Note de concordance : 9/10
Une bande dessinée peut tout à fait avoir sa B.O.L. Comme l'oeuvre est normalement lue + rapidement, le disque aura moins le temps d'imprégner les oreilles, et l'idéal est de découvrir le disque en même temps que la BD. L'impact en sera augmenté, d'après mes calculs savants, de 39,7%.
Le tome 4 de Blacksad s'intitule "L'Enfer, le silence". Le détective au visage félin va s'immerger dans les quartiers jazz de La Nouvelle-Orléans, au coeur des années 40. A priori cette ville bouillonnante a tout pour plaire à Blacksad qui rapproche dès les premières pages le silence de l'enfer (comme je suis d'accord...). Mais ses notables véreux, ses travers, ses magouilles, les ravages de la drogue, et même le vaudou vont sévèrement compliquer l’enquête du gentlecat.
Entre un bon disque de death-metal hardcore et du jazz, j'ai curieusement opté pour la solution 2, avec le troisième album de Catherine Russell. Cette new-yorkaise - dont le père, directeur musical de Louis Armstrong, a longtemps vécu à La Nouvelle-Orléans - a été choriste pour David Bowie, Paul Simon, Rosanne Cash et bien d'autres avant de se lancer en solo. Son timbre d'alto porte, transporte, cet album aux arrangements variés et d'une richesse digne des dessins de Guardino. Les alternances de cuivres, de piano, de morceaux presque cajuns où le banjo se marie à un violon coquin, les quelques incursions blues et l'équilibre des soli composent la mosaïque de ce grand disque de jazz rétro dont on ne se lasse pas.
Cette production prestigieuse introduit parfaitement le casting foisonnant de Blacksad. La faune urbaine dessinée avec un génie auquel on ne s'habitue pas pullule dans la ville berceau du jazz. Les personnages traînent leurs gueules (dans le sens cinématographique du terme) dans les vieux bouges, les clubs, les rues du Vieux Carré et ses impasses voisines + louches, les clubs, les quais, les tramways, les clubs, ...
Guardino réalise souvent des doubles pages avec une couleur dominante. A ces ambiances splendides, le swing d' "Inside this heart of mine" donne une dimension supplémentaire. Ecoutez "Quiet Whiskey" en déshabillant la page 4 du regard ! Passez l'extraordinaire chanson titre au rythme des ballades du héros chez les disquaires de la ville ! Quand le très réussi pianiste Sebastian traîne ces vieux os troubles, la rythmique saccadée de "Slow as molasses" semble écrite pour sa démarche dégingandée. Evidemment, "Troubled waters" et son picking blues s'imposent lorsque Blacksad coule lentement au fond du Mississippi...
Dans cette BD, le jazz émane de chaque case, transpire de chaque personnage.
Dans ce disque, les images capiteuses se chevauchent, les couleurs éclatent.
Le Paradis, la musique.
Fait assez amusant et dû au hasard, le premier album de Russell s'appelle "Cats". Et on retrouve sur "Inside this heart of mine" un morceau nommé "All the cats join in" sur des coussinets de trompettes. Ce livre et ce disque sont décidément félins pour l'autre.
Et comme d'habitude, la séquence "l'eau à la bouche" :
http://www.youtube.com/watch?v=-BNFqx9hKpg&feature=related