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4 janvier 2015 7 04 /01 /janvier /2015 10:39
"Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams"

Note de concordance : 8/10

 

Fouiller la noirceur des failles et y faire rentrer la lumière. Capturer le soleil californien à l'heure où il faiblit, en faire une torche pour ses tunnels intimes.

L'air de rien, les contrastes californiens ont trusté cette expérience B.O.L.

 

En choisissant les canadiens de Timber Timbre pour m'attaquer au mythe de la saga Harry Bosch, j'ignorais que leur nouvel album avait été enregistré à Los Angeles, à Laurel Canyon. Soit à trois ou quatre palmiers de la maison sur pilotis du flic inventé par Michael Connelly.

Le genre de coïncidences qui me font adorer dégoter les Bandes Originales de Livres. Bien que le hasard ait ses limites : ce sont les ambiances polar, le saxophone alternativement ardent ou grisé, le mariage luxuriant entre les vibratos de guitares du far-west et les violons lumineux qui, à peine écoutés, m'ont convaincu qu'ils seraient dignes d'illustrer la lecture de cette enquête en pleine Cité des Anges. Cité qui, dans un jeu de miroir, avait fondu sur le travail habituellement + sombre et introspectif de Timber Timbre, le groupe de Taylor Kirk.

"Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams"

Alphabétiquement parlant, Timber Timbre arrive juste avant Tindersticks.

Stylistiquement parlant, Timber Timbre drague les mêmes univers que Tindersticks.

Qualitativement parlant, Timber Timbre se situe un peu après Tindersticks. Faut pas déconner non plus.

 

"Hot dreams" a pour moi vraiment trouvé tout son sens en tant que musique de livre. A écouter seul, ce cinquième disque est parfois nébuleux, déphasé, presque indigeste. En accompagnant la première aventure de l'inspecteur intransigeant Harry Bosch, les cuivres botoxés aux mélodies ourlées  tout comme les déraillements de synthé horrifiques s'appliquent au récit, tels des pièces de puzzle alambiquées.

 

Michael Connelly aussi est un amateur de puzzle. Ses intrigues complexes avancent indice après indice chèrement gagné. Dans "Les égouts de Los Angeles", l'indice initial est un doigt cassé post-mortem chez un cadavre retrouvé sur les hauteurs d'Hollywood, dans un tunnel. Un détail. De ceux que les flics négligent, surtout lorsqu'il s'agit d'un énième camé à l'aiguille encore perlante. Over.

Sauf que Harry Bosch est méticuleux à l'extrême, intransigeant, opiniâtre, et qu'il ne ferme pas le dossier. D'autant que le mort est un ancien du Viêtnam qui appartenait à la même division que lui : les rats de tunnel, chargés de fouiller les galeries de l'ennemi. Une expérience traumatisante qui réveille encore Bosch la nuit, que l'alcool ne suffit pas toujours à dissoudre.

 

Sympa comme une porte de prison turque, le tumultueux inspecteur va donc mener une enquête à l'ancienne (on est dans les années 90 : pas de portable, pas de Google, des experts scientifiques à leur place, ce qui en soit a déjà quelque chose d'exotique), reniflant les pistes, recoupant les infos les + infimes, creusant là où les autres n'ont même pas pensé à gratter. Un os fracturé, l'absence louche d'empreintes, un intrigant bijou de jade volé... Chercher des liens et faire la lumière.

(Petite parenthèse de syntaxe interactive à l'allitération douteuse. Si vous préférez comme transition "Bosch bêche", tapez 1. Pour "Bosch bosse", tapez 2. Si vous préférez "Bosch bûche", tapez 3. Enfin, pour l'archi-combo "Bosch bêche, bosse et bûche", tapez 4.)

 

Bref, la structure de l'enquête se construit sous nos yeux. Voilà du polar classique dans le sens le + noble du terme. L'écriture est sans fioritures et d'une redoutable efficacité, à l'image du héros. Avec son décor californien et ses bas-fonds glauques, on rejoint Ellroy, et l'indépendance du cabot Harry Bosch le rapproche des détectives privés glorifiés par Raymond Chandler ou Ross McDonald.

 

On pense inévitablement à Dirty Harry en suivant ce personnage froid, en constant conflit avec ses hiérarchies. Connelly doit forcément avoir eu Clint Eastwood à l'esprit en écrivant sa saga, même si sa description d'un séduisant quarantenaire châtain bouclé renvoie plutôt à Matthew McConaughey. Ces deux acteurs ont d'ailleurs joué dans des adaptations de romans de Connelly (respectivement "Créance de sang" et "La défense Lincoln"). Nonobstant, les livres viennent d'être transcrits en série et c'est l'acteur Titus Welliver qui a décroché le rôle du flic ambigu.

"Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams""Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams"
"Les égouts de Los Angeles" de Michael Connelly / Timber Timbre "Hot dreams"

L'autre caractéristique de Bosch est d'être un passionné de jazz. Alors oui, il aurait été logique de choisir, au hasard, Sonny Rollins en background sonore. Timber Timbre n'en est pas moins légitime, d'abord parce que la langueur du saxo s'invite dans "Hot dreams", ensuite parce qu'une dimension cinématographique illumine la pop pastorale de Taylor Kirk.

Ainsi "Run from me" ou "Hot dreams" apportent la lascivité nostalgique des nuits solitaires de Harry Bosch. Romantique comme un Elvis Presley qui n'aurait pas inventé le rock'n'roll mais s'attellerait plutôt à l'enterrer.

 

Les démons du passé de notre héros, ses violines nausées militaires trouvent un noir écho dans les percussions finales de "Beat the drum slowly" qui mettent cette ballade spectrale inaugurale au pas. L'hommage fait, volontaire ou non, à "A reflection" de The Cure avec "The three sisters" (également le titre d'une rareté de Cure, quand j'y pense...) souffle des ténèbres grinçantes enfin lâchées sur le dernier titre, alors qu'elles rôdent tout au long du disque dans les synthés hantés, dans les somptueux choeurs climatiques, dans les arpèges d'un western crépusculaire. Parfait pour notre cowboy âpre rempli de colère, capable de défroquer ses collègues lorsqu'il s'énerve un peu.

Lynchienne et raffinée à la fois, la musique de Timber Timbre empreinte Mullholland drive pour rejoindre un vieux cimetière, longe les lettres HOLLYWOOD pour voir poindre le jour au-dessus de la ville.

 

Deux titres instrumentaux ont fait office de thèmes récurrents dans ma lecture : "Resurrection drive part II", et surtout la gifle "Curtains?!" (je vois des liens partout aujourd'hui, mais ce titre, comment ne pas penser une fois de + à Tindersticks ?), véritable B.O. de polar groovy. Viril comme l'inspecteur Bosch, tendu comme ses mâchoires, claquant comme ses dialogues, rythmé comme sa conduite ; s'il ne fallait garder qu'un titre pour représenter ce personnage, ce serait celui-ci et aucun autre. N'en déplaise à Coltrane.

 

En + le clip semble illustrer toute ma chronique... Merci les gars !

Lorsque j'entends ce titre et quelques autres de "Hot dreams", je suis irrémédiablement projeté dans les rues de Connelly, en planque avec Bosch. Aujourd'hui je me suis procuré les trois aventures suivantes du dur à cuire. Je continuerai d'écouter cet album exigeant en les lisant, ferai défiler mes propres pellicules saturées d'images et de sons, navigant entre les ombres les + opaques et les lumières brûlantes de Laurel Canyon.

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