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23 octobre 2012 2 23 /10 /octobre /2012 12:39

vie sexuelle superhérosthe xx 

 

Note de concordance : 9/10

 

Le corps et l'esprit.

C'est un être de chair et de sentiments qui naît de l'union des oeuvres qui convolent aujourd'hui.

 

"La vie sexuelle des super-héros" s'attache donc à des corps. Mais pas des corps communs ; ceux dotés de super-pouvoirs, celui élastique de Red Richards (vous savez, le leader malabar des Quatre Fantastiques), celui métamorphe de Mystique, les muscles mis à nu de Batman ou le corps ubiquiste d'une super-anonyme.

Marco Mancassola plonge dans la vie amoureuse de ces mythes effondrés, démaqués, banalisés, télé-réalitisés, tout en échafaudant un grand complot, fil conducteur du roman, qui vise à éliminer ces gloires du passé, ces héros rangés des toitures, les capes et les collants au placard. A moins qu'un tueur en série s'acharne sur nos idoles adolescentes ? "Adieu cher Batman" : c'est le message que reçoit le narcissique Bruce Wayne sur un carton blanc. Ca va faire mal...

On pense forcément à "Watchmen" et au "Dark Knight returns" vieillissant de la BD de Frank Miller, mais la vision contemporaine et européenne (l'auteur est italien) posent une chape de désespérance post 11 septembre encore + trouble sur le monde des super-héros américains. 

 

Nés dans les cendres en suspension des années 2000, The XX a offert une voie, deux voix, trois voiles de beauté épurée sur la pop de notre époque. Avec un minimum d'effets, une économie de notes stratège qui espace les strates acoustiques de manière subtile, le trio londonien a redéfini la new-wave, l'indé et l'electro. Depuis le trip-hop, on n'avait sans doute pas célébré la naissance d'un genre musical. Et même si les nouveaux genres semblent condamnés au mélange et au recyclage, innover au sein du ventre mou de la pop reste un exploit. Etrange d'ailleurs que les magazines britons ne se soient pas engouffrés dans le grand débat du baptême stylistique : nu-wave ! Pure-pop ! Trip-cold ! No-rock ! Sans doute est-ce parce que la musique de The XX flotte dans les airs, inatteignable, indéfinie comme leur patronyme. Un groupe né sous X.

 

the xx le groupe

 

Il y a une dimension spirituelle dans "Coexist" , un deuxième album qui absorbe le silence au coeur de sa composition. La voix est souvent à nu, dans la même intimité que les super-héros du roman. Les notes sont rares, sélectionnées grain après grain par trois sages. L'ascèse musicale des XX tourne autour de quelques riffs de guitare planants, d'une comète de ballets synthétiques, d'une batterie satellite capable de s'effacer et de réapparaître à tout moment tel un système lunaire, et d'une basse terrienne, pragmatique, retenant sporadiquement les mélodies par le bout de la nuit.

 

mancassolaC'est aussi en cela que le livre et le disque gravitent bien ensemble, aux heures classées X. "Coexist" est un album nocturne, invoquant les nuits solitaires d'amoureux transits, tant que la transe des boîtes à rythmes des dancefloors cotonneux. Marco Mancassola aurait pu se gorger des lumières de "Sunset" pour ainsi éclairer ses héros d'un rai pourpre crépusculaire. Il peint à la gouache une atmosphère de dépérissement. Fin de journée, fin des illusions, fin des corps, fin de civilisation.

Il nous met dans de sales draps, dans l'intimité quasiment gênante de personnalités déphasées à la sexualité souvent douloureuse. Au pieu avec un Batman bisexuel qui ne joue plus de ses poings mais de ceux de ses partenaires pas si pacifistes, fuck ! Devant le miroir de Mystique, face à ses caresses sur des organes transsexuels, fantasmant sur le flic chargé de l'enquête. Chez le sexologue de l'Homme élastique quand il avoue qu'à propos de la longueur de sa virilité, un petit soupçon l'habite.

 

Assurée par un membre du groupe, Jamie Smith, la production, nue, impudique, touche aux mêmes sphères de frustrations et de jouissances. "Angels" surplombe le monde et sue des mêmes gouttes précieuses qui perlent du sauna à baie vitrée de Red Richards, tout en haut d'un gratte-ciel. Les rêves érotiques de ce dernier s'élèvent et s'interrompent comme les premiers morceaux de "Coexist". Sans haillons ni paillettes, l'extatique mélancolie de "Tides" sillonne les replis d'une couette encore chaude de l'amour. La moiteur tropicale de "Reunion" recouvre ces corps fascinants, changeants, mutants, affamés, affaiblis. Le son de The XX, c'est le flottement de notre époque, ses tentations, ses hésitations, ses divagations, son adaptation. Le groupe distille les mélodies pour en retenir la seule essence, le parfum du Beau au sens baudelairien du terme.

Ces chansons et ce texte... la matière des sentiments.

 

Les descriptions sensationnelles de "La vie sexuelle des super-héros" sont d'une justesse magnifique et emballées dans un style classieux délectable. Seul problème : je vous conseille de démissionner ou de vous faire virer pour avoir le temps de lire ce livre qui paraît long, très long, (élastique ?) tant l'auteur se confond avec son univers. Ce rythme gluant est toutefois pertinent, collant aux doutes de personnages vieillissants, tranchant avec leur gloire patinée par le cynisme. Mais on parle quand même de Superman, Namor, La Chose ou Mr Fantastic et on aimerait parfois voir l'intrigue enfiler la cape et s'envoler. Si l'ambiance et le mystère s'épaissiront le long de l'histoire, l'action bandera mou, sachez-le. Le sujet est bien la sexualité complexe de corps ambivalents, métaphore de notre monde au destin tiraillé comme le corps de Red Richards entre déchéance et mutation. Un monde où les stars sont de + en + creuses et éphémères et qui se passera peut-être bientôt d'idoles. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Y aurait-il précisément ce même questionnement sur l'avenir de notre civilisation dans la prière finale d'Elaine, la petite amie astronaute de L'Homme élastique : "Ne tombe pas. Ne tombe pas." ?

 

Après tout le super-héros est christique, un mythe condamné à subir une vie amoureuse contrariée, voire maudite. Toujours entre deux mondes (humanité/animalité, humanité/divinité, humanité/monstruosité ou humanité/nature extraterrestre), il ne trouve jamais sa place affective car il n'est pas entier.

Double.

Séparé.

Ctrl X X, coupés/décollés.

Nous retrouvons là le grand thème du chromosome XX de "Coexist" : l'éloignement, la séparation des êtres qui avaient fusionné, la tentative de réunion dans les poussières spatiales d'une prière.

Je lis en musique. Ceci est mon sort : cette B.O.L. est une hostie, une miraculeuse communion.

 

En parlant d'anges déchus... :

Angels

 

En parlant de crépuscule... :

Reunion et Sunset, live on KCRW 

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21 septembre 2012 5 21 /09 /septembre /2012 08:39

 

Note de concordance : 7/10

 

 

Virginia-Woolf-Phare.jpgBelle & Seb - Fold 

 

   

Alors là on a un problème. Ca ne colle pas. Je ne parle pas du livre et de sa bande originale, mais de la chronologie. Ma chronologie.

J'ai lu ce "poème philosophique" dans le cadre de mes études, et le quatrième album de Belle & Sebastian est sorti en juin 2000... date à laquelle j'avais digéré mes années universitaires depuis un moment ! Pourtant quand je pense à l'un, je pense à l'autre, invariablement. Nom de Zeus, je ne vais pas m'éterniser sur ce paradoxe temporel qui me donne le tournis, j'ai peut-être relu "Vers le phare" un après-midi d'oisiveté ou pressenti la concordance à venir avec ce disque en écoutant une oeuvre antérieure du groupe écossais. Quoi qu'il en soit, trêve d'honnêteté zélée, scellé en moi "Fold your hands child, you walk like a peasant" demeure la B.O.L. subtile du roman de Virginia Woolf, une épatante pop de poche fragile, délicat écho au petit monde sensible de l'écrivaine.

 

Le livre ne se concentre pas sur une intrigue forte mais sur la psychologie des personnages, sur les imbrications de la pensée, comment celle-ci se construit. Par petites touches, d'une tête à l'autre, on suit le fil des tracas nouant les membres d'une famille. Les morceaux tout en finesse de Belle & Sebastian vont nourrir ces schémas de leur palette pastelle. Les enjeux du livre - pourra-t-on faire cette promenade à l'autre bout de l'île qui réjouirait tant James, le cadet de la famille ? L'artiste et amie Lily Briscoe parviendra-t-elle à finir son tableau ? - ne sont donc que de piètres prétextes dont on a bien du mal à s'intéresser, il faut bien l'admettre. Les songeries de Mrs Ramsay et des occupants de sa maison de vacances sont un moyen pour Virginia Woolf de réaliser au moins trois choses : 

- Libérer sa plume en état de grâce et laisser le ressac de sa poésie bercer un phrasé fluide et entraînant. Tout cela au service de la psychologie des personnages.

- Eclater les frontières du roman et inventer une nouvelle forme narrative et d'analyse de la pensée. En se glissant naturellement d'un personnage à l'autre, en peignant des caractères et des vies par petits coups de pinceaux subjectifs, elle emprunte les méthodes de l'impressionnisme et les adapte à la littérature.

- Réaliser un roman secrètement autobiographique, les Ramsay et leurs problèmes de communication évoquant immanquablement ses parents, la peintre en quête de perfection faisant écho à ses propres ambitions.

 

Virginia-Woolf.jpg

 

Le découpage d'une oeuvre n'est pas laissé au hasard par les artistes. Si Belle & Seb travaille très clairement un disque comme un 33 tours à deux faces, "Vers le phare" est lui divisé en trois parties : la première dépeint pensées et relations familiales lors de l''attente d'une éventuelle promenade si le le temps le permet, la deuxième constitue une ellipse de plusieurs années et fait l'état des lieux de la maison à l'abandon érodée par le temps et le sel de l'Île de Skye, la troisième la promenade au phare dix ans plus tard mais sans Mrs Ramsey décédée ni son fils Andrew mort à la guerre. A ce dramatique événement, il m'est impossible de ne pas lier le titre inaugurant le disque des Belle & Sebastian "I fought in a war". Le chanteur-leader Stuart Murdoch sait lui aussi se glisser dans la peau d'un autre, en l'occurrence celle d'un tout jeune homme sur le champ de bataille contre son gré, forcé à tuer des gamins aussi pétrifiés que lui... cela sur une mélodie chère à canons.

 

La chanson suivante, pièce montée aux structures de clavecin, s'appelle "The Model", véritable thème de Lily Briscoe, l'artiste à la recherche d'une vision, du sens de l'art.

 

Belle & Seb

 

Moins tyrannisé par les desseins arrimés de Stuart Murdoch, cet album voit ses membres s'exprimer + démocratiquement que jamais, ouvrant le groupe à des influences plurielles. On a longtemps vu Belle & Sebastian comme une gentille troupe de scouts, mais leur leader est + autoritaire qu'il n'y paraît, et cette démarche nouvellement assumée a vraiment contribué à la mutation de la formation. Les douces compositions pastorales habituelles vont cohabiter avec la northern soul ("The wrong girl", "Don't leave the light on baby", "Nice day for a sulk") ou la folk sombre chatouillant les moustaches de Lee Hazlewood ("Beyond the sunrise"). Une section de cordes donne du souffle aux mélodies brillantes de l'album. Chaloupé, chaleureux, chatoyant, cha-cha-cha (cha suffit, je m'égare), la musique des écossais profite de ces nouveaux points de vue. Et moi j'en profite pour glisser un parallèle avec les points de vue de chaque personnage agencés de même par Virginia Woolf dans son roman !

 

Belle & Seb-Stuart

 

La force, la particularité de Stuart Murdoch est de plaquer à de naïves mélopées des textes pouvant grouiller d'une effroyable noirceur. "The Chalet lines" respire l'amourette mélancolique... elle parle d'un viol dans un camp de vacances. Avec d'ailleurs dans le texte des changements de narrateurs nous ramenant au drame de Woolf.

Je vous parlais de l'importance du découpage dans une oeuvre: si l'écrivaine prend le soin d'écrire une deuxième partie d'un point de vue objectif, hors de l'esprit de ses personnages, c'est bel et bien pour signifier les reculs nécessaires pour finaliser une oeuvre. Ce recul dont Lily Briscoe aura besoin pour enfin avoir sa vision, la clef de son tableau. "Vers le phare" parle essentiellement de création, d'inachèvement. Virginia Woolf affirme que le symbole du phare, c'est "rien". Précisément ! Il symbolise nos frustrations, nos incapacités à remplir nos manques, à être comblés. Nos carapaces vides. Et l'inconstance des choses de la vie, comme une lumière intermittente.

 

Outre que l'ambiance intemporelle, printanière et précieuse du disque de Belle & Seb est le parfait vent du nord qui traverse le roman, il se trouve que la course absurde au bonheur et les frustrations cruelles qui en constituent l'horizon, sont les thèmes profonds logés dans les paroles astucieusement pointillées par nos chouchous écossais.

 

Finalement il y a peut-être une logique à ce décalage dans le temps entre ma lecture et la découverte de "Fold your hands child...". "Vers le phare" parle du fugace intemporel, de l'éternel éphémère... Les mots de Virginia Woolf ont dû rester en suspend dans ma mémoire, flotter en attendant l'instant parfait qui leur permettrait de s'accorder à leur petite musique. Un temps soit peu...

 

Quand Belle & Sebastian parle d'art :

The Model

 

Quand Belle & Sebastian boude :

Nice day for a sulk

 

 

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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 19:39

 

Note de concordance : 6.5/10

 

 

John Fante - Mon Chien Stupidetindersticks - the something rain

 

 

Combler le vide. C'est l'histoire de tout être humain depuis qu'il a quitté son Paradis perdu : le ventre de sa mère. C'est aussi l'histoire de ces deux oeuvres qui se tournent subtilement autour et s'interpénètrent sporadiquement.

 

Pour ce 9ème album du groupe mené par Stuart A. Staples, le titre même de l'album, "The something rain", évoque la nature profonde de la créativité artistique : combler les trous, donc... Staples explique que le mot "something" placé là symbolise le tâtonnement de l'inspiration pendant la composition, la doublure-lumière provisoire pendant les répétitions avant l'arrivée du terme finalement élu.

Les anglais avaient un but, un son, un vent de liberté en tête à retranscrire sur ce disque : cet objectif à atteindre, ces failles magnifiques à compléter, les Tindersticks les ont sublimés.

 

Groupe le plus classe de tous les temps (n'y voyez-là aucune subjectivité, c'est empirique !), les membres du groupe fuient la facilité comme si la routine était une pluie toxique dissolvant l'inventivité. Les violons, la musique de chambre, la pop orchestrale qui ont fait leur gloire : des gammes trop simples, des poches sans trous, des formules aux charmes mathématiques. Nous on en redemande, mais eux se dopent aux plaisirs de l'inédit. De flashbacks soul ("Simple pleasures") en transitions illuminées par le jazz ("Falling down a mountain"), les Tindersticks ont finalement façonné cette pièce-maîtresse de leur oeuvre. Flamboyant, culotté, habité, "The something rain" superpose les couches irisées d'indie, de free-jazz, de soul, de boucles morriconiennes... Les strates mélodiques fusionnent sous les migrations gracieuses d'un miracle nébuleux. Ils tentent, osent... De la boîte à rythme, de l'écho sur le chant si exalté de Staples, une rythmique tropicale, un solo de saxo sexy, du talk-over and over and over... Avides d'expériences comme mille vierges en furie, rien ne leur résiste. 

 

Henry Molise - une version vermeille du personnage culte Bandini - a beaucoup raté : sa vie professionnelle, sa vie de couple, son rôle de père, et même sa route : il doit régulièrement appeler sa femme depuis une cabine téléphonique pour le ramener chez lui, à deux blocs de là. Romancier raté roulant dans une vieille Porche défoncée (si les créateurs de l'excitante série Californication ne se sont pas inspirés de lui, j'arrête les points d'exclamation en fin de parenthèses !), Henry a quant à lui cédé à la facilité, contrebalance des Tindersticks - miroir aux alloués au talent. Notre loser se paluche du scénario hollywoodien... dans ses meilleurs jours ! Quand les contrats veulent bien tomber... Pour ce qui est de faire un bon roman, la graine ne prend pas. Chez lui on ne sème peut-être pas assez...

 

L'adoption d'un chien errant à la queue particulièrement remuante va ébranler un peu + sa famille, à une étincelle de l'implosion. Une épouse raciste, quatre enfants irresponsables, irrespectueux, irritants, y retrouver sa place n'est pas évident. Cocon en décomposition, le noyau familial se désolidarise, les chambres se vident une par une. Henry voudrait prendre la pièce de sa fille qui convole en camping-car, mais elle lui refuse ce privilège. Chambre inoccupée... L'absurde incapacité à combler les vides...

Baptisé Stupide, le nouveau chien lubrique d'Henry, bouche ces trous béants que sont les défaites de l'écrivain (et bien d'autres !). Il occupe le terrain, se frotte à son gendre, se tape le voisinage canin. Il domine. Il remplace.

 

En aspergeant "Mon chien Stupide" d'un ton humoristique, John Fante peut se permettre de laisser son style direct, frontal, aborder des sujets mélancoliques. Les échecs, les revanches pathétiques, la douloureuse prise d'indépendance des progénitures, l'ingratitude, la désagrégation des liens, le linceul qu'on dépose sur les rêves... Tout cela dans un pataugement drôle et absurde, comme un enfant qui saute dans une flaque.

 

La musique de Tindersticks a certes des accents de tristesse. Mais le groupe l'expliquait il y a quelques années, la subtile exagération du spleen est une forme d'humour anthracite aux entrées en trompe-l'oeil d'un groupe + amusant qu'il y parait. Si la musique enchaine des notes désenchantées, les paroles appellent parfois la drôlerie. Exemple on ne peut guère + flagrant, le long monologue de "Chocolate" contant sur 9 minutes comment un type solitaire rencontre et emballe une femme troublante... et au moment de conclure se retrouve avec un pénis sous son nez.

Ce même rapport humour/drame que John Fante, mais dans un miroir, un deal entre la forme et le fond. Les couleurs de ces oeuvres sont identiques et inversées comme celles d'un négatif.

 

tindersticks miroir

 

En mettant en relief la nature moins ironique et + désabusée du roman, "The something rain" et ses morceaux toxiques, magnétiques, ses patchworks de saxo, font donc un contrepoint remué au livre de l'américain qui a inspiré Bukowski et Kerouac. C'est un album en mouvement, en voyage. L'alter-ego de Fante s'essaie vaguement à être un type bien, puisqu'il ne parvient pas à concrétiser son projet de repartir vivre à Rome. Cette B.O.L. sonne comme ses rêves en perdition.  

Le silence est un vide que je comble avec un quelque chose musical en attelage ; plaisante expérience que de lire et d'entendre tout ce petit monde enraciné dans les nuages. 

 

 

 

Une vidéo de "Medicine" tournée dans l'écrin d'inspiration de Stuart Staples, son studio dans la Creuse, Le Chien Chanceux :

http://www.youtube.com/watch?v=5v1eFVOj4is

 

Sans doute le titre le + délié de l'album, "Frozen" :

http://www.youtube.com/watch?v=KEd0BbunCQU 

 

 

 

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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 19:08

le mec de la tombebang bang

 

Note de concordance : 7,5/10

 

Le livre

 

Elle : "Le ton emprunté par Katarina Mazetti est léger, les mots ont des ailes. Ils posent pourtant une question bien sérieuse, ils osent aborder un sujet tabou dans la grande demeure de l'Amour : un gouffre social entre deux personnes qui s'aiment est à priori fatal si l'on veut bien une seconde être réaliste, et chasser de notre coeur les petits oiseaux d'Hollywood qui ont tendance à faire leur nid dans nos membranes les + sensibles. Les histoires d'amour finissent pâles, en général.

Mazetti nous attire avec de gros sucres d'orges et nous tape avec. Son écriture imagée, ses comparaisons irrésistibles vont finalement servir la neurasthénie morne d'un amour mort-né."

 

Lui : "Elle démarre bien cette histoire de deux suédois qui, à force de se croiser au cimetière pour déplorer leur solitude sans vraiment pleurer leurs morts, vont tomber amoureux. Plutôt "mordant", comme on lit sur la moitié des étiquettes coups de coeurs de tous les libraires du monde.

Et cet affrontement de points de vue - un chapitre par narrateur, égalité du temps de parole, une parité assez primaire - rythme le livre, et devient une vraie usine à ressorts comiques. Mais l'usine se met un peu en grève, la gravité rattrape l'histoire, et l'incompatibilité entre Désirée, bibliothécaire citadine certifiée, et cet agriculteur qui croule sous les tâches sera le sujet envahissant du livre. Elle aime sortir, il doit s'occuper des vaches. Elle est à fleur de peau, il est à fleur de pis. L'amour est dans l'après ?

Un peu terne finalement ce constat d'amour impossible. La lecture prend un peu le goût des boulettes fadasses de Benny."

 

 

Le disque

 

Elle : "La plus belle empreinte de "Bang Bang" c'est sa voix. Filet fragile qui pourrait s'interrompre à la moindre secousse. Les dernières gouttes de la dernière cascade. Du précieux, et rien de ridicule. L'italo-anglaise suit le même ruisseau qu' Emiliana Torrini, sans titiller l'électronique. On a affaire à la version strip-tease. Sara Schiralli est nue. Ses chansons habillées d'un rien ; un bijou, un parfum. Un rien suffit. C'est du + bel effet. Même les notes deviennent abstraites, malgré les mélodies méticuleuses. Un disque ou un nuage, on ne sait pas.

La chanson-titre n'est que charme et désolation, rien d'autre que cet étrange duo, comme une rose sur un chant de bataille fumant. Un peu comme le couple raconté en deux bangs par Mazetti, improbable/inséparable. "

 

sara schiralli polaroid 

 

Lui : "Le grand point fort de ce disque, c'est que Sara Schiralli est très jolie. D'accord, sa voix aussi, même si la déplacer systématiquement sur le fil, c'est rasoir sur le long... L'album dure d'ailleurs un tout petit peu trop. Mais les coups de génie sont nombreux, c'est vrai. Les arrangements épurés, passés au tamis cent fois pour ne garder que l'or, font de "Roll the dice" ou le Harry Nilssonien "Incomplete" des moments de grâce qui posent leurs valises dans vos oreilles. Un peu comme l'héroïne qui s'installe chez " Le mec de la tombe d'à coté" : ça vient comme ça, on ne peut pas refuser."

 

 

La Bande Originale du Livre

 

Lui : "Les arrangements enfantins de "Bang Bang", ses petits violons qui descendent l'arc-en-ciel, son train-train dele mec de la tombe film sifflets, son incursion reggae mal aguerrie, donnent une dimension naïve à l'album. Un disque sans prétention que d'offrir les plaisirs façon Amélie Poulain. Une naïveté qui chevauche bien la construction "amicalement vôtre" du roman, ses altercations de perceptions femme/homme parfois un peu faciles.

J'aime la façon dont se livre se déculotte, mais le charme se rompt trop vite pour que je lise sa suite. Voir son adaptation filmique avec l'acteur de "Millenium" éventuellement (serait-ce leur seul acteur, en Suède ?) :

http://www.youtube.com/watch?v=03esIDHySms , mais la pièce de théâtre non merci.

Quant à la belle anglaise, curieux de découvrir comment elle défendra ce petit univers joueur sur scène en 2012."

 

Elle : "Si le disque incarne une bonne B.O.L. au roman, c'est parce qu'ils puisent tous deux leur profondeur dans le concept d'intimité. Au coeur du couple, jusque dans les tréfonds. L'auteure nous met le nez dans les pensées les + secrètes (être agacée par un mort), les sujets intimes (les menstruations, les irritations post-coïtales, le "frétillement des ovaires"), un certain réalisme (l'appréciation des corps imparfaits), le pourrissement de la passion.

Les chansons frileuses de Sara Schiralli, dépouillées, sont chantées au réveil, dans ses draps pleins de rêves. Tout ce petit monde funambule sur une corde sensible.

J'aime la façon culottée de la chanteuse de se mettre à nu ; espérons que le second album sera toujours sur les arêtes de la fragilité.

En outre il y a une suite au roman, "Le caveau de famille"... Avec ce couple mal assorti, là où il y a de la tombe, il y a de l'espoir ! "

 

 

 

Bang Bang :

http://www.youtube.com/watch?v=J8LfQtHm1XA

 

Roll the dice en prise live :

http://www.youtube.com/watch?v=TqSjB0XwBQo&feature=BFa&list=AVAYMcY2vx8GT9R6lD_vXPPU_-_YpCVx8E&lf=list_related

 

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6 octobre 2011 4 06 /10 /octobre /2011 20:06

chuck palahniuk journalbeck the information

 

Note de concordance : 9/10

 

Foutons le bordel ! Voilà qui pourrait résumer l'un comme l'autre de ces deux invités. C'est même toute la carrière de Palahniuk, toute la discographie de Beck qui sont vouées à cette notion de désordre.

 

L'écrivain américain, qui extirpa de ses tripes "Fight club" dès son deuxième effort, pince la lettre là où ça fait mal. Provocateurs, ses héros antisociaux sont des bombes humaines à retardement qui explosent le système depuis l'intérieur.

Beck pourrait être un personnage de Palahniuk. Après avoir posé les bases solides d'une carrière indie-folk avec le tube "Loser", Beck Campbell (de son vrai nom) dynamita sa propre destinée en enchainant avec des albums funk princiers, ou purement songwriting, ou quasiment hip-hop. Pas loser pour autant, bien au contraire... Du psyché, du blues, de l'electro, du foutraque, tout ce qui passe entre ses mains, il en produit quelque chose. Je le soupçonne fortement de pouvoir tirer des sons intéressants d'un radiateur cassé. 

 

Pour "The information", son disque aux velléités hip-hop, Beck a opté pour la déstructuration, et comme toujours pour le bric, le broc et le collage. Le concept de recyclage vient aussi alimenter ce disque singulier à la production démente (Beck et le producteur légendaire Nigel Godrich y auraient pris quelques cheveux blancs). On reconnait donc des sons, des voix, des rythmiques réutilisés d'un morceau à l'autre, mais collés à l'envers, vernis au folk ou jetés de travers entre deux accords. Cela donne une cohérence, une atmosphère autarcique et insulaire au disque.

 

L'action de "Journal intime" se joue sur une île. On tourne en rond sur une île, et Misty n'échappe pas à la règle. Le style Palahniuk, punchy, répétitif, va prendre toute son panache pour décrire cette vie d'ennui en plein déraillement. Recyclage là encore, avec des mêmes débuts de phrases qui ponctuent chaque chapitre (dont le "Pour ton information, juste au cas où", qu'on associera par pur opportunisme à la BOL choisie). Redonner vie autrement à une phrase, une idée, un personnage... Les deux oeuvres se répondent dans un parfait jeu de ping-pong.

 

Chuck Palahniuk écrit avec des gants de boxe, sa plume bagarreuse impose un rythme forcené à ses rebelles tordus. Il caresse le fantastique dans le sens du drame. Ici tout commence par des pièces de maisons qui disparaissent. Une cuisine, un salon... envolés. Il trouvera bien une logique à cela, mais en attendant c'est Misty, peintre ratée qui paie les pots de peinture cassés : son mari dans le coma serait responsable de ces "disparitions". Cette serveuse quasi-veuve sent la pression monter, comme un complot. L'étrange duo fille/grand-mère semble vouloir la pousser à revenir à la palette, à peindre à tue-tête. Des messages cachés lui conseillent plutôt de fuir l'univers moribond de cette île bouffée par l'argent du tourisme.

 

Réflexion sur le statut d'artiste, sa nécessité, son pouvoir, "Journal intime" s'entache de quelques chapitres redondants au début, et s'entiche surtout d'une aura de mystère séduisante. Une fois lancée, la machine Palahniuk nous entraine dans un train dont il déboulonne les rails lui-même, à coup d'humour noir.

 

L'autre saboteur, Beck, a composé pour cet album des instrus hip-hop qu'il a gravés sur vinyles pour les faire scratcher par des DJ. Superpositions, re-superpositions ! De l'hyperposition, dirais-je, puisque je dois me positionner. Puis ces compositions hip-hop ont vu leurs frontières voler en éclats pop, leur beats à poil sur une guitare sèche comme un coup de trique. Le groove décolle, dévie, se crashe. Et reprend son envol. C'est le disque de tous les possibles.

 

Comme dans le roman du subversif Palahniuk, l'instabilité est constante. Tout peut basculer et on ne sait pas depuis quelle hauteur on va tomber.

 

L'auteur est membre de la Cacophony society, un mouvement aux limites de l'anarchie qui éveille les consciences à coup d'events. Une forme extrême d'art en somme. Souvent le "spectateur" est mis à contribution. Beck nous a lui offert la possibilité de créer la couverture de "The information", grâce à un kit de stickers hallucinés.

Voici mon hyperposition :

    beck enfin

 

Enfin n'allez pas croire que ces capharnaüms sont vains. Si la forme de ce livre et de ce disque prennent des tournures alambiquées, leur finalité, essentielle, a bien les pieds sur terre. Placer l'art au centre de la Cité. Rejoignez-moi ce joyeux foutoir, béoèlisez "Journal intime" jusqu'à son ultime pirouette casse-gueule en dernière page. Foutons le bordel !

 

Une petite douceur pour commencer :

http://www.youtube.com/watch?v=JhSycSt86fo&feature=related

 

De la destructuration :

http://www.youtube.com/watch?v=DGCwUoKWcxs&ob=av2e

 

Du hip-pop :

http://www.youtube.com/watch?v=S-QHWXFJTek&feature=related

 

 

 

 

 

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25 septembre 2011 7 25 /09 /septembre /2011 17:28

Stephen king DesolationREM New adventures

 

Note de concordance : 7/10

 

Je n'avais pas l'intention d'écrire sur cette Bande Originale de Livre aujourd'hui, ayant déjà fait une association entre Stephen King et R.E.M. il y a quelques mois (séance de rattrapage ici ). Mais voilà, triste actualité, fin de parcours pour le groupe de Michael Stipe. Après avoir été transporté par tant de sublimes chansons, je me devais de rendre hommage à cette noble retraite en revenant sur ce qui est mon album préféré du groupe. "New adventures in hi-fi".

 

Les bases de cet album ont été posées sur la route, en tournée. Inspirés des méthodes du petit groupe qui assurait leurs premières parties (un groupe qui a quelque peu grandi depuis, des dénommés Radiohead), ils ont enregistré en pleines répétitions pour leur concert, presque en conditions live, dans une certaine immédiateté.

En sont ressortis des riffs poussiéreux, des guitares sous tension, un rock plus profond que le jouissif et éclaboussant "Monster".

 

C'est sur la même route peut-être, mais au + loin des terres, que se situe "Désolation". Sur la Highway 50. Désolation est une ville minière aux allures de western fantôme. La vibrante et inquiétante "How the West was won and where it got us" est la bande son idéale pour traîner ses bottes dans ce décor désertique, alors que son piano se désarticule comme le destin désaccordé de quelques personnages coincés là. Stephen King signe une de ses meilleures entrées en matière, vive sans que l'action n'ait vraiment démarré, effrayante sans que l'horreur n'ait de nom ou de geste. En quelques mots dans le dialogue d'un couple en voiture et l'évocation d'un chat crucifié sur un panneau, toute la tension du roman est accumulée, toute l'attention du lecteur aussi. La sirène d'un gigantesque policier enfonce le clou. A coup de batte de baseball.

 

Cette sirène affolante, c'est la même qu'on entend tout au long de la magistrale "Leave", hallucinante virée qui trempe quelques mesures acoustiques dans un bain de métal hurlant, de riffs urgents, d'accords d'argent. Comme une injonction à fuir criée au malheureux couple. Trop tard, le Maniac Cop les traîne derrière les barreaux de cette ville passée sous un chalumeau de mort.

 

Les quelques rescapés des massacres perpétrés par le grand policier se cachent, d'un vieux cinéma aux recoins d'une mine où un mal ancestral ronge Désolation + ardemment que les tempêtes de sable. La guitare lourde de "Low desert", ses relents country, attaquent l'histoire de Stephen King par les mêmes rafales. Stressantes, alors qu'il faut se cacher du monstre qui cherche ses proies dans la ville abandonnée, les portes grincent, aussi grippées que les notes de "Undertow" balancées comme la carrosserie d'un camion.

 

Ne vous y trompez pas, "New adventures in hi-fi" n'est pas une amerloquerie rock lourdingue. Un feu d'artifice d'arrangements vient affiner chaque morceau. Des ballades nous font régulièrement souffler, une brise hawaïenne agite quelques palmiers, Patti Smith nous envoie un P.S. bouleversant... 

 

Ces titres moins brûlants ne couvrent pas si bien "Désolation" musicalement, mais offrent un relief harmonieux aux routes profondes de R.E.M. D'ailleurs ce disque, sommet d'inspiration, se trouve être largement supérieur au livre du King. En effet, dans ce contexte minier c'est un roman mineur, rehaussé de quelques suspenses réussis et d'images chocs qui imprègnent la rétine mentale. Le déroulé est toutefois si banal, qu'on pourra préférer le roman siamois de l'alter-ego kingien Richard Bachman, "Les régulateurs", beaucoup + culotté et innovant. Quand Stephen King change de peau, cela donne des résultats beaucoup + intéressants que lorsque c'est Tak, l'entité maléfique à la fois invisible et prévisible.

 

les régulateurs

 

Les mutations de R.E.M. ont pour leur part pris fin, selon toute vraisemblance. Michael Stipe fera-t-il le saut du solo ? Peter Buck formera-t-il un nouveau groupe ? Mike Mills jouera-t-il de la basse sur une île déserte ? Bill Berry sera-t-il à l'initiative d'une reformation, lui qui a quitté le quartet pendant les 90's ? Et surtout, surtout, la + exaltante des questions : reverra-t-on tout ce beau monde sur B.O.L. ? A cela je peux répondre : vue la glorieuse discographie de R.E.M., c'est certain.

Bon vent à ces messieurs qui nous ont apporté tant de plaisir...

 

 

Comment nous avons gagné l'ouest et où ça nous a perdu :

http://www.youtube.com/watch?v=9BC07l2_zKU

 

Fuyez ! :

http://www.youtube.com/watch?v=cZUmrpzmYCg

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 19:39

yoko amours en margejay-jay johanson

 

Note de concordance : 9,5/10

 

Chuuuuut...

Pas de bruit...

Dans un murmure, s'adresser à la narratrice. Ses oreilles souffrent et sifflent, aboient, aberrantes. Jay-Jay Johanson, tel un amant nocturne, l'a compris et susurre. Epure.

 

Yoko Ogawa me porte chance. Toujours un peu de grâce et de magie avec la japonaise. J'ai pris "Amours en marge" au hasard, au Salon du Livre de Genève, entouré de trois filles bien trop charmantes pour me concentrer sur un choix fondé. Puis je l'ai lu sous les nappes denses du cocon "Spellbound", qui s'ouvrait en même temps.

Je ne crois pas avoir connu meilleure concordance de B.O.L.

 

Couches de neige, couches de souvenirs, mémoire embaumée, musée enseveli de blanc... Et les silences, les non-dits, la pureté... Tous les thèmes de Yoko Ogawa se glissent dans les bras tendres du crooner suédois. La mélancolie ouatée de Johanson câline les alcôves émotionnelles d'une jeune femme, son parcours intime. Ses paroles laissent les mêmes traces de pas blanches que l'écrivaine...

 

L'anonyme héroïne abandonnée par son mari (les trompettes héritières de Miles Davis dans "An eternity" résumeraient cette partie de l'histoire...) suit une thérapie pour soigner son audition. Elle va dès lors tomber sous le charme de Y, un sténographe. Ou plutôt de ses mains qui glissent sur le papier délicat. Une relation en marge voit le jour, où la parole et l'écriture s'emmaillent aussi profondément que les sentiments.

Rapports oniriques enveloppés des morceaux de "Spellbound", que le Docteur Johanson a voulu presque acoustiques. Délestés de beats trip-hop ou de batifolages électroniques, la voix et les mots (l'intro "Driftwood"), les notes et les tessitures (les violons de "Blind", le tissu organique de la reprise "Suicide is painless"), ont tous leur importance. Comme chaque millimètre d'encre compte pour représenter une lettre, tout ce que livre l'artiste est essentiel.

 

Enfouis sous une couette de neige, la beauté nue et la poésie de l'invisible convolent.

 

Je ne veux pas en dire trop sur ces noces de flocons... ne pas fatiguer les oreilles, ni les yeux. On n'analyse pas l'état de grâce, on le vole.

 

Jay-Jay nature, seul :

http://www.youtube.com/watch?v=ALlL5S09jQg

 

Sans doute la chanson la moins représentative, mais un si beau clip :

http://www.youtube.com/watch?v=8TZRY7qU9k0

 

Des voiles de beautés :

http://www.youtube.com/watch?v=3HeIANJnCCI

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20 août 2011 6 20 /08 /août /2011 09:24

philippe delermDelerm live

 

Note de concordance : 6,5/10

 

Le hasard, je vous assure ! Le hasard ! Ah je vois à votre rictus que vous ne me croyez pas... Bon d'accord, j'avoue, cette Bande Originale de Livre est bien davantage dictée par la réunion de famille Delerm que par la cohérence entre les deux œuvres. Et pourtant, comme il parait que la nuit tous les chiens ne font pas des chats gris, j'aurais été chagrin de ne pas trouver des liens entre le livre du père et le disque du fils !

 

Mais quel disque choisir ? Je les ai tous écoutés en boucle, associés à des moments de vie - "Kensington Square" fut un album de chevet, "Les piqûres d'araignées" me renvoie en aller-simple au soleil, etc. La bande n'est plus vierge ! Reste ce "Favourite songs" cocasse, estomaquant live intégralement constitué de duos (ou + si affinités) que j'avais moins approfondi, malgré le prestige des invités. La lecture du papa en était l'occasion.

 

"Quelque chose en lui de Bartleby" parle d'un homme ordinaire qui veut le rester. Un de ces hommes simples qui ne souhaite ni briller, ni avoir son quart d'heure de célébrité wharolien. De banal il veut passer à banal. Ca lui va bien d'être lisse. C'est moins compliqué. Ca glisse mieux.

Seulement Arnold Spitzweg, comme tout le monde, a un talent ou une particularité : il ne s'ennuie jamais, sait s'émerveiller des petits détails, et écrit bien. Lorsqu'il découvre l'univers des blogs, il partage sa vision très personnelle de Paris sur internet. Et son blog buzze.

www.antiaction.com (le site existe vraiment... mais n'a rien à voir !!) touche les internautes. Les choses sont sur le point de changer...

Rester banal ?

 

La plupart des "favourite songs" collectées à La Cigale fin 2006 sont des reprises. Même s'il est malaisé de saupoudrer un roman de musique live (les applaudissements et les commentaires vous extirpent de la lecture assez abruptement), le choix des chansons de Vincent Delerm, lui-même un homme discret et charmant, se love dans l'histoire du blogueur non-affirmé. Sur son fil mélancomique, Vincent traverse son chemin de la chanson française, d'Anne Sylvestre à Benjamin Biolay en faisant un crochet chez ses potes du label Tôt ou Tard, et en se retenant à la tignasse de Souchon.

On entend régulièrement la jubilation dans la voix fragile du pianiste, lorsque son invité surprise arrive sur scène pour offrir à un public conquis des versions tendres, drôles, épurées et fraternelles de chansons que je qualifierais de la même façon que le timbre de Vincent Delerm (je vous laisse remonter le fil de la phrase, car je n'aime pas les répétitions dans un texte).

Parlons-en d'ailleurs de cette voix qui fait tant railler : Delerm a la voix du Grand-père Simpson ? Oui un peu. Mais il s'en sert de mieux en mieux. Et surtout, elle est l'empreinte de ses chansons ; je ne vois pas qui pourrait chanter mieux ces morceaux de vie en musique. Pas une grande voix, mais un cachet. 

 

En parlant de cachet, j'espère qu'il n'a pas eu à payer tous ces artistes ! Yves Simon, Philippe Katerine, Peter Von Poehl, George Moustaki, Jeanne Cherhal, Renaud, Valérie Lemercier... On sent trop de complicité entre eux pour y croire. De la joie, de l'émotion, de la décontraction ! Quand le demi-dieu Neil Hannon de The Divine Comedy vient faire l'effort de chanter en français, on l'entend même lancer un "shit !" d'avoir écorné une strophe de "Favourite song". Le pianiste s'interrompt, les sourires prennent le relais, mieux que des notes.

 

De nombreux titres marchent sur les mêmes plates bandes que le roman du père, mais celui qui vogue le mieux sur les errances de quartier de Philippe Delerm (enfin de son personnage, Arnold Spitzweg. Enfin c'est pareil, non ?) est forcément "Les gens qui doutent" repris avec Jeanne Cherhal et Albin de la Simone, splendide hommage d'Anne Sylvestre à ceux qui n'ont pas l'assurance aux dents blanches, aux sensibles qui s'ensablent dans leurs blessures, aux timides qui sourient même quand on les emmerde, à ceux qui n'osent ni ne posent.

J'aime à penser que Spitzweg, ce petit bonhomme intègre au regard absorbant, qui prône sur son blog la paresse et l'observation des brindilles de la vie, écoute en boucle cette chanson. Qu'il pense à son amour ratée adolescente sur ces quelques vers.

 

Léger comme les balades de l'écrivain.com de squares en squares (on croise dès la première page le square Carpeaux, cité par Delerm-fils dans l'album "Kensington Square" - Argghh, pour quelqu'un qui n'aime pas les répétitions !), "Quelque chose en lui de Bartleby" est un livre court et attachant sur l'anonymat.

Philippe Delerm colle ses vignettes collectionnées au fil des jours, des faits du monde faits de rien, des petits zooms sur les gestes qui trahissent les sentiments... Toute une palette de finesses transmise à son fils Vincent qui a dans les gènes et les mots la même acuité.

Quand le père feuillette les petites choses de la vie, le fils effeuille le quotidien.

 

p. delerm à Parisv delerm assis

 

Une spéciale dédicace aux membres du club FES :

http://www.youtube.com/watch?v=qM1XxVZH-I0

 

Vous n'alliez pas échapper à Biolay, faut pas rêver !

http://www.youtube.com/watch?v=vz28gyZqyV8

 

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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 14:53

connardBlack Keys

 

Note de concordance : 7,5/10

 

 

Le livre est en travaux, la lecture entravée de frustrations.

Le disque est en chantier, l'écoute enchantée de riffs souillons.

 

Vous ne trouverez donc pas ce livre en magasin, même dans votre meilleure librairie, ni même à la Four letters word ! Du moins pas encore. Car s'il fallait miser sur l'émergence d'un talent, comme on met des sousous sur les poulains de MyMajorCompany, c'est sur ce faux tocard dit "Loser" que je plaquerais tout mon pécule.

Rendez-vous donc sur le trépidant site Atramenta (www.atramenta.net) pour découvrir gratuitement le feuilleton "Connard" (la saison 1, le début de la 2, le cross-over "Happy Meal").

Savourez cette gratuité : si le monde est bien fait, vous devrez vite payer pour lire Loser Esteban. Quoique... comme ce dernier s'acharne à nous prouver que le monde est mal foutu, l'Homme bancal... allez savoir. 

 

Les mots du Loser sentent le soufre. Il fixe les travers humains à la perceuse, dans un nuage de poussière ferreuse ; je me doutais qu'il viendrait se coller au son graisseux des guitares de The Black Keys. Le duo semble avoir eu peur de tourner en rond dans leur Ohio natal, ils ont donc pour leur sixième album ouvert la porte à quelques courants d'airs pop. Mais le blues demeure le socle, solide comme un FUCK.

Avec "Brothers", on quitte donc le Royaume du BBlues classique, pour une production crasseuse qui réussit l'exploit de faire revivre l'authenticité du son frelaté des blind boys d'antan, tout en soignant la griffe de la modernité. La marque du Beau, selon Baudelaire.

 

Le beau délétère plante ses fleurs du mal le long de chaque phrase, dense massif. Comme chez les Black Keys, l'universel et le moderne se chevauchent (on entrecroise les tiraillements les + profonds, la stérilité de Coldplay, les héritages de l'enfance, Beigbeider mijotant "Un roman français" dans sa cellule, etc). Hymne à la littérature autant qu'à la nature pathétique des hommes, "Connard" suit amusément les traces d'un psychopathe passionné de langues (au sens figuré ? Vous rigolez ?) et de ses poursuivants, prétexte accrocheur pour collecter la connerie de l'espèce humaine. Chasseur émérite, Esteban la saisit dans ses moindres cachettes, le sujet est donc vaste. Comme un Expert trouve des traces de sperme sous une froide lumière bleue, il révèle nos tâches, nos pensées les + sales, les bassesses tabous, la pauvreté du quotidien.

Cette littérature au foie malade, gavée de pinard et de Céline, est d'une précision qui vous découpe en tranche. Ecrit à la première personne singulière ou à la onzième personne du pluriel, ce feuilleton trouve sa + grande force dans sa (protéi)forme. Celle-ci est traversée d'une liberté et d'une inventivité jubilatoires, capable de muter en roman épistolaire, en pièce de théâtre, en élans métaphysiques, et même de voir des personnages reprendre leurs droits et tendre un vigoureux doigt d'honneur à l'auteur.

 

Loser

 

Les aventures crasses du petit monde rigolard d'Esteban résonnent pleinement dans les échos garage des Black Keys. Revenus d'une incursion rap avec le projet Blakroc, ils ont ramené en souvenir une audace et un sens du groove encore + affutés.

La basse est une bombasse. Affamée comme un Beck avide sur "Sinister Kid", aguicheuse sur "Ten cent pistol", elle fera de vous une marionnette dansante. La soul coule de ses pores, comme les grasses rythmiques de la gratte saccadent le blues en cascade. La transe est sublimée par cette production badine, les orgues suants, les bricoles de l'invité Danger Mouse sur "Tighten up".

Cachés par la rudesse médiatisée des White Stripes et le séduisant je-m'en-foutisme cabotin des Libertines (on est sous l'ombre croisée des deux groupes dans "Unknown brother" !), The Black Keys ont mis le temps à sortir du statut culte pour devenir un groupe qui compte, dont on attend avidement la suite.

 

On attend aussi la suite de "Connard", de nouveaux chapitres coups de poing qui frappent la provocation de Palahniuk en plein thorax, de nouveaux coups de scalpels à la Houellebecq. On veut savoir si le Commissaire Issaire retrouvera Vincent Gland dit le Connard avant que les langues ne se délient. Et on veut que la batterie de "Brothers" vienne cracher son tempo sur ces mots hématomes.

On veut encore qu'Esteban appuie là où ça fait mal, dans une masochiste catharsis. On veut de son huile de coude, des phrases qui sentent la vieille vaisselle, des sentiments qui puent. Fouette-nous Esteban ! Tes maux nous font du bien !

 

 

Puisqu'on en est à la gratuité, Youtubez et Atramentez en même temps :

http://www.youtube.com/watch?v=mpaPBCBjSVc

http://www.atramenta.net/lire/connard-saison-1/34109

 

Et encore du blues brut :

http://www.youtube.com/watch?v=-jr0194uC-M

 

       

 

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20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 18:04

Ogawa le muséeSys Matters

 

Note de concordance : 8,5/10

 

Immersion.

Les oreilles se remplissent. D'une eau tiède, de sons mutins, d'un lot de mots mats.

Syd Matters nous plonge sous les eaux, Yoko Ogawa sous une lame de poésie.

 

Un peu de magie d'abord : certains livres, depuis leur rayonnage, vous interpellent, vous parlent. Puis ils vous guident : "ouvre-moi page 39, tu verras, il y a une jolie formule". Parfois ils vous donnent le ton de l'histoire sans que vous ayez rien demandé. Ce livre vous veut ; il vient de vous choisir et votre cerveau se satisfait de cette acquisition inversée, refermant ses écoutilles + vite que la main sur le bouquin pour ne pas changer d'avis, ne pas briser cette imbécile complicité.

Le ton était donné lors de ce dialogue muet avec "Le musée du silence" en pleine librairie : immersion. Mot-clef venu d'entre les mots et me faisant vite jeter l'ancre sur les chansons de "Brotherocean".

 

La quatrième merveille de Syd Matters - groupe indé français issu du concours CQFD des Inrockuptibles - est un voyage aquatique. Les mélodies se déplacent à travers les courants harmoniques. Les compositions, faune complexe, se déflorent un peu, à chaque écoute, à chaque plongée. Rien n'est fixe, la flûte entendue là hier est aujourd'hui ensevelie sous les échos vaseux d'un piano. Vous croyez reconnaître le chant de six reines comme une harpe vous harponne. Les chœurs indélébiles s'effacent et vous narguent, banc de perches tendues que votre oreille n'atteint pas. Les boucles de guitares, poisons rouges, vous entrainent dans leurs abysses avant de changer leurs tentacules de sens. La biture est labyrinthique. Ivre de plaisir, on s'oublie, on préfère à l'oxygène les Naïades de l'album.

 

"Le musée du silence" ne met pas en scène la petite sirène mais fonctionne en vase clos. Les personnages n'ont pas de nom, le village non plus. L'auteure est japonaise mais aucun soleil levant n'indiquera où l'action se déroule. Hors du temps, l'intrigue drague le fantastique. Une impression de flottement inonde le lecteur. On se laisse emporter par ce narrateur muséographe engagé par une vieille acariâtre pour monter un musée improbable, au milieu de nulle part. Et avec pas grand-chose dedans. Des objets qu'elle a collectés toute sa vie, disparates, incohérents, rangés par le hasard. Ils ont pourtant un point commun : ils sont tous le souvenir d'un mort. L'inventaire devient un hymne à la mémoire.

Bientôt le héros va se sentir pousser une mission au bout des doigts: prendre le relais. La fille de la vieille dame en poisson pilote, et de cabrioles en cambrioles, il va subtiliser à chaque défunt un objet, emprunter l'empreinte d'une vie. Etrange comme les morts abondent... Un prédateur sévit, la lame cinglante...

 

Ce récit fragile se voit parfaitement bordé par les berceuses adultes de Syd Matters. Il en faudrait peu pour que les notes qui s'entrecroisent s'entrechoquent et détruisent cette planète musicale. Mais comme Yoko Ogawa économise ses mots, le leader Jonathan Morali trie ses effets de haute volée et jamais une mesure n'est de trop.

Aussi précieusement que les personnages recensent leurs trésors, "A robbery" égrène les arpèges, comme si Nick Drake avait repris goût à la vie et n'avait pas laissé son livre de Camus derrière lui (tiens, qu'est-il devenu ? Un musée l'expose-t-il ?). Les trombes de chœurs de "Hallacsillag" vous submergent, toute idée de sortie devient abstraite, au même titre que notre muséographe ne parvient plus à quitter le biotope du village. "I might float" ouvre les vannes d'un flot de mélodies dont la superposition étourdit, sourde une mise en abîme qui se reflète dans le manoir aux objets. Organique et alambiqué, "Brotherocean" prolifère d'idées ; éclos l'écho du huis clos sans frontière d'Ogawa.

 

ogawa photo

 

Pourtant ce roman évoque le silence. Les moines et les objets renferment les secrets tus. Mais le vrai silence n'existant pas, il fallait une B.O.L. aux contours définis, une bulle cohérente. Comme un musée qui colmate la mémoire qui fuit. Le monde s'il ensile les souvenirs en héritage, forme un mausolée pour la mémoire collective.

 

En lisant "Le musée du silence", immanquablement on se pose cette question : "Lequel de mes objets conservera-t-on pour se souvenir de moi ?" Mettons ça sur le compte de Syd Matters qui m'a égaré, je n'ai rien trouvé.

 

 

Splendide "Hi life" et son clip à l'avenant :

http://www.youtube.com/watch?v=A4N_zbegHro

 

Et voilà que la boucle se boucle. Je viens de découvrir une vidéo de "I might float" jouée en acoustique dans un musée ! De la magie, vous disais-je... 

http://www.youtube.com/watch?v=dKqlXQ9fOns

 

 

 

 

 

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Un Livre Et Sa Musique

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