elle casse son jouet à mi-chemin, apportant une nouvelle voix au roman pour mieux renverser le récit - et au passage le lecteur, victime principale de ce roman qui exploite toutes les nuances de noir du suspense.

Autre exercice passé haut-la-main, celui des styles différents d'un point de vue à l'autre, retranscrivant la fraîcheur d'Amy qui se fane peu à peu, et la chasse au trésor posthume du journaliste stoïque qui suit les indices que sa femme lui laisse à chaque anniversaire de mariage. Sauf qu'au cinquième... cherchez la femme...

"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"

Quand l'inquiétante guitare de la chanson-titre "To bring you my love" rampe entre les lignes de Gillian Flynn, le livre devient encore + nocturne, encore + vibrant. "Down by the water" jet chaud à la sensualité vaudou, vous pousse à l'abandon. La moiteur du disque s'insinue jusque dans l'intrigue vénéneuse du roman et en coagule le mystère. Que PJ susurre ou crie, l'homogénéité poisseuse de l'album est assurée, comme s'il baignait dans du liquide amniotique.

 

On découvre cet album complexe couche après couche, il se révèle différemment selon les flux que l'oreille emprunte, aussi déstabilisant que les jeux de pistes d'Amy. Aussi cohérent aussi. Et une fois conscient de tous les courants qui traversent cet album mythique, le bain a la dimension d'une révélation sacrée. Son écoute devient une expérience bouleversante, entre la conviction de savoir ce que c'est d'être une femme (presque mieux que Sardou en 1981) et qui est Dieu. Sans doute la même réponse, à vrai dire. 

"To bring you my love" est une longue prière charriée par un fleuve noir dont on ne sait si elle échouera dans la boue ou aux cieux. 

 

 

 

L'excellent David Fincher a craqué sur "Gone Girl" (le titre original pour "Les apparences") et s'est courageusement attaqué à l'adaptation cinématographique de ce puzzle romanesque qui sortira en octobre 2014. De quoi se réjouir, même si comme je le déplore toujours, les grands réalisateurs me lisent (si si, ça c'est certain !) sans forcément suivre mes conseils musicaux. Sans doute pour des problèmes de droits... C'que c'est agaçant parfois !

 

"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"
"Les apparences" de Gillian Flynn / PJ Harvey "To bring you my love"

Pourtant Ben Affleck se débattant dans les marasmes médiatico-judiciaires sur le blues décharné de PJ Harvey, ça collerait si bien ; d’une colle bien gluante... Tant pis, vivez plutôt l'expérience musico-littéraire, je vous assure que ça a de la gueule.

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25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 09:16

 

 

 

Note de concordance : 8/10

 

Tu en as soupé du polar. Du flic, du privé, de l'enquête. Tu as envie de nouveauté. De personnages percutants, de narration implosée.

Tu en as soupé du rock. Des accords attendus, rabattus, hérités du blues, des amplis saturés. Tu as envie de nouveauté. De guitares dopées, de rhythm'n'blues réinventé.

Alors bienvenue. Cette expérience B.O.L. est pour Toi.

 

Tu ouvres le deuxième thriller traduit de l'allemand Zoran Drvenkar (au préalable tu l'as trouvé tout seul car tu as eu peur de te mordre la langue en le réclamant au libraire). Tu constates qu'il semble aussi déstructuré que son prédécesseur "Sorry". Et tu te laisses bouffer par ce premier chapitre ravageur où "Le Voyageur", un tueur improvisé, profite d'une tempête de neige paralysant l'autoroute pour passer de voiture en voiture et étrangler 26 personnes. Comme ça, sur un coup de tête. Génialement choquant.

 

Puis tu passes de point de vue en point de vue : cinq amies qui profitent copieusement de leur adolescence, un mafieux impitoyable, des petites frappes amourachées, un mort sur sa chaise, etc. Big bang narratif. Tu te demandes bien quel est le lien entre toutes ces histoires sans rapport, et surtout si tu vas supporter cet exercice surprenant du roman entièrement écrit à la deuxième personne du singulier. Mais tout tiendra la route.

 

 

Ce "Tu", comme une lettre ouverte intime à chaque personnage, donne un rythme punchy à l'écriture. Tu penses aux saccades hachées cut de Chuck Palahniuk, et il te faut une musique qui dépote pour suivre le train. La locomotive "Lonely Boy" t'embarque à toute vapeur sur le septième album de The Black Keys, "El Camino" à nouveau produit par un Danger Mouse + discret que sur "Brothers" (déjà chroniqué ici) ; ses rythmiques pop, des bombes sixties, sont encore là, mais complètement au service du rock'n'crasse des américains Dan Auerbach et Pat Carney qui souhaitaient mettre la gomme dans leurs chansons à défendre ensuite sur scène.

 

D'entrée, le riff monstrueux qui semble se régénérer en cours de boucle te donne le tournis, à la manière du maelström cauchemardesque des cinq jeunes berlinoises. Les chansons twistent les unes avec les autres, comme si elles avaient été conçues dans le garage de répétition le + groovy de Nashville, copartagé par T-Model Ford et les Rolling Stones de "Miss you", sous-loué par la Stax.

"Toi" de Zoran Drvenkar / The Black Keys "El Camino"
"Toi" de Zoran Drvenkar / The Black Keys "El Camino"

Quand une guitare parle, tu l'écoutes. Chaque sonorité, chaque reverb', chaque note a été réfléchie pour donner du relief à la composition. "El Camino" est en 3D ! Une sous-couche de blues graisseux, une couche de rock bouseux, une dimension soul (celle qui manquait peut-être aux White Stripes, leurs grands rivaux). Tes tympans vont frétiller.

Les notes aigües narguent Jack White, les basses qui roulent amassent maousse. Les hand claps appellent le glam, les riffs sont droits dans leurs bottes ; pas de doute, on a affaire à un classique.

 

Faire du neuf avec du vieux, c'est un précepte qui relie le disque des Black Keys et le roman "Toi". Cette envie de faire d'un terreau archi-connu, une oeuvre originale, du jamais vu. Cela saute surtout aux yeux avec le travail de Zoran Drvenkar qui détourne tous les codes du tueur en série et de l'enquête. Un peu comme Hitchcock se gaussant de prendre à contre-pied tous les clichés du suspense dans la scène de l'avion de "La mort aux trousses", le romancier se fait un plaisir de buter sans pitié chaque poncif du genre : le tueur frappe irrégulièrement et sans dessein, aucun flic ne viendra enquêter, les héroïnes sont des filles délurées qui jouent avec le feu, la mort frappe aussi bêtement que dans la réalité, et tout est présenté dans un puzzle que l'Espace/Temps est venu disperser à sa guise, comme des douilles chez Tarantino.

 

La fougue tendue de "El Camino", ses rythmes haletants, son grain de folie, ses mélodies râpeuses rendent coup pour coup aux phrases assassines du roman, à l'action éprouvante qui canarde le récit.

 

L'utilisation du "Tu" apporte aussi une approche inédite. Mais tu te dis, "pourquoi ce procédé ?". Tu parcours encore ce thriller qui vire au road trip et tu te rends bien compte que cette technique, ce doigt accusateur, a un vrai but : t'impliquer + que jamais, te mettre dans la peau des personnages fouillés, intimement, puisque c'est à toi, de toi qu'on parle.

 

Au final, tu te prends deux bonnes baffes !

Le rock rude du duo te marque au fer rouge. La symbiose entre les Black Keys et le co-auteur Danger Mouse aboutit à ce paranormal paradoxe d'un son à deux faces : parfaitement crade et brouillon d'un côté, et complètement limpide de l'autre. Et les pièces équilibristes des Black Keys retombent toujours sur le tranchant.

Les émotions de "Toi" te colorent comme un hématome. Jusqu'au dernier élément du puzzle enfoncé à coup de poing.

Bien fait pour toi !

 

 

 

 

Une guitare slide magnifique qui te pince aux mêmes zones que Queens of the Stone Age :

Ce van évoque les tournées des Black Keys à l'époque des vaches maigres

Parce qu'en live, tu prends cher :

The White Stripes avaient dû laisser trainer cette partition dans un studio de Nashville

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14 août 2013 3 14 /08 /août /2013 16:20

 

Note de concordance : 8/10

 

Des fils d'immigrés italiens installés en France qui triturent leurs racines, réunis le temps d'une Bande Originale de Livre. Un hasard ? Pas tout à fait. "La commedia des ratés" envoyant son héros dans le sud de l'Italie, je cherchais avant tout un disque dans la langue de Mastroianni. Ainsi le (beau) souvenir en suspension de Fabio Viscogliosi me vint et je me procurai son deuxième album, "Fenomeno".

 

Un bon roman, c'est comme une recette de pâtes : la forme a toute son importance, il faut que la base soit bonne et il faut un équilibre savoureux entre les ingrédients. Grand auteur, Tonino Benacquista sait de quoi il parle concernant ces deux sujets.

"La commedia des ratés" de Tonino Benacquista / Fabio Viscogliosi "Fenomeno"

Ingrédients :

- Un anti-héros amer du nom d'Antonio

- Des racines italiennes

- Un ami d'enfance tout juste séché

- Des pieds de vignes de Sora fraîchement hérités

- Un vin bien dégueulasse, (pour pas dire du vinaigre, ça suffira)

- Des pissenlits, par la racine de préférence

- Une pincée de superstitions avec la bénédiction de Sant'Angello

- Des secrets bien macérés

- L'Eglise, découpée en lamelles

- Et pour consommer local, une mafia du terroir

 

Préparation :

Sortez Antonio de sa banlieue parisienne grisâtre et faites-le mariner dans sa terre natale où son vieil ami un peu collant lui a légué des terres viticoles avant de se faire liquider. Antonio ne voudrait pas lui aussi passer à la casserole, il sent bien que cette petite frappe de Dario avait un projet louche derrière les fagots en acquérant ces vignes. Mais il est naturellement attiré, absorbé par toute cette mélasse. Arrosez l'histoire de cette invendable piquette opaque, piquez la curiosité du lecteur qui se demandera où est la bonne affaire. Malaxez le héros qui va s'imprégner de sa propre Histoire, s'imbiber des secrets de Sora, reprendre sa couleur et son goût originaux. Laissez-le reposer dans la petite chapelle du village abandonnée sur ses terres et les explosions de saveurs vont remonter plus vite qu'il ne faut pour faire cul-sec. C'est alors que ses ennuis vont vraiment commencer, libérant tous les arômes d'un polar juteux, relevé et plein d'humour.

 

A cet alléchant menu il convenait d'ajouter une ambiance musicale de très bon goût. La langue charnelle de Fabio Viscogliosi, l'influence transalpine de ses compositions seraient idéales. Si cet artiste lyonnais (également dessinateur et écrivain) reprend du Lucio Battisti, le géant Nino Ferrer, et laisse s'insinuer quelques mélopées pop 70's de chanson italienne, sa musique n'en est pas moins à ranger parmi les bricoleurs indés aux contours anglo-saxons. Ses mélodies rêveuses, sur le fil détendu qui sépare légèreté et mélancolie, survolent les mêmes courants que Robert Wyatt ou les Beach Boys. Les harmonies escarpées du chanteur rappellent souvent celles du collectif Rome ("Cascade", "Jase" et ses violons doux comme un Moscato d'Asti), qu'on a croisé sur ce blog lors d'une association qui elle aussi fleurait bon l'arrabbiata. Lorsqu'il se fait crooner, voire rockeur, on pense a un Devendra Banhart romain qui partagerait le même culte pour Elvis.

L'épatante petite musique de chambre de Viscogliosi a quelque chose d'enfantin. A quoi cela est-il dû ? Aux sons d'orgues naïfs, au xylophone qui colore les notes en suspension, à cette enthousiasmante batterie de poche qui donne du pep's aux chansons, au format court de ces charmantes vignettes ? Sans doute toute cette panoplie combinée. Pour autant, cette musique ne se roule pas dans l'herbe et ne grimpe pas aux arbres ; elle sent le deux-pièces encombré, la cuisine et le formica.

 

Alors vous allez me dire, en quoi cette dernière description évoque "La commedia des ratés" ? En quoi ce disque entoure-t-il si bien les mots parfumés de Benacquista ? C'est justement ce point de vue français sur l'Italie de leurs parents qui scelle les deux oeuvres. Le coeur du roman parle de déracinement, d'un jeune homme qui subit son père, qui n'a ni but affirmé ni histoire, tant qu'il renie ses origines. La musique de Viscogliosi, c'est l'Italie dans une boule de verre, la nostalgie de l'enfance. Et la nostalgie est souvent + belle que les événements - une vie en réalité augmentée, douce comme un film de Frank Capra (un autre fils d'émigrés). Fabio Viscogliosi a perdu ses parents dans de dramatiques circonstances, lors de l'incendie du tunnel du Mont Blanc et je ne pense pas que le fait de chanter dans sa langue maternelle soit anodin. Ni qu'il compare son travail à celui d'un ouvrier en quête du geste parfait (une leçon paternelle). Ni qu'une chanson titrée "Nostalgia" vienne amuser l'album, entre sieste et excitation.

Fabio Viscogliosi devant ce qu'on dirait être la "rue la plus longue" d'Antonio.

Fabio Viscogliosi devant ce qu'on dirait être la "rue la plus longue" d'Antonio.

Les atmosphères de "Fenomeno", comme un soleil accroché dans les branches d'arbres, oscillent entre apaisement, mélancolie et fantasme. De quoi éclairer les états d'âme d'Antonio, ce jeune homme nulle part à sa place qui va trouver à Sora le moyen de devenir à la fois homme d'affaires et homme à abattre.

 

Concevant lui-même ses pochettes, Viscogliosi se représente sous les traits d'un âne, un animal attachant, une figure qu'on ne saurait classer parmi les idiots ou les petits malins. C'est exactement le genre de personnages qu'on croise dans le roman de Benacquista. Avec une plume chargée d'images (presque trop exotique dans les premières pages, comme si l'excitation de parler rital avait fait gicler précocement trop d'encre), des fulgurances stylistiques d'une justesse exemplaire (sa lettre ouverte aux banlieues, ses hymnes aux pâtes...) et un subtil tissage des branches du récit, il écrit un roman original parfaitement équilibré qui prend de petites routes inattendues dont chaque virage étonne, plein d'amour pour la terre de ses aïeuls.

"La commedia des ratés" de Tonino Benacquista / Fabio Viscogliosi "Fenomeno"
"La commedia des ratés" de Tonino Benacquista / Fabio Viscogliosi "Fenomeno"

Petite parenthèse : c'est peut-être ce lien si intime qui a manqué à Olivier Berlion, dessinateur qui a lui aussi grandi à Lyon, en adaptant "La commedia des ratés" en bande dessinée (à lire également avec "Fenomeno" !). Si l'album en deux tomes est extrêmement fidèle et réussi, il lui manque ce petit supplément d'amaretto. Ce Passé clandestin. Etre déraciné, ça se vit. Etre déraciné, c'est avoir un trou dans son destin. Les deux artistes dont les feuillages se touchent aujourd'hui semblent suivre cette même quête passionnante des pièces manquantes...

 

 

 

 

Ceux qui suivent B.O.L. et sont attentifs remarqueront que la magistrale reprise de Lucio Battisti "Il nostro caro Angelo" a déjà servi un autre livre, "Bar 2000" au sein d'une compilation. Ce doit être l'apanage des grandes chansons que de briller en toutes circonstances...

 

Et en bonus, une chouette vidéo dont la musique est composée par Fabio Viscogliosi, dans son + pur style épuré et planant : Cailloux

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