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25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 09:16

 

 

 

Note de concordance : 8/10

 

Tu en as soupé du polar. Du flic, du privé, de l'enquête. Tu as envie de nouveauté. De personnages percutants, de narration implosée.

Tu en as soupé du rock. Des accords attendus, rabattus, hérités du blues, des amplis saturés. Tu as envie de nouveauté. De guitares dopées, de rhythm'n'blues réinventé.

Alors bienvenue. Cette expérience B.O.L. est pour Toi.

 

Tu ouvres le deuxième thriller traduit de l'allemand Zoran Drvenkar (au préalable tu l'as trouvé tout seul car tu as eu peur de te mordre la langue en le réclamant au libraire). Tu constates qu'il semble aussi déstructuré que son prédécesseur "Sorry". Et tu te laisses bouffer par ce premier chapitre ravageur où "Le Voyageur", un tueur improvisé, profite d'une tempête de neige paralysant l'autoroute pour passer de voiture en voiture et étrangler 26 personnes. Comme ça, sur un coup de tête. Génialement choquant.

 

Puis tu passes de point de vue en point de vue : cinq amies qui profitent copieusement de leur adolescence, un mafieux impitoyable, des petites frappes amourachées, un mort sur sa chaise, etc. Big bang narratif. Tu te demandes bien quel est le lien entre toutes ces histoires sans rapport, et surtout si tu vas supporter cet exercice surprenant du roman entièrement écrit à la deuxième personne du singulier. Mais tout tiendra la route.

 

 

Ce "Tu", comme une lettre ouverte intime à chaque personnage, donne un rythme punchy à l'écriture. Tu penses aux saccades hachées cut de Chuck Palahniuk, et il te faut une musique qui dépote pour suivre le train. La locomotive "Lonely Boy" t'embarque à toute vapeur sur le septième album de The Black Keys, "El Camino" à nouveau produit par un Danger Mouse + discret que sur "Brothers" (déjà chroniqué ici) ; ses rythmiques pop, des bombes sixties, sont encore là, mais complètement au service du rock'n'crasse des américains Dan Auerbach et Pat Carney qui souhaitaient mettre la gomme dans leurs chansons à défendre ensuite sur scène.

 

D'entrée, le riff monstrueux qui semble se régénérer en cours de boucle te donne le tournis, à la manière du maelström cauchemardesque des cinq jeunes berlinoises. Les chansons twistent les unes avec les autres, comme si elles avaient été conçues dans le garage de répétition le + groovy de Nashville, copartagé par T-Model Ford et les Rolling Stones de "Miss you", sous-loué par la Stax.

"Toi" de Zoran Drvenkar / The Black Keys "El Camino"
"Toi" de Zoran Drvenkar / The Black Keys "El Camino"

Quand une guitare parle, tu l'écoutes. Chaque sonorité, chaque reverb', chaque note a été réfléchie pour donner du relief à la composition. "El Camino" est en 3D ! Une sous-couche de blues graisseux, une couche de rock bouseux, une dimension soul (celle qui manquait peut-être aux White Stripes, leurs grands rivaux). Tes tympans vont frétiller.

Les notes aigües narguent Jack White, les basses qui roulent amassent maousse. Les hand claps appellent le glam, les riffs sont droits dans leurs bottes ; pas de doute, on a affaire à un classique.

 

Faire du neuf avec du vieux, c'est un précepte qui relie le disque des Black Keys et le roman "Toi". Cette envie de faire d'un terreau archi-connu, une oeuvre originale, du jamais vu. Cela saute surtout aux yeux avec le travail de Zoran Drvenkar qui détourne tous les codes du tueur en série et de l'enquête. Un peu comme Hitchcock se gaussant de prendre à contre-pied tous les clichés du suspense dans la scène de l'avion de "La mort aux trousses", le romancier se fait un plaisir de buter sans pitié chaque poncif du genre : le tueur frappe irrégulièrement et sans dessein, aucun flic ne viendra enquêter, les héroïnes sont des filles délurées qui jouent avec le feu, la mort frappe aussi bêtement que dans la réalité, et tout est présenté dans un puzzle que l'Espace/Temps est venu disperser à sa guise, comme des douilles chez Tarantino.

 

La fougue tendue de "El Camino", ses rythmes haletants, son grain de folie, ses mélodies râpeuses rendent coup pour coup aux phrases assassines du roman, à l'action éprouvante qui canarde le récit.

 

L'utilisation du "Tu" apporte aussi une approche inédite. Mais tu te dis, "pourquoi ce procédé ?". Tu parcours encore ce thriller qui vire au road trip et tu te rends bien compte que cette technique, ce doigt accusateur, a un vrai but : t'impliquer + que jamais, te mettre dans la peau des personnages fouillés, intimement, puisque c'est à toi, de toi qu'on parle.

 

Au final, tu te prends deux bonnes baffes !

Le rock rude du duo te marque au fer rouge. La symbiose entre les Black Keys et le co-auteur Danger Mouse aboutit à ce paranormal paradoxe d'un son à deux faces : parfaitement crade et brouillon d'un côté, et complètement limpide de l'autre. Et les pièces équilibristes des Black Keys retombent toujours sur le tranchant.

Les émotions de "Toi" te colorent comme un hématome. Jusqu'au dernier élément du puzzle enfoncé à coup de poing.

Bien fait pour toi !

 

 

 

 

Une guitare slide magnifique qui te pince aux mêmes zones que Queens of the Stone Age :

Ce van évoque les tournées des Black Keys à l'époque des vaches maigres

Parce qu'en live, tu prends cher :

The White Stripes avaient dû laisser trainer cette partition dans un studio de Nashville

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