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18 mai 2012 5 18 /05 /mai /2012 19:39

 

Note de concordance : 6.5/10

 

 

John Fante - Mon Chien Stupidetindersticks - the something rain

 

 

Combler le vide. C'est l'histoire de tout être humain depuis qu'il a quitté son Paradis perdu : le ventre de sa mère. C'est aussi l'histoire de ces deux oeuvres qui se tournent subtilement autour et s'interpénètrent sporadiquement.

 

Pour ce 9ème album du groupe mené par Stuart A. Staples, le titre même de l'album, "The something rain", évoque la nature profonde de la créativité artistique : combler les trous, donc... Staples explique que le mot "something" placé là symbolise le tâtonnement de l'inspiration pendant la composition, la doublure-lumière provisoire pendant les répétitions avant l'arrivée du terme finalement élu.

Les anglais avaient un but, un son, un vent de liberté en tête à retranscrire sur ce disque : cet objectif à atteindre, ces failles magnifiques à compléter, les Tindersticks les ont sublimés.

 

Groupe le plus classe de tous les temps (n'y voyez-là aucune subjectivité, c'est empirique !), les membres du groupe fuient la facilité comme si la routine était une pluie toxique dissolvant l'inventivité. Les violons, la musique de chambre, la pop orchestrale qui ont fait leur gloire : des gammes trop simples, des poches sans trous, des formules aux charmes mathématiques. Nous on en redemande, mais eux se dopent aux plaisirs de l'inédit. De flashbacks soul ("Simple pleasures") en transitions illuminées par le jazz ("Falling down a mountain"), les Tindersticks ont finalement façonné cette pièce-maîtresse de leur oeuvre. Flamboyant, culotté, habité, "The something rain" superpose les couches irisées d'indie, de free-jazz, de soul, de boucles morriconiennes... Les strates mélodiques fusionnent sous les migrations gracieuses d'un miracle nébuleux. Ils tentent, osent... De la boîte à rythme, de l'écho sur le chant si exalté de Staples, une rythmique tropicale, un solo de saxo sexy, du talk-over and over and over... Avides d'expériences comme mille vierges en furie, rien ne leur résiste. 

 

Henry Molise - une version vermeille du personnage culte Bandini - a beaucoup raté : sa vie professionnelle, sa vie de couple, son rôle de père, et même sa route : il doit régulièrement appeler sa femme depuis une cabine téléphonique pour le ramener chez lui, à deux blocs de là. Romancier raté roulant dans une vieille Porche défoncée (si les créateurs de l'excitante série Californication ne se sont pas inspirés de lui, j'arrête les points d'exclamation en fin de parenthèses !), Henry a quant à lui cédé à la facilité, contrebalance des Tindersticks - miroir aux alloués au talent. Notre loser se paluche du scénario hollywoodien... dans ses meilleurs jours ! Quand les contrats veulent bien tomber... Pour ce qui est de faire un bon roman, la graine ne prend pas. Chez lui on ne sème peut-être pas assez...

 

L'adoption d'un chien errant à la queue particulièrement remuante va ébranler un peu + sa famille, à une étincelle de l'implosion. Une épouse raciste, quatre enfants irresponsables, irrespectueux, irritants, y retrouver sa place n'est pas évident. Cocon en décomposition, le noyau familial se désolidarise, les chambres se vident une par une. Henry voudrait prendre la pièce de sa fille qui convole en camping-car, mais elle lui refuse ce privilège. Chambre inoccupée... L'absurde incapacité à combler les vides...

Baptisé Stupide, le nouveau chien lubrique d'Henry, bouche ces trous béants que sont les défaites de l'écrivain (et bien d'autres !). Il occupe le terrain, se frotte à son gendre, se tape le voisinage canin. Il domine. Il remplace.

 

En aspergeant "Mon chien Stupide" d'un ton humoristique, John Fante peut se permettre de laisser son style direct, frontal, aborder des sujets mélancoliques. Les échecs, les revanches pathétiques, la douloureuse prise d'indépendance des progénitures, l'ingratitude, la désagrégation des liens, le linceul qu'on dépose sur les rêves... Tout cela dans un pataugement drôle et absurde, comme un enfant qui saute dans une flaque.

 

La musique de Tindersticks a certes des accents de tristesse. Mais le groupe l'expliquait il y a quelques années, la subtile exagération du spleen est une forme d'humour anthracite aux entrées en trompe-l'oeil d'un groupe + amusant qu'il y parait. Si la musique enchaine des notes désenchantées, les paroles appellent parfois la drôlerie. Exemple on ne peut guère + flagrant, le long monologue de "Chocolate" contant sur 9 minutes comment un type solitaire rencontre et emballe une femme troublante... et au moment de conclure se retrouve avec un pénis sous son nez.

Ce même rapport humour/drame que John Fante, mais dans un miroir, un deal entre la forme et le fond. Les couleurs de ces oeuvres sont identiques et inversées comme celles d'un négatif.

 

tindersticks miroir

 

En mettant en relief la nature moins ironique et + désabusée du roman, "The something rain" et ses morceaux toxiques, magnétiques, ses patchworks de saxo, font donc un contrepoint remué au livre de l'américain qui a inspiré Bukowski et Kerouac. C'est un album en mouvement, en voyage. L'alter-ego de Fante s'essaie vaguement à être un type bien, puisqu'il ne parvient pas à concrétiser son projet de repartir vivre à Rome. Cette B.O.L. sonne comme ses rêves en perdition.  

Le silence est un vide que je comble avec un quelque chose musical en attelage ; plaisante expérience que de lire et d'entendre tout ce petit monde enraciné dans les nuages. 

 

 

 

Une vidéo de "Medicine" tournée dans l'écrin d'inspiration de Stuart Staples, son studio dans la Creuse, Le Chien Chanceux :

http://www.youtube.com/watch?v=5v1eFVOj4is

 

Sans doute le titre le + délié de l'album, "Frozen" :

http://www.youtube.com/watch?v=KEd0BbunCQU 

 

 

 

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commentaires

P
I guess most of us don’t even know who Bandini is. She had wasted most of her professional life and that happened mainly because she mixed personal life with professional life. I don’t know, why that happened.
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F
In fact Bandini is also a character of John Fante, a kind of rebel who may be his alter ego. ;-)

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